Je suis un chien… Jésus et les paralogismes

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Homélie pour le 29e dimanche TO, année A

Isaïe 45,1.4-6 / Psaume 95(96) / 1Thessaloniciens 1,1-5b / Matthieu 22, 15-21

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Si je vous dis que tous les chiens sont mortels, vous êtes d’accord avec moi, j’imagine ? Tous les chiens sont mortels, ils vont tous mourir un jour. Bien.

Si je vous dis que je suis mortel, vous êtes d’accord avec moi, également ? Je vais moi aussi mourir un jour. Comme d’ailleurs Chacune, Chacun de vous. Nous sommes d’accord ?

Tous les chiens sont mortels, or je suis mortel. Donc je suis un chien…!

Imparable, n’est-ce pas ? En apparence ! Mais c’est évidemment faux ! Où est le problème de logique là-dedans ?

On appelle ça, en langage savant, un paralogisme. Les deux premier arguments sont parfaitement vrais. Tous les chiens sont mortels, c’est vrai. Je suis mortel, c’est vrai. Les prémisses du raisonnement sont vraies. C’est la conclusion qui en est faussement tirée – pourtant en apparence tout à fait logiquement – qui est fausse. Je ne suis pas un chien.

On peut faire toutes sortes de paralogismes, vous savez. Toutes les femmes vivent sur Terre. Or je vis sur Terre. Donc je suis une femme ! Non… Jusqu’à preuve du contraire, non.

Vous voyez l’idée du paralogisme, chers Amis ? Les deux premiers arguments sont parfaitement corrects. Mais la conclusion qu’on en tire est fausse.

Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas comparer ces deux arguments entre eux.

Tous les chats aiment le lait. C’est correct. Socrate aimait le lait. Certainement. Donc Socrate était un chat. C’est faux !

A moins que Socrate soit le nom que vous avez donné à votre chat, bien évidemment. Mais le grand philosophe qu’était Socrate n’était pas un chat.

On ne peut pas tirer cette conclusion des deux premiers arguments parce que les deux premiers arguments ne sont pas comparables.

Or l’Evangile que nous venons de réentendre a donné dans la plupart de nos esprits un paralogisme :

  • Jésus dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
  • Or César se trouve sur la pièce d’argent.
  • Donc Dieu s’oppose à l’argent.

FAUX !

Faux… Mais on a longtemps tiré cette fausse conclusion de cet Evangile.

Pourquoi est-ce faux ? Mais pour la même raison que mes paralogismes précédents étaient faux : on ne peut pas comparer César et Dieu. C’est l’enseignement de Jésus… et pourtant c’est précisément ce que ses contemporains faisaient : l’empereur était vu comme un Dieu.

Jésus vient leur dire : « Non… ce n’est pas comparable. »

Et donc on ne peut pas en tirer cette fausse conclusion : ce n’est pas que l’argent n’aurait rien à voir avec Dieu, c’est qu’il ne faut pas comparer ce qui n’est pas comparable.

Le pouvoir terrestre et la gloire divine ne sont pas comparables. César et Dieu ne sont pas comparable. Un président de commune – même lors d’un week-end d’élection n’est pas Dieu… Certains se prennent peut-être pour des dieux, mais ça c’est autre chose…

On ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable.

Même chose avec les chiens et moi. Même chose avec le chat de tout à l’heure et Socrate : d’un côté il y a le règne animal et de l’autre le monde des humains. Ce n’est pas comparable. L’erreur serait justement d’en tirer une comparaison.

Et on l’a fait très souvent avec plusieurs pages d’Evangile… « Tu vas à l’Eglise ? Donc tu dois être pauvre, puisque Dieu n’a rien à voir avec l’argent… puisque Jésus a dit ‘rendez à César ce qui est à César…’ »

C’est faux ! Il y a des gens pauvres à l’Eglise, et il y a aussi des personnes aisées… et c’est très bien ainsi. L’Eglise accueille tout le monde.

Jésus, voyez-vous, essaie de montrer à ses interlocuteurs – c’est-à-dire à nous ce soir ! – que Dieu n’est pas sur le même plan que nous. On ne peut pas comparer. Sa vision des choses n’a rien à voir avec la nôtre, avec notre logique.

Le psaume – vous l’avez entendu – parlait de la gloire du Seigneur.

Ce mot « gloire », nous le connaissons pourtant très bien ! La gloire… dans nos journaux, dans nos magazines, ce sont les stars, les gens qui sont en couverture. Ceux qui sont riches, ceux qui sont célèbres… et que l’on croit heureux alors que très souvent ils ne le sont pas !

Mais ça n’a rien à voir avec la Gloire de Dieu, ça ! Pourtant c’est le même mot ! Si on s’abaisse à notre logique humaine sans essayer de réfléchir un tout petit peu plus loin que le bout de notre nez, on risque le paralogisme.

La première lecture montrait très bien qu’on n’est pas du tout dans des catégories humaines quand on parle de Dieu. Le pouvoir de Dieu, disait la première lecture, le pouvoir de son Messie, c’est justement le pouvoir aux mains vides.

La couronne de notre Messie n’est pas une couronne d’émeraudes, de rubis ou de saphirs, c’est une couronne d’épines. Son trône n’a rien à voir avec un magnifique siège en marbre, c’est une croix. Son carrosse est un petit âne… la logique de Dieu n’a rien à voir avec la nôtre, rien à voir !

La première lecture nous parlait d’un roi désarmé, comme Messie, d’un roi qui n’a justement pas d’armes.

Et Paul, à sa manière, le disait aussi dans la deuxième lecture, dans sa lettre aux Thessaloniciens. L’annonce de l’Evangile, vous savez, est loin d’être une simple lecture de textes, comme ça, même quand ils sont bien lus. C’est un acte puissant qui amène une action de l’Esprit Saint, disait Paul.

Or l’Esprit, nous l’avons reçu, ce n’est pas rien !

Quand on lit l’Evangile, et quand on l’écoute comme vous l’avez écouté attentivement, c’est un acte qui amène l’Esprit à agir en vous.

Donc chers Amis, que conclure de tout cela ? Que Dieu ne raisonne pas de la même manière que nous.

Quand nous l’enfermons dans nos questions du type – et ça aussi vous l’entendez souvent, peut-être même l’avez-vous dit – « pourquoi tant de mal dans le monde si Dieu est Tout-Puissant ? »

Mais nous nous fourvoyons complètement, nous faisons un paralogisme ! C’est le même principe. Le mal n’a rien à voir avec Dieu. Rien ! Ce n’est pas lui qui envoie le mal… le mal c’est tout autre chose, et c’est quelqu’un d’autre aussi.

Les plans de Dieu n’ont rien à voir avec les nôtres. On ne peut pas comparer !

Quand nous adressons une prière à Dieu qui n’est pas exaucée – je suis sûr que ça vous est déjà arrivé ? Moi, ça m’arrive régulièrement, hein ! – quand on adresse une prière à Dieu qui, en apparence du moins, n’est pas exaucée, on peut se dire : « Soit j’ai mal prié, soit il n’écoute pas… » Il y a même des gens qui nous disent du coup « Eh bien c’est bien la preuve qu’il n’existe pas !» C’est absurde ! Dieu agit sur d’autres plans…

Une femme m’a dit un jour :

  • Vous savez, j’ai prié pour avoir une place de parking parce que j’étais en retard à la messe. Et je n’en ai pas trouvé. Donc j’ai dû mal prier ou Dieu ne m’a pas entendu.

Oui, il y a peut-être une troisième possibilité, hein… Peut-être que Dieu a essayé d’apprendre à cette personne de partir à l’heure, la prochaine fois… par exemple… par exemple… Les plans de Dieu ne sont pas les nôtres ! Il agit avec une logique qui n’est pas la nôtre, parce qu’il voit beaucoup plus loin que nous ! Il voit sur des dizaines, des centaines d’années, des millénaires…

Nous, on a le nez collé sur notre présent. Et c’est bien ainsi. Mais on ne peut pas comprendre quelqu’un qui, lui, voit aussi loin que lui ! On n’est pas sur le même plan, Dieu et nous.

Dieu a des projets, des vues pour nous qui nous échappent complètement parce que nous avons le nez collé sur nos problèmes actuels, ou sur notre réalité. Mais s’il n’exauce pas telle ou telle de nos prières en apparence, il a ses raisons, il sait mieux que nous ce qui est bon pour nous.

Et il voit loin, lui !

Alors chers Amis, n’oublions pas que notre logique peut nous amener dans de magnifiques impasses avec des arguments qui semblent pourtant tout à fait corrects, je vous l’ai montré tout à l’heure…

Ne plaquons pas notre logique sur les plans de Dieu. Ce serait faux. Laissons-le faire !

Occupons-nous de nos affaires, ce sera déjà pas mal.

Rendons à César, au monde, au pouvoir terrestre ce qui appartient à notre monde, ce qui appartient au pouvoir terrestre. Votons quand il s’agit de le faire, notamment.

Mais laissons à Dieu ses affaires à lui. Rendons à Dieu ce qui est à Dieu. La louange, la gloire, la prière, notre présence ici.

C’est cela, je crois, qu’il faut comprendre de ce fameux proverbe : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »…

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Champex, samedi 17 octobre 2020, 17.00

…et dans une version fort différente jadis :

Mâche, samedi 21 octobre, 17.00

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