Ida

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Photo DR : www.allocine.fr
   
 

Film polonais de Pawel Pawlikowski (sortie le 12 février 2014)

Avec Agata Trzebuchowska, Agata Kulesza, Dawid Ogrodnik

 

Ida est de ces coups de poings qu’on prend en pleine figure et dont on ressort un peu sonné. A la sortie du cinéma, les voix se taisent. On entend juste murmurer « magnifique… poignant… wow… ». Signe parmi d’autres : à la séance à laquelle je me trouvais, tout le monde est resté jusqu’au bout du générique. Il faut bien cela pour ressortir de cette étonnante histoire.

D’abord il y a le noir-blanc. Il fallait oser. On ne dira jamais assez à quel point le noir-blanc fait ressortir les visages, les yeux, les expressions. Et dans ce film fait de silences, de regards échangés ou posés sur le monde, c’est capital.

Si l’on tourne en noir-blanc, alors la lumière va être capitale, elle aussi. Et force est de constater que le directeur de la photo, Ryszard Lenczewski, s’y entend parfaitement. Il joue tant des ombres, des lumières – notamment sur les visages – que c’en est un second dialogue qui parfois supplante le scénario lui-même.

Ensuite il y a les deux actrices. Les deux Agata’s. Émouvantes, poignantes. L’une parfaitement juste dans son rôle de novice, quelques jours avant de prononcer ses voeux solennels, et qui pourtant ne connaît rien à la vie. L’autre parfaitement juste également, dans le rôle de celle qui connaît tout de la vie et qui ne s’en amuse plus.

L’une est Juge, l’autre s’interdit de juger son prochain. L’une carbure à l’alcool et aux clopes, l’autre à la prière et à l’amour de Dieu. L’une séduit, l’autre voile ses cheveux. L’une est secouée par les soubresauts de la vie, matérialisés par les hoquets de sa vieille guimbarde, lors même que son coeur semble froid et déterminé, l’autre nous apparaît traverser tout cela de manière parfaitement stable, alors que son coeur bat la chamade. L’une a le regard éteint et va vers la mort, l’autre a l’incroyable flamme de Dieu dans les yeux et va vers la vie. Noir et Blanc, et pourtant toutes deux vont vivre ensemble en zone grise, initiation pour l’une, quête de justice pour l’autre.

Chacune a sa classe, à sa manière, sa noblesse, à sa manière, sa grandeur et sa beauté, à sa manière. Ces deux femmes, chacune dans son style, sont incroyablement belles.

Je ne suis absolument pas d’accord avec la qualification de « Drame » que la plupart des critiques ont apposée à ce film. Certes on y descend (au propre et au figuré) vers la mort dont le couperet nous atteint à plusieurs reprises au milieu du film, mais on remonte vers la vie. Et la seconde partie du film est une célébration de la vie. C’est une magistrale leçon de vie que l’on prend, en réalité.

Avec, comme fil rouge, le son d’un saxophone, envoûtant à souhait.

Pour le chrétien, et tout particulièrement pour le prêtre que je suis, il y a cette phrase impitoyable que je cite de mémoire : « Comment peux-tu faire voeu de chasteté alors que tu ne sais pas à quoi tu renonces ? Ton sacrifice est bien léger dans ce cas ! » Le monde qui va happer Ida lui ouvrira les yeux, en fait, sur ses trois voeux : chasteté, pauvreté, obéissance. Tout en nuances et en silences.

Reste que c’est là une oeuvre intimiste, à proposer aux amoureux du genre. Dont je suis.

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