Quand la peur gouverne

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Lecture inhabituelle de Mt 25,1-30

(Les dix vierges et les talents)

Quand on lit la parabole des dix jeunes filles (Mt 25,1-14), en général on est choqué par l’attitude de l’époux qui refuse toute pitié aux cinq jeunes filles dites insensées. « En vérité, je vous le déclare, je ne vous connais pas. » (Mt 25,13)

On est frappé aussi, en général, par l’attitude des cinq autres jeunes filles, dites sages, qui refusent de l’huile à celles qui en demandent. (Mt 25,9)

On trouve souvent qu’il y a de la sécheresse de cœur chez cet époux et chez ces cinq jeunes filles sages, car enfin, qu’est-ce que cela coûtait d’ouvrir la porte, ou de prêter un peu d’huile ?

En lisant le texte suivant, celui des talents (Mt 25,15-30), on ressent la même sécheresse de cœur chez ce Maître qui jette son serviteur dans les ténèbres lors même que ce dernier avait rapporté la pièce qu’on lui avait confiée, certes sans la faire fructifier.

Mais ces textes sont des paraboles. Cela signifie que c’est dans leur ensemble qu’ils font sens, et qu’il ne faut surtout pas chercher à conclure trop vite ce qui découlerait des derniers versets de chacun d’eux, comme je viens de le faire.

En refaisant une lecture d’ensemble, et surtout en remontant la chaîne d’actions correctement pour savoir ce qui préside à chacune d’elles, nous y découvrons une conclusion très différente de notre lecture habituelle et (trop) habituée. C’est la peur qui est en jeu, ici.

D’abord nous découvrons que les dix jeunes filles se sont endormies parce que l’époux tardait (v.5). Ensuite nous pouvons nous demander si l’huile était nécessaire pour entrer dans la salle des noces. Relisons bien : ce sont bien les cinq jeunes filles dites sages qui entrent dans la salle des noces au verset 10, celles qui ont de l’huile, d’accord. Cependant, elles n’entrent pas parce qu’elles ont de l’huile mais simplement parce qu’elles sont prêtes. On en conclut un peu vite qu’être prêt, dans ce texte, c’est avoir de l’huile.

Être prêt, si on lit correctement le texte, c’est simplement être là, devant la porte.

Alors cela change tout. Pourquoi les cinq dites insensées ne sont-elles pas devant la porte ? Parce qu’elles sont allées chercher de l’huile chez les marchands (v.10). Et pourquoi sont-elles allées chercher de l’huile ? Parce qu’elles ont eu peur de ne pas en avoir (v.8). Une peur bien mauvaise conseillère. D’une part parce que l’important n’était pas forcément d’avoir de l’huile. D’autre part parce que c’est à cause de cette peur qu’elles ne se trouvent pas au bon moment au bon endroit.

Et c’est bien souvent que nous avons peur de quelque chose qui n’existe pas encore, et que nous nous apercevons plus tard que ce n’était pas là l’important.

En relisant l’ensemble, on s’aperçoit que les dix jeunes filles sont faibles – nous avons tous notre faiblesse humaine – parce qu’elles s’endorment toutes les dix, incapables d’attendre l’époux qui tarde. Mais en plus d’être faibles, cinq d’entre elles ont peur. Et cela pose de plus grands problèmes dans la vie.

Jésus ne nous dit pas autre chose dans la parabole suivante, les talents, lorsqu’il précise bien que les deux premiers serviteurs ont été relativement faibles puisque fidèles en peu de choses (Mt 25,21 et 23), mais que le troisième, lui, a eu peur (25,25). Fidèles en peu de choses car c’est immédiatement après le départ du Maître que le premier gagne 5 autres talents et le second 2 autres talents. Mais ensuite ? Il se passe beaucoup de temps, le verset 19 nous le dit : c’est longtemps après que le Maître revient. Et pourtant, les talents n’ont pas augmenté davantage ! Peu importe, pour Jésus. Tu as reçu, fais fructifier, au moins une fois. Mais ne cache pas ton talent par peur, c’est ça l’important.

Quand la peur gouverne, semblent alors nous dire ces paraboles, c’est elle qui nous paralyse, nous juge, et finalement nous condamne.

Or, c’est chez le même évangéliste (Mt 28,5) que la première parole dite aux femmes qui découvrent le tombeau vide est « N’ayez pas peur ».

Et quand on lit les chapitres 24 et 25 dans leur ensemble, on s’aperçoit que les disciples posent des questions par peur de la fin du monde, et que Jésus leur explique que justement il n’y a pas à se laisser gouverner par la peur de ce qui n’est pas, parce que c’est aujourd’hui, dans ce qui est, que tout se joue.

Et si la peur nous quittait ? Nous serions alors peut-être bien plus proches du Royaume que nous le croyons.

Publié dans le Dossier Théologique 2012 du Camp Biblique Oecuménique de Vaumarcus

Publié également dans la revue Écritures, 2012-2

Site du CBOV : www.cbov.ch

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