C’est pas moi, c’est lui !

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Photo DR : france-airsoft.fr

Homélie pour le 10e dimanche TO, année B

Genèse 3,9-15 / Psaume 129 / 2Corinthiens 4,13-5,1 / Marc 3,20-35

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Je vous propose, Chers Amis, un petit retour en arrière, dans votre enfance ou dans la mienne.

Vous faites une bêtise. Allez, une grosse bêtise. Ne me dites pas que vous n’en avez jamais fait, je ne vous croirai pas. Nous avons tous quelques bêtises retentissantes dans notre enfance, ça fait partie du sel de la vie, d’ailleurs.

Donc vous avez fait une grosse bêtise. Mais… mais vous étiez avec un camarade.

Et quand vos parents débarquent et découvrent le résultat, vous dites :
C’est pas moi… c’est lui !
…je vois que cela rappelle des souvenirs à certains…

Moi j’avais écrit sur un mur – avec un camarade c’est vrai, mais je l’avais fait aussi. Et j’ai dit : « C’est pas moi, c’est lui ! » J’aime mieux vous dire que je me souviens encore de l’engueulade que j’ai prise ce jour-là. Et le pire c’est que plus de 30 ans après, quand je passe devant ce mur, à Genève, il y a toujours les traces et je les vois très bien. Faut le savoir, mais moi je le sais.

Ça ne m’a pas guéri pour autant hélas, avec ma sale tronche je fais toujours de grosses bêtises, ça m’arrive… parfois en blessant des personnes par mes réponses un peu trop cassantes alors que je ne le voudrais pas. Je vous aime trop, tous, pour vouloir vous blesser. Mais ça m’arrive, je le sais, et je le regrette.

J’ai un sacré foutu caractère. Mais j’essaie de prendre sur moi quand ça m’arrive, d’être au moins honnête avec moi-même et avec Dieu, de ne pas me dire « C’est pas moi c’est l’autre. »

La Bible est remplie de ces histoires. Ça nous rassure, d’ailleurs, parce qu’ils sont pareils que nous ! Et la toute première d’entre elles, la plus célèbre, c’est celle que nous venons de réentendre dans la première lecture, celle d’Adam et Eve.

Adam est rempli de peur. Il a peur que Dieu se fâche. C’est pour ça qu’il ment. « C’est pas moi, c’est elle !»

Et Eve se défend exactement de la même manière : « C’est pas moi, c’est le serpent.»

Et nous aussi, gamins, si on a une fois ou l’autre tenté d’accuser un camarade à notre place, c’est souvent par peur. Peur que nos parents se fâchent.

Alors on va même jusqu’à faire croire, parfois, que le mal qu’on a fait est un bien ! On renverse les choses ! Et on répercute le mal sur l’autre en appelant mal le bien qu’il a fait.

C’est cela, le péché contre l’Esprit, ce fameux péché impardonnable contre lequel Jésus nous met en garde dans l’Evangile que nous venons de réentendre.

C’est ce que les scribes font en présence de Jésus, en le traitant de démon, vous l’avez entendu.

Qui sont les scribes ? Ce sont ceux qui croient avoir une totale connaissance des choses, notamment de la loi, des règles, et qui l’imposent aux autres et qui sont persuadés d’avoir raison parce qu’ils suivent – eux – la loi à la lettre. Je suis sûr que vous en connaissez tous quelques-uns.

Et vous avez entendu ce qu’ils disent de Jésus ? Il est possédé de Béelzéboul. En hébreu, Béelzéboul, ça veut dire « le Dieu des Mouches », le « Dieu du fumier« . C’est pas très reluisant de traiter Jésus de Dieu du fumier ! Ils renversent les valeurs.

Ce sont des gens qui sont capables de regarder le bien que fait quelqu’un et de renverser les choses en critiquant, en trouvant systématiquement la petite chose qui ne va pas. Je suis sûr que vous en connaissez aussi…

Et du coup Jésus va les prendre à leur propre jeu. Il va lui aussi faire un renversement auquel ils ne s’attendent absolument pas. « Ma mère et mes frères sont dehors à m’attendre ? Mais qui sont ma mère et mes frères, dit-il ? Ce sont ceux qui font la volonté de Dieu, qui écoutent sa parole et qui la mettent en pratique. »

Ils ne s’attendaient pas à cela…

Et lorsque Jésus dit cela, sa propre famille le traite de fou.

Essayez d’annoncer la Parole de Dieu dans notre monde, dans vos familles. Si ça se passe magnifiquement bien avec vos proches, que les gens qui bossent avec vous ne tarissent pas d’éloges, que vos paroissiens – si vous êtes prêtre comme moi – vous adorent, qu’ils vous acclament, s’il n’y a aucune critique, c’est pas bon signe.

Annoncer la Parole de Dieu, forcément, ça crée la critique. Jésus en a fait l’expérience.

Aussi, lorsque nous sommes rejetés par certains de nos proches au sujet de Dieu, nous connaissons presque tous cette expérience, on est plutôt sur la bonne voie. Remarquez, ça nous fait une belle jambe. C’est vrai que ce n’est pas toujours facile à vivre. Beaucoup d’entre vous le vivent en famille.

C’est là que la deuxième lecture est importante. Elle nous énerve habituellement, cette lecture. St Paul qui nous dit « Tout ce qui vous arrive, c’est pour vous. Nos épreuves du moment présent sont légères par rapport au poids de gloire éternelle qu’elles nous préparent. »

Alors là, ATTENTION DANGER ! Là aussi vous avez des gens qui renversent les choses. Des gens très bien intentionnés, parfois, d’excellents prédicateurs, bien assurés, qui vont vous dire que la souffrance est rédemptrice. Vous avez déjà entendu ça… Que c’est bien de souffrir, parce qu’on gagne notre ciel.
Quelle immense bêtise ! C’est exactement le même mécanisme que le serpent avec Adam et Eve : c’est pas moi, c’est lui. Tu souffres pas, tu gagnes ton ciel. Non ! Absolument pas ! On renverse les valeurs en disant cela.

Dieu n’est JAMAIS l’auteur de la souffrance. Jamais ! Sans quoi nous faisons l’inversion. On prendrait Dieu pour Béelzéboul, c’est LUI qui est l’auteur du mal, jamais Dieu. Mais, parfois, il laisse le mal arriver dans notre vie, le mystère est là.

Les parents qui engueulent leur enfant ne veulent pas lui faire du mal. Ils l’aiment. Ils l’éduquent. Un curé qui parle un peu sèchement parfois comme moi ne veut pas votre mal. Un curé c’est un père. Il veut simplement votre bien, et ça passe parfois par l’une ou l’autre engueulade, comme avec des parents. Et puis après on boit un verre et puis c’est derrière. Les parents viennent faire un bisou à leur enfant le soir, avant de dormir, et puis on oublie. Et c’est comme ça qu’on grandit.

L’erreur serait de garder tout cela en nous, parce qu’alors ça détruit plus sûrement qu’un cancer. Vous savez du style : « Non, elle m’a dit ça, je ne lui pardonnerai jamais. » Je pense que vous en connaissez aussi. « Je lui parle plus ! C’est à elle de venir ! C’est à lui de faire le premier pas ! »… ça, ça détruit, intérieurement.

Dieu, lui, cherche toujours à nous enseigner un chemin de lumière au travers de ce que nous traversons.

Et c’est lorsque nous trouvons ce chemin de lumière, c’est lorsque nous acceptons de le prendre, qu’on se met en marche à la suite du Christ.

C’est alors – et alors seulement – que nous évitons le péché contre l’Esprit. C’est alors que nous évitons de croire bêtement que Dieu nous veut du mal, que nous évitons d’appeler mal ce qui est bien. Que nous évitons de critiquer un peu facilement celui qui ne pense pas comme nous et qui vient bousculer nos habitudes, nos « On a toujours fait comme ça. »

C’est alors, et alors seulement, que nous grandissons. Avec Dieu, et à sa suite.

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Euseigne, samedi 6 juin 2015, 18.00 (version enregistrée)
Les Haudères, samedi 6 juin 2015, 19.30
Evolène, dimanche 7 juin 2015, 9.00
Hérémence, dimanche 7 juin 2015, 10.30

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