Pauvre Thomas !

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Photo libre de droits : Le Caravage, « L’incrédulité de St Thomas », détail

Homélie pour le 2e dimanche de Pâques, A  

Actes 2,42-47  –  Psaume 117  –  1Pierre 3-9 – Jean 20, 19-31

 

NDLA : En raison du confinement, l’abbé Vincent n’a pas prêché le 19 avril 2020 en paroisse.

Voici une homélie du même 2e dimanche A, enregistrée en 2017…

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Je suis certain, chers Amis, que vous avez déjà entendu quelqu’un dire « Vous savez, moi, je suis comme Saint Thomas, j’ai besoin de voir, j’ai besoin de toucher pour croire. » Peut-être même l’avez dite vous-même, cette phrase, comme moi-même je la disais très souvent.

Lorsque nous disons : « Vous savez, moi je suis comme Saint Thomas… », ce n’est pas du tout pour nous mettre en avant, au contraire. C’est plutôt pour justifier notre peu de foi, en général… « Vous savez… moi, j’ai pas la foi des grands saints, je suis comme St Thomas, j’ai besoin de voir, de toucher… »

Je vous le disais, je le faisais aussi. Jusqu’à ce qu’un jour j’apprenne à mieux connaître Thomas. A observer aussi ce qui se passe vraiment dans cette fameuse scène que nous venons de ré-entendre.

Pour ça, évidemment, il faut lire la Bible plutôt que d’écouter d’une oreille distraite, ce qui nous arrive assez fréquemment, avouons-le.

L’oreille est d’ailleurs d’autant plus distraite, vous l’avez remarqué, avec ces passages dont l’inconscient nous dit tout de suite : « Ah oui, je connais… » Et du coup on n’écoute plus tout à fait : « Ah oui, St Thomas, les clous, je connais… »

Alors sommes-nous vraiment comme St Thomas, chers Amis ? Plus exactement, sommes-nous comme ce que nous croyons qu’il est ? Incrédules ? Parce que c’est souvent cela qu’on dit de St Thomas. Regardons donc ce qui se passe vraiment dans la scène que nous avons ré-entendue.

Huit jours après Pâques, comme ce matin, huit jours après Pâques les disciples se sont enfermés. C’est la première chose que l’on apprend.

Pourquoi ? On peut se poser la question ! Pourquoi est-ce qu’ils sont enfermés ? Et l’évangéliste Jean nous donne la réponse : parce qu’ils ont peur.

Cependant, Thomas n’est pas là. Et on peut aussi se poser la question. Pourquoi ?

Pourquoi n’est-il pas là ?

Bah… on ne le sait pas, l’Evangéliste ne nous donne pas explicitement la réponse.

Mais si on regarde bien ce que dit et ce que ne dit pas le texte, on peut suggérer que si Thomas ne s’est pas enfermé avec les autres par peur – en l’absence de toute autre information qui nous dirait le contraire – c’est peut-être justement parce que lui n’a pas peur.

Eh oui !

Peut-être parcourt-il les rues de la ville à la recherche de témoignages, à la recherche de  personnes qui auraient vu ce Ressuscité dont tout le monde dit qu’il est vivant… ?

En tout cas, contrairement à tous les autres, la Bible ne nous dit pas qu’il a peur. Justement pas.

Vous êtes comme St Thomas ? Fort bien ! Vous n’avez donc pas peur…

Alors, vous me direz : c’est facile… mais c’est négliger la suite de l’Évangile. Parce que huit jours plus tard Thomas se montre incrédule lorsque les disciples lui disent que le Seigneur leur est apparu.

Et là aussi il faut bien lire.

C’est juste, Thomas se montre incrédule.

Il dit cette fameuse phrase : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non je ne croirai pas. »

C’est bien de l’incrédulité.

Peut-être aussi est-ce autre chose. Thomas n’est pas de ceux qui croient à ce que tout le monde dit. Il a besoin de vérifier. Il n’est pas un mouton qui suit tous les autres.

Et dans ce sens-là c’est peut-être pas mal, finalement, de vouloir avoir une certitude par soi-même.

Il est bon, dans un groupe de croyants, qu’il y ait une personne qui ait quand même les deux pieds sur terre. Qui refuse de croire simplement parce que tout le monde croit. Surtout quelque chose de – apparemment – complètement incroyable ! Et surtout si ceux qui le lui disent sont morts de trouille… ils sont peut-être pas tout à fait crédible, à la base, en apparence…

Vous êtes comme St Thomas ? Vous ne suivez pas facilement le troupeau ? Vous ne vous laissez pas embarquer parce que tout le monde a dit quelque chose ? Bah c’est peut-être pas mal, alors…

Mais que se passe-t-il quand Jésus arrive pour la seconde fois ?

Je fais appel à votre mémoire, vous venez d’entendre le texte… Et vous le connaissez bien, justement, non ? Vous allez voir comme on reconstruit une scène en lui faisant dire ce qu’elle ne disait pas, persuadés qu’on a raison…

Jésus dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, vois mes mains; avance ta main, mets-la dans mon côté… »

Que fait Thomas ?… [le prêtre fait mine d’avancer le doigt…]

Eh bien non… NON… Thomas ne touche pas, chers Amis. Thomas ne met pas la main sur la marque des clous, Thomas ne met pas la main dans le côté du Christ. Aucun passage du texte ne nous le dit.

Et pourtant nous sommes PERSUADES qu’il a dû toucher et mettre sa main. Et pourquoi nous en sommes persuadés ? Parce que nous avons en tête les tableaux, les interprétations de cette scène que nous avons tous vues ici ou là, où l’o voit Thomas toucher…

Mais RIEN dans le texte ne nous affirme cela, justement pas !

Permettez que je vous relise le passage…

« Avance ton doigt ici, dit Jésus, vois mes mains; avance ta main » – jusque là ce sont des propositions, nous sommes bien d’accord. Puis Jésus lui dit : « Cesse d’être incrédule, sois croyant. » Et Thomas s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Nulle part il n’est dit que Thomas a avancé la main.

Alors vous me direz : « C’est peut-être pas écrit, mais il l’a sûrement fait ! » Je vous répondrai NON. Parce que la suite du texte nous prouve le contraire. La phrase suivante, où Jésus dit : « Parce que tu as VU, parce que tu m’as vu, tu crois. » Jésus ne dit pas « Parce que tu m’as touché »… Justement non !

Le Christ propose à Thomas de toucher… « Tu es incrédule ? Eh bien montre-moi ton incrédulité ! »

Et justement Thomas n’est pas incrédule. Il va montrer à Jésus sa Foi, c’est tout différent. Il va simplement le regarder et dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Exactement comme Marie-Madeleine, au passage, qui à la simple voix et à la simple vision de Jésus s’écrie « Rabouni ! Mon Maître ! ».

Quelle magnifique profession de Foi, à part ça, chers Amis ! « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Thomas est le seul qui a cette belle phrase « Mon Seigneur et mon Dieu ! »…

J’ai une amie qui, à chaque messe, au moment où le prêtre élève l’hostie à la consécration, comme je le ferai tout à l’heure, s’exclame dans son cœur « Mon Seigneur et mon Dieu » en regardant profondément cette petite hostie.

Au passage, je vous le redis souvent chers Amis : REGARDEZ l’hostie ! C’est ce que l’Eglise nous demande de faire…

Je suis toujours effaré quand, au moment où on lève l’hostie, les gens baissent la tête comme ça… Ça n’a aucun sens, chers Amis ! C’est pas là qu’il faut baisser la tête ! C’est justement là qu’il faut REGARDER le Seigneur et pourquoi pas se dire dans son coeur « Mon Seigneur et mon Dieu », comme St Thomas. Vous y penserez tout à l’heure…

Et là justement, à cet instant de la messe lorsque l’hostie monte devant nous, nous sommes enfin comme Thomas : nous croyons parce que nous voyons ! Alors évidemment si on ne regarde pas à ce moment-là, bah ça n’a plus de sens ! Nous croyons parce que nous voyons !

Nous voyons le Ressuscité présent dans cette petite hostie devant nous. Et il ne viendrait à l’idée de personne d’entre vous de sortir de son banc à ce moment-là, de venir jusqu’à moi et de toucher l’hostie, pour vérifier… ça serait ridicule ! Vous voyez, nous sommes comme St Thomas.

Et c’est dans cette fraction du pain à laquelle nous sommes fidèles – c’est d’ailleurs pour ça qu’on nous appelle les fidèles, parce que nous sommes fidèles à cette fraction du pain – c’est dans ce geste comme les premiers chrétiens de notre première lecture, les Actes des Apôtres, c’est dans ce geste que nous croyons, parce que nous voyons.

Ça nous permet, comme dit Pierre dans la deuxième lecture, d’aimer le Christ sans l’avoir vu en personne, mais de mettre notre foi en lui par ce que nous avons sous les yeux, par ce que nous voyons de lui.

Alors… êtes-vous comme St Thomas ? Mais quelle chance vous avez, dans ce cas ! Je vous envie ! J’aimerais être comme St Thomas ! J’aimerais avoir sa Foi, sa Force, son Courage de ne pas céder non plus à ce que dit la majorité – même un jour d’élections… – et m’exclamer tous les jours « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Puissions-nous, chers Amis, rayonner de la Foi de ce pauvre Thomas qu’on a trop vite étiqueté d’incrédule, puissions-nous avoir sa force, son courage, puissions-nous nous exclamer « Mon Seigneur et mon Dieu » à chaque fois que nous voyons la petite hostie et aussi à chacun des visages que nous rencontrons !

Amen.

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Vex, samedi 22 avril 2017, 18.30

Evolène, dimanche 23 avril 2017, 9.00 (version enregistrée)

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