Gratin de pâtes à envoyer

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Homélie pour le 34e dimanche TO, année A, Christ Roi de l’Univers

 

Ezéchiel 34,11-12.15-17 / Psaume 22(23) / 1Cor 15,20-26.28 / Matthieu 25, 31-46

 

NOTA BENE : en raison du Coronavirus, en 2020 je n’ai pas prêché publiquement en ce dimanche du Christ-Roi. Voici le texte de ma prédication sur ces mêmes textes il y a quelques années.

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

 

Chers Amis,

 

Je me souviens d’un sketch de Muriel Robin – un sketch que vous avez peut-être vous aussi déjà entendu – où, chez la coiffeuse, tout en s’apitoyant sur la misère du monde et sur la famine en Afrique, elle se culpabilisait d’avoir jeté du gratin de pâtes, la veille au soir.

 

« Mais que voulez-vous, disait-elle, je ne vais quand même pas leur envoyer mon gratin de pâtes ? »

 

C’est vrai que, parfois, on est un peu démunis face à la misère du monde. C’est vrai que parfois, on se sent un peu coupables, nous les soi-disant riches Occidentaux.

 

Bon, faut se calmer un peu avec la richesse aussi, hein ! Lorsque vous visitez les malades, cela arrive à bon nombre d’entre vous, lorsque vous visitez les personnes seules, eh bien vous vous rendez compte que, des pauvres, il n’y a pas besoin d’aller forcément sur un autre continent pour en trouver là, tout proches de nous. On en connaît, des pauvres, en Suisse.

 

Faudrait peut-être le redire, d’ailleurs, à tous ces organismes qui nous envoient des bulletins de versement pour l’autre bout du monde : ÇA EXISTE AUSSI CHEZ NOUS, LES PAUVRES. EN SUISSE, y’en a, si, si ! Et en plus, bien souvent ici, ils sont cachés, ils n’osent pas le dire. Ils n’osent pas demander. Parce qu’on a parfois honte d’être pauvre dans un pays soi-disant riche.

 

Et ils ne sont pas toujours aidés, les pauvres de chez nous. Alors qu’il ne faudrait pas grand-chose, souvent, pour leur permettre de solder une facture en souffrance ou de s’acheter un vrai repas chaque jour.

 

L’Evangile d’aujourd’hui en parle, lui.

 

Il faut donner à boire disait Jésus, à ceux qui ont soif, accueillir l’étranger, habiller celui qui est nu, visiter le prisonnier, donner à manger à celui qui a faim, car c’est au Christ que nous faisons tout cela à chaque fois que nous le faisons à l’un de ces petits, à l’un de ces pauvres.

 

Vous l’entendez, Muriel Robin, là ? …Bah oui mais je vais quand même pas leur envoyer mon gratin de pâtes !

 

Et ce soir vous n’allez pas forcément sortir de la messe, vider le souper qui vous attend dans votre four et l’envoyer par la poste en Ethiopie, ça serait ridicule.

 

Evidemment que, avec la Bible, comme avec cet Evangile, il ne faut pas toujours tout prendre au pied de la lettre. Peut-être qu’il faut chercher, comme tous ces derniers week-ends, un sens symbolique à ce que nous dit le Christ.

 

Alors c’est quoi ? Eh bien c’est donner à manger à nos jeunes, par exemple. Oh non pas qu’ils n’aient pas de quoi manger dans le frigo… Leur donner à manger, à ceux qui ont faim de spiritualité. C’est une autre forme de faim, vous savez ? Elle ne fait pas de gargouillis dans le ventre, celle-là. Mais elle tue, aussi sûrement que l’autre, elle tue l’âme si on ne nourrit pas notre spiritualité.

 

Donner à manger à nos jeunes, leur proposer nos valeurs, notre foi. Leur transmettre tout cela. La messe les ennuie ? Je peux le comprendre. J’étais comme eux. Mais quand ils ont un gros problème, genre une histoire d’amour impossible à démêler qui donne des envies de suicide, des études qui ne leur montrent pas le vrai but de leur vie, un mal-être alors qu’ils ont tout mais qu’ils ne le voient pas… quand ces jeunes viennent me trouver, on cause. Ça m’est arrivé cette semaine encore avec l’un d’entre eux. Et quand il est ressorti, il m’a dit : « Je te remercie, ça va mieux. » Je n’ai pas fait grand-chose… je l’ai écouté. Donner à manger à quelqu’un qui a faim, ça commence en fait par écouter cette personne. C’est tout simple.

 

Accueillir un étranger, ce n’est pas forcément d’abord militer pour les réfugiés, même si c’est extrêmement charitable et chrétien de le faire.

 

On peut être étranger dans son propre pays, dans son propre canton, dans son propre village. J’ai reçu une lettre d’une veuve qui se sent étrangère dans son village. Dans le village qui l’accueille depuis des décennies. Son mari était de ce village, et depuis qu’il est mort, les gens du village lui rappellent à elle, régulièrement, qu’elle était une pièce rapportée, et qu’elle, elle n’est pas de ce village. Vous vous rendez compte ? On peut être étranger dans son propre village.

 

Qu’est-ce que c’est, alors, accueillir un étranger ? Peut-être prendre soin des veufs et des veuves, par exemple. Ces personnes ont une nouvelle identité, ce n’est pas rien. C’est une manière de devenir « étranger », de changer d’identité. Est-ce que nous prenons soin de ces personnes-là ?

 

Même chose pour les nouveaux arrivants dans un village. Quelqu’un est nouveau dans notre village, est-ce qu’on le regarde avec méfiance, en disant : « Hmm, celui-là, on le connaît pas encore… » ou est-ce qu’on commence par l’accueillir chez nous pour un bon repas, en disant : « Eh bien, voilà une nouvelle figure, faisons connaissance ! » C’est ça aussi, accueillir l’étranger. Ça commence chez nous.

 

Habiller celui qui est nu, pour un chrétien, qu’est-ce que ça veut dire ? Bien sûr qu’on peut envoyer nos habits à droite à gauche, évidemment, et c’est bien de le faire. Mais c’est aussi, par exemple, aider celui qui ne s’en sort pas à l’école, ou qui n’a pas de culture religieuse – qui est nu sur ce plan-là dans sa tête.

 

Nos jeunes sont mis à nus sur les réseaux sociaux, sur Internet, où ils se dévoilent parfois avec imprudence. Dans ces lieux où le voyeurisme domine en maître, donnons-leur des outils pour couvrir leur nudité, mettons-les en garde contre cette nudité-là qui ne se voit pas au premier abord, mais qui est réelle. C’est cela aussi, habiller quelqu’un qui est nu.

 

Visiter un prisonnier, qu’est-ce que ça veut dire ? Plusieurs d’entre vous visitent nos prisons, et c’est bien. Je le fais aussi parfois. Mais les prisons ne sont pas toujours celles que l’on croit.

 

Notre monde peut être une prison impitoyable pour quelqu’un qui souffre de solitude. Pour quelqu’un qui est en deuil.

 

Alors la prison n’a pas de barreaux aux fenêtres, mais elle est redoutable. Et elle est là. On est en prison dans une souffrance. On peut être en prison chez soi. J’en connais de ces personnes. Qui vient les délivrer ? Qui vient les visiter ? …Beaucoup d’entre vous, je le sais.

 

C’est cela, voyez-vous, que nous devons faire aussi face aux plus petits qui sont ses frères, à Lui, parce qu’alors c’est à Lui que nous l’aurons fait.

 

Et pour cela, il ne faut pas attendre la fin du monde, je crois, le Jugement Dernier comme on appelle parfois aussi cet Evangile. Parce que c’est aujourd’hui que ça commence, ça.

 

C’est aujourd’hui qu’il y a des personnes étrangères dans notre village, c’est aujourd’hui qu’il y a des personnes en deuil, ce soir avec nous, c’est aujourd’hui qu’il y a des jeunes qui sont mis à nu…

 

C’est aujourd’hui que le Christ-Roi nous propose à notre tour de faire ces gestes-là. C’est ce soir qu’il attend déjà de nous sauver, ce Roi de l’Univers. C’est ce soir qu’il attend de faire de nous des rois. Des reines et des rois de son Royaume, un royaume si particulier. C’est ce soir qu’il nous propose de devenir bergers à notre tour pour les brebis qui sont un peu plus égarées, qui sont malades, qui sont seules, qui sont en prison.

 

Ces brebis-là ne vivent pas forcément au Sahara, ou dans des pays lointains, même s’il y en a aussi.

 

Elles sont d’abord chez nous, dans les rues de notre village, dans le champ que nous connaissons bien, dans tel mayen, dans telle maison, dans notre rue, à côté de chez nous.

 

Quand Ezékiel, dans sa première lecture, nous parle de cette brebis qu’il nous faut chercher, ramener, soigner, à qui il faut rendre des forces, il ne nous demande pas de remplir un bulletin de versement, je ne crois pas. Il nous suggère que cette brebis-là habite peut-être sur le même pallier que nous…

 

On ne peut pas empêcher le monde entier de mourir, ça c’est le Christ qui le peut, en les ressuscitant avec nous tous au dernier jour, comme le disait Paul dans la deuxième lecture.

 

Mais en revanche, avec nos petits moyens à nous, on peut faire déjà beaucoup pour ceux qui sont autour de nous. Juste là.

 

Alors oui, chers Amis, le Royaume de ce Christ-Roi de l’univers, c’est à nous de le construire, c’est à nous qu’il confie ce rôle.

 

Et ça commence juste autour de nous, dans notre propre village, dans notre église ce soir, sur le parvis tout à l’heure.

 

Et ça, contrairement au gratin de pâtes qu’il faut déjà savoir cuisiner, ça c’est à la portée de chacun, de vous comme de moi.

 

Alors à nous de faire ces petits gestes du Royaume parce que c’est à Lui que nous allons les faire.

 

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Vex, samedi 25 novembre 2017, 18.30 (version enregistrée)

Hérémence, dimanche 26 novembre 2017, 9.00

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Jadis, dans une version légèrement différente :

Evolène, samedi 22 novembre 2014, 19.30

Hérémence, dimanche 23 novembre 2014, 9.00

Les Haudères, dimanche 23 novembre 2014, 10.30

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4 Responses

  1. Bernadette

    Merci.
    C’est merveilleux de pouvoir relire l’homélie du dimanche et de pouvoir s’en imprégner pendant toute la semaine.

  2. Sylvie

    Un autre merci. C’ est tellement beau, j’ ai les yeux pleins de larmes. A chaque fois que je lis vos homélies, je me demande comment on peut avoir autant de talent.. Dommage que j’ habite le sud de la France, j’ aimerais tellement pouvoir vous écouter tous les dimanches ! Malheureusement l’ homélie de mon curé m’ a laissé bien vide et sans émotion contrairement à vous.
    Encore merci pour savoir nous élever l’ âme.

  3. Marc

    Comme toujours, la Parole de Dieu c’est pour « ici et maintenant », l’amour n’attend pas : Marie partit AUSSITÔT aider sa cousine Élisabeth! et combien d’autres exemples dans les Écritures. Quand vous vous posez la question…il est déjà presque trop tard ! Certains pensent qu’avec le même montant donné, là-bas, au loin, ils en auront fait plus avec leur argent, question de rendement…mais chez Dieu on ne parle pas de rendement, on parle de partage, de partage dans la joie.
    Merci 20100 tu sais nous réveiller!

  4. Soeur Marie-Pierre - Suisse

    Merci pour cette homélie. Elle peut aussi aider à se dédouaner, parfois on a l’impression de ne rien faire pour tous ces malheureux d’ailleurs, et ceux d’ici??? Si on a pas beaucoup d’argent on a au moins un sourire afin de réchauffer les coeurs. Les gens ne sont-ils pas en quête de tendresse (celle de Noël avec ce PETIT qui pleure comme un nouveau-né de 2014)?
    Tendre Noël à vous Vincent, qui allez partager le avec d’autres
    Soeur Marie-Pierre

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