Qu’est-ce que j’ai fait faux ?

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Homélie pour le 15e dimanche TO, année A

Isaïe 55,10-11  /  Psaume 64(65)  /  Romains 8,18-23 / Matthieu 13,1-23

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Quand je rencontre des parents et plus encore même des grands-parents, cette question, revient très souvent : « Qu’est-ce que j’ai fait faux ? »

Cette question revient comme une litanie de leur part : « Dites-moi, qu’est-ce que j’ai fait faux ? J’ai transmis la foi à mes enfants, à mes petits-enfants, et ils ne sont pas à la messe… Qu’est-ce que j’ai fait faux… ? »

Bon, ce n’est pas le cas de tout le monde… il y en a qui sont là… !

Mais il y en a qui ne sont pas là, et souvent, les parents, les grands-parents se posent cette question et me la posent : « Qu’est-ce que j’ai fait faux ? »

pour ce repas le plus important des Chrétiens.

Probablement rien ! C’est ce que je leur réponds toujours : « Probablement rien… » Parce qu’il ne nous est pas demandé de réussir, mais simplement de semer.

Et tous les textes de ce soir nous redisaient cela.

Posez la question à un paysan – on en connaît suffisamment autour de nous – posez la question à un paysan : « Quand tu sèmes tes graines, dis-moi, est-ce que tu es certain de réussir ? » Il va éclater de rire !

Bien sûr que non, il n’est pas certain. Les produits qu’il retirera ou non de ce qu’il sème dépendent d’un certain nombre de paramètres, nous le savons bien !

Il y a de bonnes et de moins bonnes années, pas seulement pour le vin ! Il y a la météo, bien sûr, il y a la façon de semer, c’est un geste ancestral qui s’apprend, certes… Il y a la terre dans laquelle les graines tombent, j’y reviendrai. Il y a les gens qui marchent dessus ou non. Et tant d’autres paramètres encore…

Et ça passe, de la part du paysan, par des douleurs, par des angoisses, par des jours de désespoir même. Des jours où il crie vers le ciel en disant lui aussi : « Qu’est-ce que j’ai fait faux, Seigneur ? Pourquoi ça ne pousse pas ? »

On le disait très bien sous la plume de Paul, dans la deuxième lecture, la lettre aux Romains : la création gémit, c’est un travail d’enfantement qu’elle exécute. Et toutes les Mamans qui ont enfanté savent que ce n’est pas tout simple !

La création elle aussi gémit en douleurs d’enfantement.

Mais nous avons une certitude, Chers Amis : Dieu fait quelque chose de ce que nous semons.

Le psaume le disait très bien lui aussi : « Tu visites la terre – jusque dans ses profondeurs… – tu visites la terre, tu prépares les moissons… ».

Et la première lecture, par les mots du prophète Isaïe donnait un détail météorologique supplémentaire : « La pluie, la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre… et de même ma parole ne me reviendra pas sans résultat, dit le Seigneur. »

Si vous semez la parole de Dieu, chers Amis, il y aura un résultat. Forcément !

Mais pas forcément celui que vous attendez… Eh non !

Le mystère de la création, de la germination, les cultivateurs le savent très bien, fait que nous ne voyons pas toujours sortir ce que nous attendions… bon évidemment que si avez semé des plants de tomates, vous n’allez pas voir sortir des framboises, c’est sûr ! …ou alors il y a un problème ! Mais on ne voit pas toujours sortir la quantité que nous attendions, la qualité que nous attendions, ça ne sort pas toujours comme nous l’attendions.

L’important, ils vous le diront, c’est de semer.

Parce que là aussi vous pouvez poser la question à un cultivateur : « Dis voir, si tu ne sèmes rien du tout, ça va pousser quand même ? » Il va éclater de rire encore plus qu’à votre première question ! Il aura raison !

Si vous ne semez rien, vous êtes CERTAINS que rien ne va pousser. Sauf des mauvaises herbes, ça… elles poussent toujours celles-là, forcément… Mais le reste, non !

Alors aux grands-parents qui me disent – après m’avoir demandé « Qu’est-ce que j’ai fait faux ? » – qui me disent : « Oh, vous savez, nous, du coup, on leur parle plus de Dieu à nos petits-enfants, ça ne sert à rien… » eh bien je leur dis : « Là, pour le coup, vous êtes CERTAINS que plus rien ne va se passer, là vous êtes sûrs ! Si vous arrêtez de semer, rien ne va pousser sauf les mauvaises herbes, celles-là vous n’y échappez pas ! »

Continuez de semer, évidemment ! C’est d’ailleurs ce que vous faites ce soir. Parce que ça les interroge de vous savoir ici à la messe, vous savez ! Ça les interroge… c’est ça aussi, semer. On ne voit pas toujours le résultat de notre vivant, même. Mais il y a un résultat.

Si vous semez, si vous avez semé, et si vous continuez de semer avec la patience des cultivateurs, avec l’espérance qu’ils ont, avec le zèle qu’ils y mettent, alors Dieu fera germer tout cela. A sa manière.

Reste que Dieu, parfois, a besoin aussi de nous pas seulement pour semer.

Il est impuissant face aux barrières que le monde place entre notre foi et celle de nos descendants, entre ce que nous semons et ce qui peut effectivement pousser. Lui, il travaille la terre mais il y a des paramètres face auxquels il est impuissant.

Jésus, dans l’Evangile, l’expliquait très bien.

Parfois la semence tombe au bord du chemin et avant même qu’elle ait eu le temps de germer, des oiseaux passent et la mangent. Le semeur n’y peut rien !

Parfois – vous l’avez entendu, c’est le deuxième cas que Jésus nous propose – parfois elle tombe sur un sol peu profond. C’est formidable, elle lève tout de suite, c’est beau à voir ! Et puis, quelques jours plus tard, elle est brûlée par le soleil parce qu’elle n’a pas de racines…

Quelques fois encore, c’est le troisième cas, ce sont les ronces qui étouffent la semence – qui était pourtant tombée dans de la bonne terre.

Ça, c’était l’image que Jésus nous donnait.

Mais pour peu qu’on lise l’Evangile jusqu’au bout de ce bel extrait, Jésus explique cette parabole quelques versets plus loin.

Il explique ce que sont les ronces, il explique ce qu’est le terrain pauvre en terre, il explique ce que sont les oiseaux de sa parabole qui viennent manger les graines.

Cette explication est la suivante : les oiseaux c’est le Malin, la terre peu profonde c’est le manque de racines dans notre vie, et les ronces ce sont les convoitises du monde, dit Jésus.

Si on la transpose avec la question de nos grands-parents, cette histoire, ça pourrait donner ceci.

Transmettre la Parole à nos jeunes sans se demander s’ils la comprennent, c’est exactement le premier cas de la parabole. Le Malin va venir, il va prendre les graines et les manger.

Quand on transmet des traditions à nos jeunes, il faut aussi leur en expliquer le sens. Parce que sinon, on est dans le deuxième cas.

Si on les fait venir ici à la messe en disant : « C’est comme ça, parce qu’on a toujours fait comme ça, ne me demande pas pourquoi… », on est exactement dans le deuxième cas de figure. Il n’y a pas de profondeur, il n’y pas de racines.

Ça va peut-être lever, ils vont faire leur première communion, leur Confirmation, mais on ne les verra plus ensuite. Ils n’ont pas la force de continuer, ils n’ont pas de racines.

Nos jeunes ont besoin de comprendre pourquoi on fait telle ou telle chose. Ils ont bien raison !

Transmettre la Parole de Dieu à nos jeunes sans leur avoir donné auparavant des racines, un baptême, des habitudes de prière, le fait de venir ici régulièrement – pas seulement à la messe : on passe à côté d’une église, eh bien entrons ! Allons faire une prière ! On sera cinq minutes en retard, quelle importance ! On aura fait une prière, on aura déposé une bougie… voilà une manière de donner des racines !

Si on ne fait pas cela quand ils sont encore enfants, c’est leur transmettre la Parole de Dieu dans un sol peu profond…

Si on ne se signe pas dans sa voiture quand on croise une croix – si nombreuses dans notre paysage de montagne, on ne transmet rien. Si on se signe, on transmet quelque chose !

Si on prie avant de manger, on transmet quelque chose ! « Tu oses prier au restaurant ?? » me disait une jeune, tout récemment…

Bah oui ! Même au restaurant je fais le signe de croix avant de manger, je fais une prière. Evidemment. Parce qu’on m’a appris à faire comme cela et parce que je trouve beau de remercier pour la nourriture qui m’est offerte.

Troisième cas, si l’on transmet la Parole de Dieu à nos jeunes sans prendre garde aux ronces du monde, on est à peu près certain que ces ronces vont étouffer la parole dans la majorité des cas.

C’est quoi, les ronces du monde ?

L’une d’elles se nomme l’argent. L’amour de l’argent, plus précisément, Jésus le dit dans l’Evangile. Une autre se nomme la vaine gloire – celle des magazines, des séries télé…

D’autres se nomment la drogue, l’alcool qui permettent d’échapper faussement à la réalité quelques instants, le temps d’une soirée bien arrosée…

D’autres se nomment le sexe facile, les relations qu’on prend et qu’on jette comme un mouchoir usagé.  Telles sont les ronces de notre monde. De leur monde, aujourd’hui.

On peut transmettre la Parole de Dieu le mieux du monde, comme de merveilleux parents, comme de super grands-parents, si l’on n’a pas d’abord coupé certaines ronces, notre action risque bien d’être vaine.

Alors non, chers Amis, non, on ne sème jamais en vain ! Et je ne suis pas en train de vous faire ce reproche à vous puisque vous êtes là ! Encore une fois, vous semez en étant présents ce soir. Vous semez !

On peut toujours se dire « Qu’est-ce que j’ai fait faux ? » Mais on peut transformer la question en se disant : « J’ai semé. Comment est-ce que je peux encore semer ? Qu’est-ce que je peux faire pour continuer à semer ? »

Alors… nous serons dans le quatrième cas de la Parabole : la Parole de Dieu portera du fruit en eux, et non seulement elle portera du fruit mais eux aussi vont la transmettront un jour.

Combien portera-t-elle ? On n’en sait rien. Même Jésus, dans l’Evangile, disait : « Pour certaines graines c’est cent pour un, pour d’autres c’est soixante, pour d’autres c’est trente… » On n’en sait rien !

Mais trente pour un, c’est déjà beaucoup, hein !

Ça portera du fruit, si l’on continue de semer.

Quand nous nous posons la question « Qu’est-ce que j’ai fait faux ? », transformons-la, Chers Amis : « Seigneur, qu’est-ce que je peux faire encore ? Qu’est-ce que je peux continuer de semer ? Qu’est-ce qui, dans mon attitude, peut montrer à nos jeunes que je suis croyant, que cela change ma vie, que cela nourrit mon existence… et peut-être qu’un jour ça leur donnera envie de prendre ma suite à leur tour. »

Continuons de semer, soyons des semeurs attentifs à tout ce que Jésus nous a enseigne à travers cette belle parabole !

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Bex, samedi 11 juillet 2020, 18.00

Aigle, dimanche 12 juillet 2020, 10.00

La Luette, dimanche 12 juillet 2020, 18.30 (version enregistrée)

Et dans une version différente jadis :

Vex, samedi 15 juillet 2017, 18.30

Evolène, dimanche 16 juillet 2017, 9.00

Hérémence, dimanche 16 juillet 2017, 10.30

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