Qu’on fiche la paix au célibat des prêtres!

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Qu’on fiche la paix au célibat des prêtres!

A l’occasion bien pratique de telle ou telle affaire, de tel ou tel « coming out », les médias et certaines âmes pourtant bien intentionnées nous invitent régulièrement à réfléchir au célibat des prêtres. Soit. Cependant je constate qu’on en parle beaucoup… et qu’à l’instar d’un autre sujet tout aussi intime, ceux qui en parlent le plus ne sont pas toujours ceux qui le vivent le mieux !

Personnellement, il ne me viendrait pas à l’idée de venir interpeller les couples mariés sur la difficulté supposée de vivre leur fidélité, en rajoutant – par exemple – qu’il est soi-disant inhumain de se donner toute la vie à une seule personne ! Je ne me vois pas conseiller à des futurs mariés de prendre rapidement un amant ou une maîtresse sous le prétexte que l’engagement à vie envers une seule et même personne serait impossible dans la durée, voire pousserait à de dangereuses tendances. Et pourtant c’est exactement ce que font bien des personnes avec nous autres prêtres, sans comprendre qu’il s’agit de la même fidélité.

J’ai choisi de vivre lié à une seule personne, exactement comme les mariés. Oui, c’est difficile, exactement comme les mariés. C’est un « oui » à redire chaque matin, exactement comme les mariés. Mais oui, aussi, c’est exaltant. C’est beau, de pouvoir s’engager à vie. Et cela illumine mon existence. Exactement comme les mariés.

Est-il possible d’entendre qu’un prêtre vit son célibat de manière heureuse ? Que JE SUIS HEUREUX AINSI ? En quelle langue faut-il le crier pour que nos contemporains le comprennent ? Est-il possible d’entendre que, non, je ne place pas ma vocation au-dessus du mariage pour autant. Je ne suis pas « davantage heureux que si je vivais avec une femme », je ne le suis pas moins non plus. Je suis heureux de vivre comme je suis. L’immense majorité de mes confrères vivent le même bonheur. Qu’on le leur demande, plutôt que de donner systématiquement la parole à ceux qui ont trébuché dans ce vœu, ou ceux qui ne le vivent pas bien ! C’est comme si, pour parler du mariage, on n’interviewait que des personnes divorcées.

Je ne juge pas – loin de là – ceux de mes confrères qui ont quitté le ministère parce qu’ils ne se sentaient plus de vivre ce célibat, tout comme il ne me viendrait pas à l’idée de juger les personnes divorcées. Mais j’affirme quant à moi que personne ne m’a imposé ce vœu de célibat que j’ai prononcé le 8 décembre 2009. Je l’ai CHOISI. Librement et sans contrainte. Et j’ai fait ce choix en connaissance de cause, à un âge de ma vie auquel j’avais eu le temps d’en mesurer les tenants et aboutissants et de choisir de manière affectivement mûre. Chacun a de ces choix, dans l’existence, qui regardent son intimité profonde. Et là encore, le respect minimum m’impose de ne pas aller décortiquer les choix que font mes contemporains pour leur demander d’en rendre compte ou pour estimer qu’ils ne font pas le bon choix.

Qu’on ose écrire, donc, qu’on peut être très heureux en étant célibataire, sans être pour autant égoïste, misogyne ou que sais-je encore ! C’est un respect pour tous les célibataires laïcs, hommes et femmes, qui vivent parfois eux aussi très bien cet état de vie.

Quant à ceux, tout aussi bien intentionnés, qui croient bon d’ajouter que l’abandon du célibat des prêtres – ou l’accès des femmes à la prêtrise – permettrait à davantage de personnes de répondre à cette vocation, qu’ils aillent donc zieuter du côté de nos frères et sœurs réformés chez qui les femmes peuvent être pasteures et chez qui les pasteurs, hommes et femmes, ont librement accès au mariage. Qu’on se demande pourquoi la crise des réponses vocationnelles est tout aussi forte chez les réformés. Et qu’on arrête donc de dire que c’est lié au célibat, puisque la preuve du contraire est sous nos yeux.

La crise de l’engagement durable est, en réalité, partout. La société de consommation nous a tellement seriné qu’il fallait jeter plutôt que réparer, l’obsolescence programmée de tant de nos appareils nous poussant à en changer constamment, qu’on finit par faire de même avec nos relations ou nos engagements. Qu’on interroge les municipalités qui peinent tant à trouver des personnes acceptant de s’engager durablement, par exemple.

Je ne ferai pas, pour terminer, l’injure aux enfants victimes de ces monstres que sont les pédophiles d’accorder le moindre crédit à ceux qui, toujours aussi bien intentionnés, nous vomissent à chaque nouvelle affaire impliquant le clergé que c’est le célibat qui serait la cause de ces horreurs, lors même qu’on oublie soigneusement – et à chaque fois – de rappeler que l’immense majorité des cas ont hélas pour cadre l’espace familial ou associatif et sont le fait d’individus, hommes comme femmes, qui ne sont pas nécessairement célibataires.

Qu’on me fiche donc la paix avec mon célibat, s’il vous plaît. Je ne peux que le crier du fond de mon cœur à chaque nouvelle « affaire » que l’on croit bon de médiatiser. Merci beaucoup de vouloir me libérer, moi et tous mes confrères, de ce que vous croyez être un carcan, mais je vous assure que je suis libre et que je le vis fort bien !

Si vous lisez ceci, qui que vous soyez, osez dire, de grâce, qu’une immense majorité de vos prêtres sont HEUREUX ainsi ! Dites-le à qui veut l’entendre ! Faites des portraits de ceux-ci plutôt que de ceux qui vont mal ! Et que cela pose question autour de nous !

 

Abbé Vincent Lafargue, prêtre, célibataire, heureux.

 

Publié sur cath.ch le 12 mai 2021

ainsi que dans l’Echo Magazine n°2021-20 le 19 mai 2021

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  1. Anne

    Je vous remercie d’avoir livré ce beau message sur le célibat des prêtres. Il s’agit là de votre point de vue et je le respecte.

    Je reste toutefois convaincue que l’Eglise doit offrir le choix à ses prêtres. Qu’ils choisissent le célibat, s’ils le préfèrent, mais qu’on les laisse se marier, s’ils le souhaitent.

    Et d’ailleurs, ce n’est par manque de vocation, que la liberté de choix me semble nécessaire, mais simplement pour respecter la dignité et la liberté de chacun. Idem, pour l’accès des femmes à la prêtrise….

    Je souhaite de ton mon coeur que l’Eglise en prenne enfin conscience.

    Bien à vous

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