Le Nouveau caché dans l’Ancien

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Photo DR : TripAdvisor, nouveau et ancien pont de Peso da Regua (Portugal)

 

Homélie pour le 21e dimanche TO, année A

 

Isaïe 22,19-23 / Psaume 137 / Romains 11,33-36 / Matthieu 16,13-20

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT:

 

Chers Amis,

Pour commencer cette prédication je vous propose un petit dialogue que j’ai vécu il y a quelques temps. Une personne vient vers moi et me dit :

  • Ah vous savez, moi je lis la Bible, hien ! Ah oui ! Mais pas l’Ancien Testament, non. Ah non, ces textes guerriers, ce Dieu sadique, non, non… Non, moi je ne lis que le Nouveau Testament !
  • Ah ! Vous lisez Saint Paul, alors ? lui ai-je répondu…
  • Ah non, pas ce misogyne de Paul, ah ça non, jamais alors !
  • Ah Paul non plus… Mais il est dans le Nouveau Testament pourtant…
  • Oui mais Paul, non.
  • Bon, d’accord… Alors vous lisez l’Apocalypse ?
  • Ouh là là, ce truc compliqué de fin du monde ? Trop difficile pour moi !
  • Vous lisez alors d’autres lettres, sûrement, les lettres de Pierre, de Jean, la belle lettre de Jacques, la lettre aux Hébreux, la lettre de Jude ?
  • ‘Connais pas.
  • Mais alors vous lisez quoi ? lui ai-je demandé.
  • Bah ! l’histoire de Jésus bien sûr !
  • Ah d’accord vous lisez les quatre Evangiles.
  • Voilà c’est ça ! me dit cette personne.
  • C’est-à-dire, lui ai-je répondu, que sur les 72 livres de la Bible, vous en lisez 4… Et vous me dites que vous lisez la Bible…

Je ne sais pas, Chers Amis, si vous avez déjà essayé de faire un puzzle de 72 pièces en n’en utilisant que 4… vous allez avoir un peu de difficulté à voir l’image apparaître, hein ! Surtout si vous n’avez que les quatre coins !

La personne était tout interloquée… Et gentiment j’ai poursuivi en lui disant :

  • Ça veut dire que – par exemple – le fabuleux livre d’amour qu’est le Cantique des Cantiques (un livre érotique, même !), vous ne le lisez pas ? Ça veut dire que la sagesse des Proverbes, vous ne la lisez pas ? Ça veut dire que ces cris extraordinaires que sont les Psaumes – des cris de joie ou des cris de douleur – vous ne les lisez pas ? Ça veut dire que la parole incroyablement actuelle des prophètes, vous ne la lisez pas non plus ?

Ça veut dire que le fonctionnement des premières communautés chrétiennes qui mettaient tout en commun et qu’on découvre dans le livre des Actes des Apôtres, vous ne le lisez pas non plus ? C’est dommage…

Et il y a eu un beau silence… et elle m’a dit :

  • Eh ben vous m’avez donné envie de relire tout ça… ou plutôt de LIRE tout ça, de découvrir tout ça, parce que je crois bien que je n’ai jamais lu tout ça.

Eh oui… C’est beau, la Bible, vous savez !

Ce n’est déjà pas tout simple de comprendre Dieu – enfin je ne sais pas pour vous, mais même pour nous les prêtres, ce n’est pas toujours facile de comprendre où il veut nous amener – mais si ne lit pas… c’est encore plus difficile !

Paul par exemple, qui est taxé un peu facilement de misogyne, est d’abord un formidable apôtre, un voyageur, un évangélisateur hors pair. Paul disait ceci dans la deuxième lecture que nous avons entendue il y a quelques instants, Paul disait :

« Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse, la connaissance de Dieu » !

Et c’est vrai, il a raison ! C’est tellement profond, c’est tellement riche ! Et c’est tellement profond et riche que c’est parfois bien mystérieux, il faut le reconnaître ! Bien des secrets de Dieu sont encore cachés à nos yeux…

Mais certains nous ont été dévoilés. Ainsi le lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

On ne peut pas, on ne doit pas lire le Nouveau Testament tout seul : il puise sa source dans les textes de l’Ancien Testament.

Et on ne peut pas lire non plus l’Ancien Testament sans le rapprocher de l’histoire de Jésus ! C’est à ça que servent les petites notes de nos Bibles… mais évidemment il faut les lire !

L’Ancien et le Nouveau sont liés. C’est St Augustin qui disait que le Nouveau Testament était caché dans l’Ancien et que l’Ancien se révèle dans le Nouveau. C’est exactement le cas avec nos deux lectures de ce matin.

Et c’est évident quand on creuse un petit peu.

Alors… je sais ce que c’est, hein… on s’est assis au moment des lectures, il fait chaud… on n’a pas toujours toutes ces subtilités qui nous apparaissent au premier abord. C’est pour cela qu’on est là, nous, les prêtres.

Dans la première lecture, c’est un envoyé de Dieu qui parle. Dans l’Evangile c’est Jésus qui parle – un envoyé de Dieu, là aussi. Alors vous me direz « Bon, d’accord, mais c’est un peu facile, comme comparaison ! »

Mais ce n’est pas tout…

Dans la première lecture, on parle d’un serviteur de Dieu – vous l’avez entendu : « j’appellerai mon serviteur, Eliakim, fils d’Helcias » disait le texte du prophète Isaïe. Quant à l’Evangile, Jésus parle à Simon-Pierre qui sera le serviteur des serviteurs du Christ, « Simon, fils de Yonas », dit Jésus.

Deux serviteurs, identifiés tous les deux par leur filiation…

Il commence à se dégager une certaine comparaison entre ces deux textes, vous ne trouvez pas ?

Mais ce n’est pas tout !

Première lecture : « Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David »

Evangile : « Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux. »

Ah ça commence à ressembler à quelque chose !

Première lecture : « S’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. »

Evangile : « Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux »

Vous la voyez, la ressemblance, là ? C’est évident, n’est-ce pas ? Etonnant, ce rapport entre Eliakim, dont on ne sait pas grand-chose, et Simon-Pierre que l’on connaît bien, entre le prophète Isaïe et notre Evangile.

Reste cette fameuse et magnifique phrase de l’Evangile qui est gravée sur la coupole de la basilique St Pierre à Rome, si vous avez l’occasion d’y aller : « Tu es Pierre et sur cette pierre j’établirai mon Eglise »

Une phrase que vous n’avez pas entendue dans la première lecture n’est-ce pas ?…

Bah c’est pas sûr… Parce qu’elle y était aussi, à sa manière.

En hébreu, le prénom Eliakim – le serviteur de la première lecture – le prénom Eliakim signifie « Celui que Dieu établira »…

« Tu es Pierre et sur cette pierre j’établirai mon Eglise »… « Tu es Eliakim, celui que Dieu établira ! » Etonnant, n’est-ce pas ?

Le Nouveau Testament était caché dans l’Ancien. Et les disciples de Jésus – dont l’hébreu était la langue maternelle – comprenaient bien mieux que nous toutes ces choses. Nous, il nous faut des explications, des commentaires pour comprendre le lien entre ces textes.

Le serviteur annoncé par l’Ancien Testament est donc ici Pierre. C’est-à-dire à la fois celui qui a le plus grand cœur possible… « je serais capable de mourir pour toi, Seigneur ! » et le plus faible aussi, celui qui va le renier, quelques heures plus tard, trois fois. C’est celui qui est capable de serments extraordinaires et de colères incroyables. Celui qui va demander pardon à Jésus au bord du lac, qui va être capable de lui dire trois fois : « Je t’aime ! » après l’avoir renié trois fois…

Pierre… un sacré miroir pour Chacune, Chacun de nous !

Nous sommes tous un peu des « Simon-Pierre ». Nous sommes capables de dire au Seigneur : « Je vais faire une neuvaine de prière ! »… et puis, au deuxième jour de la neuvaine, on a déjà oublié. Nous sommes un peu tous des « Simon-Pierre ».

Et le successeur de Pierre, c’est le titre du Pape, vous le savez bien. « Successeur de Pierre ». Il s’appelle François, aujourd’hui.

Et à chaque nouveau Pape se réalise le secret de la Bible : le Nouveau était caché dans l’Ancien. Un peu de François était caché en Benoît XVI, un peu de Benoît XVI était caché en Saint Jean-Paul II, etc. et ça remonte jusqu’à Pierre.

Evidemment pour ça, il faut les lire, eux aussi. Et on va découvrir des choses qui se répondent. Bien sûr que la Foi extraordinaire de St Jean-Paul II, dont il avait fait un texte, cette Foi préparait l’Espérance de Benoît XVI, dont il a, lui, fait un texte. Et cette espérance préparait la Charité de François, sur laquelle il a également écrit, lui-même.

Foi – Espérance – Charité… ça se répond, chez les successeurs de Pierre !

D’Eliakim à Pierre, ou de Jean-Paul à François, le Christ construit son Eglise, son incroyable maison – avec Chacune, Chacun de nous aussi, nous sommes les pierres vivantes de cette Eglise.

Et peu importe le regard des autres. Souvenez-vous de l’Evangile : les disciples disent que « pour les uns, Jésus est Jean-Baptiste, pour d’autres Elie, pour d’autres encore Jérémie ou un des prophètes »… et Jésus s’en fiche complètement. Jésus leur dit : « Mais pour vous, qui suis-je ? C’est ça qui m’intéresse ! Pas pour les autres, mais POUR VOUS, qui suis-je ? »

L’important, ce n’est pas le regard des autres, c’est le nôtre, c’est notre réponse à cette question de Jésus qui nous est sans cesse posée. Et qui nous est encore posée ce matin !

Jésus vient dire à Chacune, Chacun de nous : « Pour toi, qui suis-je ? »

…« Pour toi qui es ici ce matin, qui suis-je ? »

Alor bien sûr, on est tenté de répondre comme Simon-Pierre, avec enthousiasme : « Mais tu es le Christ, tu es le Seigneur ! »

…Prenons le temps, dans le silence qui va suivre, d’affiner un petit peu notre réponse… Qui est réellement Jésus pour moi ? Qui est réellement Jésus pour Chacune, Chacun de nous, dans notre vie ? Dieu ? Le Fils de Dieu ? Un meilleur ami ? Mon Frère ? Mon Sauveur ? Mon Seigneur ?…

Ou bien, pour reprendre les mots qu’il utilise dans l’évangile de Jean : une porte ? une lumière sur mon chemin ? le Chemin, la Vérité, la Vie ? un berger ? du pain ? un cep de vigne ? Qui est Jésus pour Chacune, Chacun de nous ?

Que cette question, chers Amis – et surtout sa réponse, différente certainement pour chaque personne – que cette question et sa réponse habitent notre semaine, et déjà notre journée d’aujourd’hui…

Et souvenons-nous que le visage du Christ est dessiné par en tout cas 72 livres qu’il nous faut lire… mais plus probablement par 8 milliards de visages qu’on appelle l’Humanité.

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Les Diablerets, samedi 22 août 2020, 18.00

Aigle, dimanche 23 août 2020, 10.00 (version enregistrée)

 

Et dans une version un peu semblable jadis :

Les Haudères (Barthélémy), samedi 26 août, 10.00

Ves, samedi 26 août, 18.30

Evolène, dimanche 27 août, 9.00

Hérémence, dimanche 27 août, 10.30

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