C’est pas mes affaires…

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Photo DR : www.autour-du-corps.fr

 

Homélie pour le 20e dimanche TO, année A

 

Isaïe 56, 1.6-7 / Psaume 66(67) / Romains 11, 13-15.29-32 / Matthieu 15,21-28

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

 

Chers Amis,

 

Jésus dans ce passage est en vacances. Comme je l’étais la semaine dernière. Il est en vacances. Comment le sait-on, me direz-vous ? Ben il suffit d’écouter, hein : on nous dit tout au début qu’il s’est retiré – il est donc en retraite, en temps de repos –  et qu’il s’est retiré dans la région de Tyr et de Sidon, cela représente les beaux endroits de l’époque, les stations balnéaires si l’on peut dire.

 

Alors je ne sais pas si vous êtes comme moi, peut-être avez-vous pris quelques vacances, peut-être êtes-vous allés à l’étranger, peut-être êtes-vous allés vous reposer… personnellement quand je suis tranquille sur une plage, j’ai une sainte horreur qu’on vienne me déranger pendant ma sieste ou pendant ma lecture.

 

C’est exactement ce qui se passe ici, la plage, la sieste et la lecture mises à part évidemment ! On vient déranger Jésus dans son temps de repos. Une femme vient lui demander la guérison de sa fille. Une femme de l’endroit, donc une étrangère pour Jésus, puisqu’il est à l’étranger. Et que fait-il ? Eh bien d’abord il ne répond pas.

 

Je le comprends un peu, Jésus. Moi sur la plage, quand je suis encore à moitié endormi, je ne réponds rien à la première interpellation. Surtout si c’est encore le marchand de bibelots qui passe pour la 42e fois essayer de me vendre ses bêtises.

 

Seulement, dans notre épisode, les amis s’y mettent. Ça c’est dur, quand les gens qui sont autour de nous s’y mettent aussi, pour vous tirer de votre sieste… Les disciples de Jésus lui demandent d’intervenir. Et là Jésus va réagir. Il dit non.

 

Vous savez, des fois, on aurait tendance à voire Jésus comme quelqu’un de toujours gentil, d’un petit peu fleur-bleue, comme ça, un peu « mai 68 », un peu hippie sur les bords. Mais il lui arrive de dire « non » ! Et dans le cas présent, il dit non. Il dit même qu’il n’a pas été envoyé pour cela. Qu’il est pas là pour ça. Bref, que c’est pas son rôle. « C’est pas mes affaires ! »

 

J’avoue que c’est un peu ce que j’aurais répondu à mes amis s’ils m’avaient dérangé de ma sieste, sur la plage, en insistant pour que j’achète ce que proposait le vendeur. J’aurais sûrement dit « C’est pas mes affaires ! ».

 

Mais l’histoire est différente et elle ne s’arrête pas là, bien sûr.

 

Cette fois, c’est la femme qui reprend la parole et qui s’adresse à Jésus. Se passe alors un dialogue étrange qui parle de petits chiens de miettes tombées de la table, vous l’avez entendu.

 

Et sur ce, Jésus affirme tout à coup que la foi de cette femme est grande. Et il accède à sa requête en guérissant sa fille.

 

Il y a de nombreuses suppositions sur le sens à donner à ce passage. Il y a des articles entiers qui ont été écrits là-dessus par les théologiens.

 

Pour ma part, quand un passage me semble étrange, plutôt que d’essayer de l’expliquer, cela allume un petit clignotant dans ma tête et je me dis : « Attention ! Il y a peut-être quelque chose à comprendre qui est un peu plus profond que ce qui apparaît au premier abord… »

 

Essayons de le faire ensemble. Reprenons, voulez-vous : Jésus est à l’écart, dans un pays étranger, il se repose. Une femme étrangère vient le trouver, en lui disant que sa fille est tourmentée par un démon. Première réponse : le silence. Et en cela, Jésus nous enseigne quelque chose de très important : lorsque c’est le démon qui nous accoste, la première réponse à avoir c’est le silence. On est toujours tenté de répondre, mais Jésus à plusieurs reprises dans l’Evangile nous dit non. La première chose c’est le silence, face au mal.

 

Mais le démon n’est pas là, présentement, et ça change tout. Les disciples le disent d’ailleurs à Jésus. C’est la femme de cette fille qui est venu le trouver. Et c’est sa fille qui est tourmentée par un démon. Alors Jésus détourne la demande et dit : « je ne suis pas là pour cela ».

 

Et ce faisant il nous tend un étrange miroir, chers Amis… Combien de fois avons-nous la tentation de dire « je ne suis pas là pour ça… c’est pas mes oignons, c’est pas mes affaires… » ?

 

On rentre ici à l’église, on voit qu’une fleur peut-être est fanée, et puis on se dit « …c’est pas mes affaires ! » Alors que… enlever la fleur fanée ce serait non seulement nos affaires mais les affaires de toute une communauté digne de ce nom, bien sûr.

 

C’est la même chose pour un papier par terre. On voit un papier par terre et on dit « …pas mes affaires… » Alors que non ! On voit un papier par terre, on le ramasse, même si ce n’est pas nous qui l’avons mis par terre, et c’est ce qu’on enseigne à nos enfants bien sûr. On le ramasse, on va le mettre à la poubelle. C’est nos affaires, bien sûr ! La communauté, c’est nos affaires.

 

Nous sommes souvent tentés par cela.

 

Quelqu’un fait du mal, on dit : « C’est pas mes affaires, je peux pas m’en mêler, on ne sait jamais ! »

 

Ben si, c’est vos affaires, bien sûr ! Bien sûr… C’est une tentation de dire « c’est pas mon problème », et c’est une tentation dans laquelle le démon est très-très fort. Parce qu’elle est très subtile, cette tentation, dans nos vies. C’est très subtil de dire « c’est pas nos affaires… »

 

Et Jésus, dans cet épisode, est tenté. Eh oui, ça lui est arrivé d’être tenté par le démon, c’est le cas ici. Il est tenté de botter en touche, il est tenté de dire « c’est pas mes affaires. » et il le dit, d’ailleurs !

 

Seulement c’est Jésus ! Il est bien meilleur que chacun de nous. Donc il va corriger le tir tout de suite, il va se rendre compte immédiatement que bien sûr que si, ce sont ses affaires.

 

La femme étrangère insiste, il y a un petit dialogue, et Jésus va lui dire qu’elle a la foi, et que sa foi est grande, en plus.

 

La conclusion, pour moi, c’est aussi de se dire que seul Dieu peut juger de la foi de quelqu’un.

 

Nous pouvons juger des actes d’une personne, dire « ce que tu fais n’est pas bien ! », ça c’est nos affaires.

 

Mais juger la personne elle-même, dire : « cette personne est mauvaise parce que… », ça jamais. Et la frontière est fine ! Le démon aime bien nous la faire franchir…

 

Seul Dieu peut juger de la grandeur ou non de la foi de quelqu’un. C’est ce que Jésus – qui est Dieu – fait ici avec la Cananéenne. « Grande est ta foi ! » dit-il.

 

Rappelez-vous, c’est loin d’être un détail, cette femme est étrangère. Ça veut dire qu’elle ne croit pas au même Dieu que Jésus. ET Jésus vient lui dire : « Ta foi est grande ! »…

 

Face à quelqu’un d’une autre religion, à un étranger… est-ce que nous nous posons cette question ? Est-ce que nous nous disons : « Peut-être que Dieu juge que sa foi est grande… »

 

Ce musulman qui fait le ramadan, ce juif qui s’apprête à célébrer Kippour, ce bouddhiste que l’on trouve en prière quelque part, est-ce que nous le jugeons en disant « Oh ça… c’est pas tant mes affaires, c’est son dieu à lui… » ou est-ce que nous nous disons : « Dieu le regarde… et peut-être bien que Dieu dit ‘ta foi est grande’ »… et peut-être même que sa foi est plus grande que la nôtre, allez savoir.

 

Moi quand je vois quelqu’un d’une autre religion qui pris, ça me rappelle que je pourrais peut-être prier aussi.

 

Posons-nous ces questions face aux étrangers, à ceux qui ne pensent pas comme nous.

 

C’est la première lecture qui venait nous rappeler cela.

 

Le prophète Isaïe nous avertissait de la part de Dieu : « Ma justice, disait Dieu, vous l’avez entendu, ma justice va se révéler. Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière… »

 

Eh oui… Dieu fait cela aussi pour des gens qui ne sont pas sur ces bancs aujourd’hui. Y compris et pourquoi pas pour des gens qui prient différemment.

 

Je nous invite à y réfléchir, chers amis. Que nous soyons en vacances encore, que nous ayons repris le travail, que nous soyons actifs, retraités, peu importe ! Regardons nos semblables avec bienveillance, souvenons-nous qu’on ne peut pas les juger. On peut juger leurs actes, mais jamais la personne elle-même.

 

Leur foi, que seul Dieu juge, est peut-être bien plus grande que la nôtre. Malgré les apparences. Et la réponse à cette question est dans le cœur de Dieu, nulle part ailleurs.

 

Et quand bien même : c’est la deuxième lecture qui nous rappelait que Dieu est capable de miséricorde infinie. Il ne fait pas uniquement justice à ceux qui font du bien, ni à ceux qui croient comme nous. Il peut aussi faire miséricorde à tous les autres.

 

Et cela, lui seul en est capable.

 

Alors si d’aventure ces prochains jours quelqu’un vient vous déranger dans votre sieste… souvenez-vous de cette petite histoire.

 

Vous serez peut-être tentés de dire « c’est pas mes affaires ! ».

 

Mais souvenez-vous, Jésus aussi a été tenté comme vous, et il a fini par se dire : « Si, ce sont mes affaires. »

 

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Evolène, dimanche 20 août 2017, 9.00

 

Hérémence, dimanche 20 août 2017, 10.30 (version enregistrée)

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