Bien disposés pour recevoir l’Esprit ?

Photo DR : www.egliseprotestanteunie-evreux.org

Homélie pour la solennité de la PENTECÔTE

Actes 2,1-11 / Psaume 103 / Romains 8,8-17 / Jean 14,15-26

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On pourrait commencer la fête de l’Esprit par… un trait d’Esprit, qu’en pensez-vous ?

Vous connaissez l’histoire de ce curé qui n’avait pas eu le temps de terminer la préparation de sa prédication. Il a improvisé la seconde partie et il a dit à ses paroissiens : « J’ai préparé le début, après j’ai laissé l’Esprit Saint prêcher. » Et à la sortie, un de ses paroissien lui dit : « Eh ben, Monsieur le Curé, l’Esprit Saint prêche bien mieux que vous ! »

C’est peut-être l’occasion de nous rappeler que, dans notre foi catholique, la prédication – ce que je suis en train de faire – ce n’est pas un simple commentaire fait par un théologien si savant soit-il ou si pauvre soit-il comme moi. N’importe quel théologien peut faire cela. Homme comme femme d’ailleurs. Ce n’est pas ça, la prédication, ce n’est pas seulement ça. Parce que cela, il y a certainement des personnes parmi vous qui le feraient bien mieux que moi.

L’homélie, la prédication, ce n’est pas un commentaire de la Parole de Dieu, pas seulement en tout cas. C’est d’abord un commentaire de TOUTES LES LECTURES… pas seulement l’Evangile mais la première, la deuxième… et le psaume. Mais c’est aussi un commentaire qui passe par la bouche du diacre, ou du prêtre, ou de l’évêque. Et notre Foi nous dit qu’alors, ce commentaire est inspiré.

Plus exactement, c’est lors de la préparation de ce commentaire qu’on est censés, comme ministres ordonnés, être inspirés pour écrire les bons mots – ah oui ça sous-entend que ce soit préparé, évidemment, c’est logique.

Et puis c’est lors de la messe, comme maintenant lorsqu’on prononce l’homélie, que l’Esprit Saint non pas inspire le prêtre car il l’a inspiré quand il a préparé l’homélie, mais que l’Esprit Saint VOUS inspire… pour comprendre quelque chose de nouveau, chaque fois.

Et là, ça sous-entend que VOUS soyez dans de bonnes conditions d’écoute. C’est d’ailleurs pour ça, tout simplement, qu’on s’assied au moment de l’homélie, c’est pas pour piquer un petit roupillon, mais c’est pour être dans de bonnes conditions d’écoute.

Celui – ou celle – qui regarde sa montre dès le début de l’homélie (des fois c’est juste un réflexe, hein…), celui-là n’est pas en bonnes conditions d’écoute, il est déjà dans tout autre chose. Il n’est pas en état de recevoir quoi que ce soit de l’Esprit Saint, celui-là. Il est juste en train de se dire : « Combien de temps il va faire, aujourd’hui ? »

Celui ou celle qui pense à son repas du soir en se demandant si on a bien réglé le four… n’est pas non plus dans de bonnes conditions d’écoute. On n’écoute plus quand on pense à son four, vous êtes d’accord ? N’y pensez pas, hein !

Celui ou celle qui, en s’asseyant juste après l’Evangile, se dit : « Bon, voilà le moment de piquer un petit somme », eh bien celui-là non plus n’est pas en bonnes conditions d’écoute.

Celui qui dit à son voisin : « Tu me réveilles quand il a fini » non plus.

Et je vous parle pas de celui qui débarque à la messe après le début, pendant l’Evangile par exemple, qui n’a donc ni reçu le pardon, ni été accueilli, ni chanté la gloire à Dieu, ni écouté la première lecture… Dans quelles conditions se trouve cette personne pour recevoir l’Esprit Saint ?

On a le droit d’être en retard, ceci dit. Mais ça ne nous met pas dans de bonnes conditions d’écoute.

Quant à celui qui écoute l’homélie depuis le bistrot, alors là… Il aura l’ivresse de l’Esprit, peut-être, mais pour le reste…

Tout ça pour vous dire, Chers Amis, que quand j’entends des gens critiquer certains confrères quant à leurs homélies, je me demande toujours si ces personnes se sont posé la question : « Je critique le curé, mais moi est-ce que j’étais dans de bonnes conditions d’écoute pour recevoir son homélie, pour comprendre ce que l’Esprit Saint avait à me dire à travers la bouche de ce pauvre serviteur qu’est le prêtre ? » Il faudrait y penser avant de faire un commentaire sur telle ou telle homélie qu’on a aimée, qu’on n’a pas aimée…

La première lecture qu’on a entendue tout à l’heure, les Actes des Apôtres, nous rappelle que les Apôtres, quand ils ont reçu l’Esprit Saint, étaient réunis, comme vous ce soir, probablement en prière. Ils étaient déjà dans de bonnes conditions pour recevoir quelque chose de Dieu.

Paul, dans la seconde lecture, nous mettait en garde de ne pas être, vous l’avez entendu, « sous l’emprise de la chair » pour recevoir l’Esprit.

Alors nous, quand on nous dit « l’emprise de la chair », on pense tout de suite à quelque chose de très peu avouable. Mais rien de tout ça, l’emprise de la chair ça peut être très simple : le cerveau qui pense au four allumé, c’est l’emprise de la chair : on a faim ! L’attaque de paupières, c’est l’emprise de la chair, bien sûr. La montre au poignet, c’est l’emprise de la chair. L’apéro au bistro, c’est tout autant l’emprise de la chair…

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, l’apéro c’est une très bonne chose : je reviens de Lourdes et une des traditions de Lourdes, c’est l’apéro ! Entre Valaisans, c’est sacré, après chaque célébration !

Mais être sous l’emprise de la chair, c’est encore plus que cela, ça empêche autre chose, ça fait barrière à l’Esprit Saint.

Et le psaume, lui, nous rappelait l’enjeu de ce souffle venu de Dieu qu’on appelle l’Esprit. Vous l’avez entendu, qu’est-ce qu’il y a à la clé ? C’est ni plus ni moins de nous re-créer.

Il est audacieux, notre Dieu ! Il veut nous re-créer à travers son Esprit Saint. C’est une re-création, pas une récréation mais une re-création, une nouvelle création. La réception de l’Esprit au travers d’une bonne prédication, c’est une re-création.

Alors oui, chers Amis, j’ose reprendre à mon compte une des phrases de Jésus dans l’Evangile d’aujourd’hui, et qui disait : « Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi. »

… « Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi. »…

En tout cas, si j’ai fait correctement mon travail de préparation pour cette prédication – en lisant les textes à l’avance, en découvrant des commentaires, des homélies d’autres confrères, en méditant ces textes puis en écrivant mon texte à moi – normalement si j’ai fait tout cela au plus près de ma conscience, alors nous croyons que l’Esprit passe à travers moi et que ces paroles ne viennent pas de moi, qu’elles sont censées vous faire découvrir quelque chose de ces textes.

C’est cela, la prédication.

Et ça m’intimide beaucoup, à chaque fois que j’en prépare une, parce qu’on est de bien pauvres prêtres pour être serviteurs de l’Esprit Saint.

Mais j’ai pu avoir fait mon travail du mieux que je le pouvais, j’ai pu faire appel à ma formation ancienne de comédien pour vous faire passer – du mieux que je le pouvais – ce texte par ma voix… sans accent genevois si possible… si VOUS, vous n’êtes pas disposés à recevoir l’Esprit, alors l’Esprit n’y pourra rien.

…Mais à ce que je vois sur vos visages ce soir, vous êtes plutôt bien disposés…

Rappelons-nous tout cela chers Amis quand nous écoutons une prédication, quand nous sommes ici, à l’église, pour prier, dans un temps de silence aussi – ce sont des moments privilégiés où l’Esprit s’exprime…

Ne lui faisons pas barrage ! Soyons dans de bonnes dispositions pour écouter ce que l’Esprit a à nous dire.

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Vex, samedi 14 mai 2016, 18.30 (version enregistrée)