Jésus est une femme enceinte

Homélie pour le 33e dimanche du Temps Ordinaire

Daniel 12,1-3 / Psaume 15 / Hébreux 10,11-14.18 / Marc 13,24-32

Chers Amis,

Quand est-ce que sera la fin du monde ?

Les médias vont vous abreuver d’articles qui l’annoncent pour le 21 décembre 2012. Si c’est vrai, cela a au moins un avantage c’est qu’on va faire des économies d’impôts cette année…

Mais je serais vous, je ne dépenserais quand même pas cet argent avant le 22 décembre au matin…

D’abord parce que les médias n’ont qu’un seul but : vous faire acheter ce qu’ils vous font croire. Et ce n’est pas parce qu’ils vous donnent une info qu’elle vraie, non, non…

Comme disait Coluche, « Suffirait que vous l’achetiez pas pour que ça se vende plus ! »

Ensuite parce que cette histoire de fin du monde dans un mois, selon un prétendu calendrier Maya, est une belle imbécillité.

Quand on creuse un peu la chose, on s’aperçoit qu’en effet, il y a bien UN calendrier Maya (sur plusieurs existants) qui prédit la fin d’un CYCLE (et non la fin du monde) ce jour-là. Et il ne s’agit là que d’un des trois types de datation des Mayas, donc vous voyez…

Si on ajoute que, selon les Mayas, la continuité du monde se tisse au fil du temps, et qu’au terme de chaque temps les dieux auxquels ils croyaient viennent ressusciter les hommes, on n’a pas trop de souci à se faire.

Reste que, dans la période qui précède la fête du Christ-Roi, nous avons beaucoup de textes qui nous parlent de la venue du Fils de l’Homme.

Vous avez entendu tout à l’heure la première lecture, extraite du livre du prophète Daniel, et l’Evangile où Jésus reprend un peu les mêmes idées. On y parle de tremblements de terre, de cataclysmes, de soubresauts, de contorsions avant le terme.

Des contorsions avant le terme, ça ne vous rappelle rien ? Peut-être devrais-je dire des contractions avant le terme ?

Mais oui, c’est d’une naissance dont nous parle le Christ, et dont nous parlent les textes qui annoncent prétendument la fin du monde.

Ils nous parlent du terme. Or comment appelle-t-on la fin d’une grossesse ? Le terme, justement. Et que s’y passe-t-il ? Contractions, douleurs, tremblements, jusqu’à l’éruption que représente une naissance.

Nous le savons bien, chaque crise, chaque souffrance, chaque catastrophe dans nos vies est l’occasion d’un nouveau départ, d’une renaissance. Et chaque renaissance a son lot de contractions.

Encore faut-il vouloir prendre un nouveau départ. On peut rester les yeux rivés sur la crise que l’on traverse et ne voir que cela, les yeux fixés sur notre deuil et s’y enfermer. Mais on peut aussi choisir la vie, continuer coûte que coûte, et chercher ce que cette épreuve nous apprend, ce qu’elle nous invite à voir, le chemin qu’elle nous propose de suivre.

Voilà le sens que la Bible donne aux bouleversements.

En soi, une souffrance, une épreuve n’a aucun sens. Mais si on la traverse et qu’on y vit une nouvelle naissance, alors l’épreuve, souvent, devient pleine de sens.

Elle se dévoile comme le terme de quelque chose qui était en gestation. Et comme le début d’une nouvelle vie.

Et nous le savons bien aussi, l’épreuve des épreuves, la mort, fonctionne aussi comme cela. Elle n’est que le terme de cette vie, et le début de notre vie éternelle. La mort est notre naissance au ciel.

Et comme pour toute naissance, il y en a pour qui cela se passe plus ou moins paisiblement, et d’autres pour lesquels c’est très douloureux. Et cela reste un mystère.

Demeure mystérieux aussi, et toujours, le terme. Que ce soit le terme d’une souffrance, d’un souci, le bout du tunnel comme on dit, ou que ce soit le terme joyeux d’une grossesse.

Si vous demandez à une femme enceinte quel jour et à quelle heure naîtra son bébé, elle vous rira au nez et vous rappellera que, non, on ne peut pas savoir.

C’est d’ailleurs intéressant : avec toute notre science, notre volonté de tout prévoir, de tout contrôler à la seconde, il nous est encore et toujours absolument impossible de prévoir même le JOUR d’une naissance. On donne un jour de terme, bien sûr, mais en rappelant aux parents que cela reste approximatif.

La femme enceinte attend. Et c’est d’ailleurs l’expression consacrée : attendre un bébé.

Alors la Venue du Fils de l’Homme, le jour de la Résurrection, quand est-ce que ce sera ?

La réponse est la même, on ne sait pas. Elle se trouvait dans la deuxième lecture, et à la toute fin de l’évangile. Deux petites phrases auxquelles on ne prête pas du tout attention parce qu’elles sont noyées dans le reste.

Dans la deuxième lecture, la lettre aux Hébreux, on nous dit cette phrase étonnante : « le Christ attend, désormais ». Il attend la venue de son Règne. Le Christ est un peu comme une femme enceinte, en somme.

Alors là normalement vous devriez réagir : ben, puisque c’est la venue de Son règne, il doit bien savoir quand ce sera, il a pas besoin d’attendre ! …Et pourtant il attend…

Et dans l’Evangile, chers Amis, Jésus lui-même nous disait ceci : « Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, PAS MÊME LE FILS, mais seulement le Père. »

Même le Fils ne connaît pas le jour et l’heure. Seul Dieu le Père possède cette information. Faudrait peut-être le dire à nos médias, ça… C’est pas la question des Mayas, même Jésus ne sait pas quand sera la fin du monde !

Et puis, de toutes façons, comme disait l’acteur Peter Ustinov, « si un jour le monde explose, la dernière voix que l’on entendra sera celle d’un expert affirmant que c’est impossible. » Alors attendons en paix, chers Amis. Jésus veille, et il nous invite à faire de même, sans nous prendre la tête sur des questions dont même lui n’a pas la réponse…

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Flanthey, 17 novembre 2012, 17.00

Chermignon-d’en-Bas, 18 novembre 2012, 9.00