Le Téléski des Disciples

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Homélie pour le 3e dimanche TO, année A

Is 8,23b – 9,3 / Psaume 26 / 1Co 1, 10-13.17 / Matthieu 4,12-23

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Comment avez-vous appris à skier, vous ? Et surtout, sur quels remonte-pentes avez-vous fait vos premières chutes ? Pour ma part, dans mon enfance, j’ai eu affaire à deux sortes de remonte-pentes. Un vieux tire-fesses, et un arrache-mitaine comme on disait, vous savez ces téléskis à poignées pour les tout-petits.

Evidemment ces dispositifs n’étaient pas débrayables, comme les installations d’aujourd’hui. Il fallait saisir la poignée quand elle passait près de vous, et se tordre les poignets tout en essayant de tenir les skis parallèles… Avec la perche, il fallait la prendre correctement, sachant qu’en une seconde on était projeté en avant, voire en l’air selon notre poids et selon la vitesse de l’installation… Je vois à certains sourires et à certains hochements de têtes que je ne suis pas le seul à avoir vécu ces expériences…

Parfois on tombait aussi en cours de route. Le gardien de l’installation venait refaire la trace en maugréant un peu, et nous, rouges de honte, on redescendait et on reprenait la perche…

Et puis des fois, aussi, on se faisait gronder par le gardien parce qu’on hésitait à prendre la perche et qu’on laissait passer une voire deux perches avant d’oser y aller. Bonjour l’ambiance pour les touristes plus ou moins tolérants qui attendent derrière…

Mais c’était pas facile pour nos petites mains d’enfants de saisir la perche ou la poignée au bon moment, et ensuite de tenir bon jusqu’au sommet de la pente !

Où est-ce que je veux en venir avec mon histoire de téléski ?

Eh bien simplement vous dire que pour les disciples, si la pratique du remonte-pente et du ski est assez rare au pays de Jésus, il faut bien le dire, ils ont pourtant vécu une expérience assez semblable, une expérience un peu traumatisante, une expérience où il fallait saisir la perche au bon moment.

Je m’explique.

Nous avons ré-entendu l’Evangile qui raconte l’appel des premiers disciples. On y est tellement habitués que ça ne nous frappe même plus. Mais c’est assez violent comme départ !

Jésus marche, il passe devant eux et AUSSITÔT ils le suivent.

Vous la voyez, là, la perche qui passe sans s’arrêter, et nous qui devons décider de la prendre, projetés en avant ?

Qu’aurions-nous fait à la place des disciples ? Est-ce que vraiment, à la première utilisation du téléski, nous avons saisi la première perche qui passait sans nous poser de questions ?

Est-ce que vraiment, dans nos vies, nous répondons « me voici Seigneur » joyeusement, aussitôt, à chaque fois qu’il nous appelle ? Moi, il me semble que c’est une attitude assez rare tout de même.

Vous avez répondu à l’appel du Seigneur, chers Amis, puisque vous êtes là ce soir. Mais c’est pas toujours facile, vous le savez bien ! C’est pas toujours évident, même d’aller à la messe, c’est pas toujours simple de répondre à l’appel du Seigneur quand il passe dans nos vies… Plus souvent, soyons honnêtes, nous avons un peu peur, suivant l’engagement qu’il nous propose… nous laissons passer une perche ou deux, nous laissons passer un appel pastoral ou l’autre.

Et des fois même on a tellement peur que, comme au téléski de notre enfance, on laisse passer des gens avant nous.

Traduit en langage paroissial, ça donne ceci :

  • « Moi ? Au conseil de communauté ? Nooon… Y en a d’autres qui peuvent faire ça bien mieux que moi… »
  • « Moi ? Lectrice ? Lecteur ? Nooon… Non, non, j’aurais trop peur de parler devant des gens ! »
  • « Moi ? Responsable des servants de messe ? … non, mais passez seulement, Madame, passez seulement avant moi ! Non, vraiment je vous assure, j’ai tout le temps… Et puis de toutes façons j’ai déjà fait deux descentes… non pardon… j’ai déjà occupé deux postes dans la paroisse, je ne veux pas vous prendre la place ! »
  • « Moi, prêtre ? Mais vous plaisantez ! Y en a bien d’autres, des gardiens du téléski ! Et puis c’est pas la vocation la plus facile… servir tout le temps les gens qui passent, ceux qui râlent comme les autres… aller retracer la piste, relever ceux qui tombent… et le tout avec le sourire… Non, c’est pas pour moi, ça ! »

Oui, mais un jour il n’y a plus de gardien du téléski, et le téléski ne fonctionne plus. Et la petite station de montagne meurt, comme la paroisse, parce qu’elle n’a plus de gardien, parce qu’elle n’a plus de prêtre…

Jésus continue d’appeler, chers Amis… Quand on parle de crise des vocations, ça me fait toujours bien rire ! ça voudrait dire qu’on a l’immense prétention de savoir que Jésus n’appelle plus ! Ce n’est pas une crise des vocations, c’est une crise des réponses aux vocations de Jésus, c’est pas pareil !

Jésus continue d’appeler… Mais comment répondons-nous ? Est-ce que nous saisissons la perche ? Aussitôt ? Et si nous tombons, est-ce que nous avons le courage de recommencer, la bouche et le pantalon pleins de neige, comme quand on était petits ?

Bon, il faut dire aussi qu’une fois la perche saisie, une fois qu’on a décidé de suivre Jésus dans nos vies, en général on décolle, hein ! ça part au quart de tour ! Simon-Pierre, André, Jacques et Jean ont certainement dû ressentir la même chose que nous quand, gamins, on était soulevés par la perche au départ de la montée.

Ils ont été bousculés dans leur occupation du quotidien, et pourtant ils ont suivi. Ils se sont accrochés, ils ont privilégié l’unité avec Jésus et entre eux, dans les moments de tempête.

Comme nous, sur le téléski, il nous fallait parfois faire corps avec la perche jusqu’à trembler de tout notre corps quand venaient les secousses des roues sur lesquelles passait le câble, à chaque pylône. Il y a des tempêtes aussi, sur un téléski…

D’où l’appel à l’unité lancé par Paul dans notre deuxième lecture, ce soir. Dans les moments de secousse, si l’on ne fait pas unité, on tombe… eh oui !

Mais si l’on tient, alors quelle joie la première fois qu’on arrive en haut du téléski TOUT SEUL ! Vous vous souvenez ? Quelle joie !

Et c’est ce que nous racontait Isaïe, dans la première lecture, autant que le psaume d’ailleurs. Chacun à sa manière évoquait ce but de lumière que nous poursuivons lors de notre ascension, et la joie de l’atteindre, ce but.

Alors chers Amis, lorsque la poignée passe dans notre vie, lorsque la perche s’annonce, lorsque le Christ est à nos côtés et nous appelle, ne prenons pas le risque de faire attendre les quelques touristes sympathiques qui sont derrière nous. Saisissons la perche, et tenons coûte que coûte pendant cette montée qui nous amène vers Dieu.

C’est à ce prix que nous atteindrons, tous ensemble, le Royaume que Dieu nous promet.

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Les Collons, samedi 21 janvier 2017, 17.00 (version enregistrée)

Hérémence, dimanche 22 janvier 2017, 9.00

…et, dans une version légèrement différente jadis :

Flanthey, samedi 25 janvier 2014, 17.00

Lens, dimanche 26 janvier 2014, 9.30

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  1. Hermine Pralong

    Cher Vincent, l’homélie de ce dimanche me laisse perplexe!……..elle est pourtant criante de vérité, du moins pour moi.

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