Silence

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Photo DR : allocine.fr

 

Drame américain de Martin Scorsese

Sortie française le 8 février 2017

Avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson

 

Attention chef d’oeuvre ! Voici un très grand opus de Martin Scorsese sur les martyrs Jésuites du Japon au 17e siècle. Scorsese y a mis toute son âme et toute sa foi, tous ses doutes et toutes ses interrogations. Le « silence » dont il est question est en effet celui de Dieu face aux persécutions, à la souffrance, au mal.

 

Pourquoi m’as-tu abandonné ?

L’histoire – qui est aussi celle avec un grand « H » : en 1642, deux jeunes prêtres Jésuites sont envoyés au Japon à leur demande pour retrouver leur mentor, un prêtre porté disparu et dont on prétend qu’il a abandonné la foi. Ils vont découvrir un Japon dans lequel le Christianisme est interdit et où ceux qui osent encore se prétendre chrétiens sont impitoyablement persécutés. La scène de martyre au bord de la mer ou celle d’une décapitation passablement insoutenable rappellent immanquablement les images des martyrs chrétiens d’aujourd’hui et leur bourreau islamique. Surgit alors la question qui plane sur le silence des salles de cinéma et sur les spectateurs : que ferais-je, moi, si on me demandait de piétiner le visage du Christ, d’abandonner ma foi ? Et où est Dieu dans ces moments-là ? Pourquoi semble-t-il nous avoir abandonnés ? Les paroles de Jésus sur la croix ou celles du Jardin des Oliviers sont omniprésentes, entêtantes.

 

Violence

Si le film a été classé pour les plus de 16 ans, c’est d’abord sans doute parce que la profondeur de l’histoire et les questionnements qui s’y jouent ne conviennent pas à un public plus jeune. Mais c’est aussi pour sa violence. Pas seulement la violence de certaines images, peu nombreuses mais très marquantes, mais aussi et surtout la violence psychologique. Une violence type « rouleau-compresseur » de la part d’un gouvernement qui veut convertir et faire apostasier les dernier prêtres présents au Japon à cette époque. La violence du sadisme dont ce gouvernement a usé : ceux qui abandonnent leur foi ne le font pas en raison de leurs propres souffrances mais pour cesser de voir souffrir les autres.

 

La question du mal

C’est aux deux-tiers du film que la question de la présence de Dieu au plus profond de nos souffrances est révélée au personnage principal. La voix du Christ qui crève soudain le silence est particulièrement magnifique en version originale. Elle est le cri de ce Dieu qui n’est pas venu abolir la souffrance, encore moins la prendre uniquement sur lui, mais qui s’est fait homme pour habiter nos souffrances, pour nous accompagner au coeur de nos nuits. C’est la compréhension de cela, avec le fait que Dieu n’envoie pas le mal, qui nous fait passer à une foi adulte et qui représente aussi l’un des leitmotivs de ce film.

 

Dante et Rodrigo

Le brio de cette oeuvre doit énormément au chef-décorateur qui n’en est pas à son coup d’essai, loin de là. Dans le style de films à questionnement spirituel, Dante Ferretti avait déjà signé l’ambiance étrange du « Nom de la Rose » ou l’envoûtant « Kundun » dont il était également le costumier, ce qu’il est aussi pour « Silence ». Il faut reconnaître qu’il est parvenu ici au sommet de son art, car ce film est d’abord un extraordinaire spectacle pour les yeux.

Mais le meilleur décor n’est rien sans un directeur de la photo qui va le mettre en lumière. Rodrigo Prieto n’en est pas non plus à son coup d’essai. La lumière du « Loup de Wall Street » du même Scorsese, dont il s’était occupé, avait déjà été remarquée. Prieto est également cadreur, et là on peut clairement appeler à une récompense dans ce domaine. En lien avec le metteur en scène hors-pair qu’est Scorsese, le cadre de Prieto nous offre ainsi la magie de son regard, qu’il s’agisse de filmer une obscure grotte, un escalier romain ou une nuit japonaise. Il est intéressant de noter que le symbole de la croix est caché partout, comme l’une des dernières scènes – et la dernière image – le suggèrent. On peut d’ailleurs revoir le film avec cette unique idée en tête, c’est fascinant.

 

Pas facile

Reste que « Silence » est de ces films délicats d’accès. Il faut y entrer avec foi et s’attendre à un voyage aux profondeurs de l’âme. Bannissez le popcorn ! Ce chef d’oeuvre comblera le spectateur qui s’y rend avec l’idée de vivre un grand moment de cinéma et une leçon d’histoire dont on aimerait tant qu’elle ne se répète point… hélas…

 

 

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2 Responses

  1. Bernadette

    je suis anéantie. Que de questionnements par rapport à la foi !

    • Vincent Lafargue

      Oui, c’est un film extrêmement questionnant, c’est aussi une des quêtes éternelles de Scorsese. Mais la question du silence de Dieu face au mal date de la Bible (et du livre de Job notamment) et est terriblement actuelle. Se poser des questions n’est jamais aneantissant. Certaines réponses le sont, en revanche.

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