Si on jouait à la paix ?

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Homélie pour la solennité de L’ASSOMPTION DE MARIE

Ap 11,19a;12,1-6a.10ab / Ps 44(45) /1Co 15,20-27a / Lc 1,39-56

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

(Homélie prononcée sous la grande tente des CIME – Célébrations Interculturelles de la Montagne à Evolène)

 

Chers Amis,

 

Si vous étiez à Evolène avant-hier, dimanche, les jeunes des CIME avaient organisé sur la place de l’église une animation autour des jeux d’antan … c’était magnifique ! C’était une joie – plusieurs me l’ont dit, des parents notamment – de retrouver des jeux sans écrans, sans tablette, sans wifi, sans console de jeux, sans écran de télévision, simplement parfois avec une boule et un morceau de bois, par exemple.

 

En ce temps d’été, très souvent, des enfants jouent sous mes fenêtres sur la place de l’Eglise. Et j’aime les entendre jouer, tout en travaillant à la cure. Entendre leurs rires, leurs cris de joie, même si j’avoue que j’apprécie moins quand ils tirent avec le ballon sur la porte de l’église, ça c’est autre chose…

 

Mais pour le reste j’aime entendre les enfants jouer.

 

Mais un soir, il y a quelques jours, j’ai entendu un jeu plus étrange :

 

–      T’es morte, je t’ai descendue avec mon lance-roquettes ! disait la voix d’un petit garçon.

–      Même pas vrai ! lui répondait une petite fille. D’ailleurs nous, on a des grenades !

 

Ces mots, grenades, lance-roquettes, descendue, ces mots m’écorchaient les oreilles parce qu’ils étaient prononcés par des bouches d’enfants.

 

Voyez-vous, quand j’étais moi-même un enfant, chez mes parents, qui sont là, il a toujours été interdit de jouer à la guerre chez nous. Peut-être parce que mon Papa, ma Maman l’ont vécue, la guerre, ils savent que ce n’est pas un jeu.

 

On était que des garçons à la maison et pourtant pas de pistolets à pétards ni même de pistolets à bouchons. Mes frères et moi nous avons toujours compris cette interdiction de nos parents.

 

Papa, en Algérie jadis, tu as su ce que représentait le fait de tenir une arme dans tes mains avec pour but, si l’occasion se présentait, de tuer un frère en humanité.

 

Et pourtant tu nous as toujours appris aussi l’importance de nous défendre, de savoir nous défendre, loin d’un pacifisme naïf qui serait tout aussi faux.

 

Mais tu as toujours refusé qu’une arme fasse partie de nos jeux d’enfants, que ces mots-là fassent partie du vocabulaire de notre enfance.

 

Et je crois que tu as eu raison, Papa, j’aimerais t’en dire merci aujourd’hui.

 

L’Assomption que nous fêtons ce 15 août chers Amis – en pays catholique, en pays protestant on l’appelle la « mi-été » mais ça vient aussi dans les pays catholiques parfois comme ici à Evolène, peu importe… – l’Assomption que nous fêtons en ce 15 août c’est aussi la fête de la paix, la victoire sur la mort.

 

Notre Dame de l’Assomption, c’est Marie élevée au ciel sans connaître la dégradation du tombeau, c’est une victoire sur la mort.

 

Et puis c’est Marie couronnée ensuite au ciel, reine du ciel, reine de la paix entre les nations. C’est un des symboles d’aujourd’hui, la paix.

 

Marie est d’ailleurs une figure qui réconcilie – ou qui devrait réconcilier – les religions monothéistes. Elle est présente évidemment dans la religion juive, puisqu’elle était juive elle-même. Elle est importante pour nous les Chrétiens, et elle se trouve aussi à plusieurs reprises – vous le savez – citée dans le Coran des Musulmans, qui la respectent.

 

Marie devrait réconcilier nos peuples et nos religions.

 

C’est d’ailleurs souvent nous, Messieurs, qui prenons les armes ; mais c’est souvent vous, Mesdames, qui êtes reines de paix, qui réconciliez.

 

Marie est reine de la paix, et c’est d’ailleurs aussi – j’aime bien le rappeler en ce 15 août – c’est d’ailleurs aussi en hommage à Marie que Arsène Heitz avait dessiné le drapeau européen. Il l’avait voulu bleu, le bleu de Marie, et il avait voulu mettre dessus les douze étoiles (qui ne représentaient pas du tout les douze premiers pays mais la femme de l’Apocalypse, aux douze étoiles au-dessus de la tête). On oublie parfois cela. Il l’a rappelé juste avant de mourir. Douze étoiles tirées, disait-il, d’une médaille miraculeuse de Marie que sa maman lui avait donnée.

 

Douze étoiles que l’on retrouve autour de la tête de la mystérieuse femme du texte de l’Apocalypse que nous avons entendu en première lecture. Mystérieuse parce qu’on ne dit pas son nom. Mais on dit que c’est elle qui combat le mal par son humilité et qu’elle enfante le sauveur… de là à comprendre que c’est Marie, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont fait.

 

Le drapeau européen bleu à 12 étoiles devait donc symboliser, à travers le visage de Marie, la paix entre les nations. Et c’est une bonne chose de se le redire.

 

Même si beaucoup d’Européens aujourd’hui voudraient jeter légèrement à la poubelle cet aspect de l’histoire de leur drapeau… tout comme en Suisse certains aimeraient bien oublier que la croix qui se trouve sur le nôtre est avant tout une croix chrétienne. Eh oui.

 

Marie est d’ailleurs, depuis le début, la sainte patronne et la protectrice de l’Europe. On a aussi tendance à l’oublier.

 

Patronne de la paix, de l’humilité aussi comme le symbolise le Magnificat, ce cantique que l’Evangile nous redonnait à entendre aujourd’hui, ces paroles extraordinaires de Marie à sa cousine :

 

« Le Seigneur disperse les superbes, il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. »

 

Comme si Marie voulait nous dire que la vraie puissance, le vrai pouvoir, c’est celui de l’humilité, c’est celui du service, c’est celui de la douceur, c’est celui de l’amour, c’est celui de la paix.

 

Celui qui sait faire la paix autour de lui est VERITABLEMENT puissant.

 

Les textes d’aujourd’hui nous rappellent tout cela. Ils nous rappellent aussi que Marie est reine de la paix et qu’elle a vaincu la mort, par ce que nous célébrons aujourd’hui.

 

Il ne s’agit donc plus de tuer notre frère en humanité, il s’agit de tuer la mort elle-même, c’est pas tout à fait pareil… donc d’arrêter de la donner, si possible, la mort… donc de faire la paix.

 

Voilà l’un des sens de cette fête.

 

J’aurais voulu expliquer tout ça aux enfants qui jouaient sous mes fenêtres l’autre jour, qui jouaient à se tuer pour de faux…

 

Et puis il y a eu cette réplique magnifique, tout à coup :

 

–      Allez, on arrête de jouer à la guerre ? Si on jouait à la paix ? a dit le petit garçon.

–      Bah non, a répliqué la petite fille, la paix c’est pas un jeu !

 

Elle n’avait pas tort ! La paix c’est notre espérance, c’est notre but, c’est l’avenir de l’humanité tout entière. Ce n’est pas un jeu.

 

Et si seulement la guerre pouvait cesser d’en être un, alors nous aurions enfin fait droit à Notre Dame de l’Assomption, à la reine de la paix entre toutes les nations.

 

Amen.

 

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Vex, lundi 14 août 2017, 18.30

Evolène, CIME, lundi 15 août 2016, 10.00 (version enregistrée)

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