Jacques vs Matthieu : faux débat

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Sur Matthieu 24-25 et Jacques 2

Il y a quelques années, en 2008, le CBOV (Camp Biblique Oecuménique de Vaumarcus – www.cbov.ch) se penchait sur la lettre de Jacques. Un point, notamment, reste une difficulté, depuis le Moyen-Âge, entre réformés et catholiques : la question de la foi et des œuvres.

Jacques, rappelons-le, indique dans sa lettre (2,17) que la foi sans les œuvres est morte dans l’isolement. Bien évidemment, nous sommes sortis du débat du 16e siècle entre la foi seule qui sauve (position calviniste de l’époque) et les œuvres permettant à elles seules le salut (position catholique de l’époque).

Nous en sommes sortis notamment parce que l’Histoire est passée par là. Bien des nazis étaient croyants et ont assassiné au nom de leur foi, comme au temps des croisades. Si la foi seule promet le paradis, ces assassins s’y trouvent. Cela pose un léger problème à notre vision des choses. Mais d’un autre côté, le bon sens commun nous a fait comprendre très rapidement (ou pas) que ce n’est pas en donnant simplement de l’argent à une œuvre, fut-elle bonne, qu’on peut s’acheter notre salut. Nul n’est assez riche pour racheter son propre passé disait le poète. Et heureusement parce que nos Eglises auraient du boulot !

Nous avons compris qu’il faut la foi et les œuvres, tenues ensemble.

Là-dessus, cet été, nous relisons Matthieu 24 et 25. Des mots qui nous parlent en même temps de foi (c’est celui qui aura tenu jusqu’au bout envers et contre tout, nous dit le Christ en Mt 24,13, c’est celui-là qui sera sauvé) et d’œuvres (ce que vous n’aurez pas fait à ces plus petits qui sont mes frères, nous dit le Christ en Mt 25, 45-46, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait, et vous en serez punis).

En fait, si on lit attentivement les chapitres qui nous occupent, on remarque que Jésus nous propose toute une série de moyens de salut. Comme autant d’images pour essayer de faire comprendre aux disciples – et donc à nous – que la venue du Fils de l’Homme n’est pas une question de date ou de cataclysmes, mais bien le problème de notre manière de vivre aujourd’hui.

Ainsi, il s’agit de :

  •  tenir jusqu’au bout (24,13)
  • proclamer la Bonne Nouvelle dans le monde entier (24,14)
  • ne pas croire les faux Messies (24, 23-25 notamment)
  • faire consciencieusement le travail qui nous a été confié par Dieu – autrement dit vivre pleinement notre vocation, quelle qu’elle soit (24, 45-47)
  • ne pas avoir peur et se tenir éveillés, ou veilleurs (25,1 et suivants)
  • faire fructifier les talents que nous avons reçus (25,14 et suivants)
  • enfin, faire tout simplement de bonnes œuvres à ceux qui sont les plus petits de notre monde (25, 31 et suivants).

De la foi et des œuvres, en somme.

Mais voilà que, en plein milieu de cette explication (24, 36 et suivants), Jésus indique qu’au fond, personne ne sait – hormis le Père – quand la fin interviendra. Et il ajoute que ce jour-là, sans raison apparente, l’un sera pris et l’autre laissé. Comme pour nous dire que les critères qu’il a longuement expliqués sont valables pour notre vie d’aujourd’hui, mais le reste, la fin, appartient au Père et à lui seul. Il n’en finit pas de me surprendre, ce verset 36 : « Mais le jour et l’heure où ces choses arriveront, personne ne les connaît : ni les anges auprès de Dieu, ni le Fils. Le Père est seul à le savoir. »

Au fond, Jésus nous dit : « Vous me demandez la date de la fin du monde ? Les amis, même moi je n’ai pas la réponse à votre question. Par contre, ce que je peux vous dire, c’est ce qu’il est important de vivre aujourd’hui. Vivre votre foi, la matérialiser par des œuvres. Faire un certain nombre d’œuvres, et les nourrir de votre foi. Peu importe le point de départ, l’essentiel est de tenir ensemble le tout, et de vous en préoccuper maintenant. »

Jacques et Matthieu ne sont pas à opposer, ils disent la même chose. Ils se retrouvent. Jusque dans l’exemple que prend Jacques en parlant de cet homme qui est nu, qui n’a rien à manger et à qui l’on dit « Bon appétit, va en paix te réchauffer ! » (Jc 2,15-16), là où Matthieu nous parle de celui qui avait faim et à qui nous n’avons pas donné à manger, ou de celui qui était nu et que nous n’avons pas habillé (Mt 25,44).

Jacques et Matthieu tiennent le même langage, pas facile à entendre dans la société des loisirs, du wellness et du plaisir à consommer rapidement : profitez de la vie, mais gaffez-vous quand même : c’est aujourd’hui que tout se joue. C’est dans votre vie de tous les jours que vous croisez ces plus petits qui sont ses frères. Alors attention : donner une pièce à un mendiant parce que vous voulez ainsi vous acheter une bonne conscience, c’est de l’ordre de ceux qui, au Moyen-Âge, croyaient pouvoir acheter leur salut. Mais ne rien donner à ce mendiant et se contenter de penser que Dieu reconnaîtra les siens, c’est passer de Charybde en Scylla et tomber dans l’extrême inverse.

Alors donner ou pas ? La question n’est pas dans le geste lui-même, ou dans son refus, mais dans le sens que l’on y met. Jacques, Matthieu, Paul et les autres lus hors contexte ou sans qu’on habite leurs mots par du sens, sont voués à l’échec. C’est le Christ qui donne du sens à ce que nous faisons ou croyons.

Alors Jacques ou Matthieu ? Faux débat. Ne choisis pas ton camp, camarade, il n’y en a qu’un, c’est celui du Christ.

Publié dans le Dossier Théologique 2012 du Camp Biblique Oecuménique de Vaumarcus

ainsi que dans Ecritures 3/2012, ABC éd., pp.30-32 

Site du CBOV : www.cbov.ch

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