Sugus rouge et pièce d’argent

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Photo DR : en.wikipedia.org
 
NDLA : à mes lecteurs qui ne vivent pas en Suisse, les « Sugus » sont des caramels mous aux fruits, une raison à elle seule de visiter la Suisse si vous ne connaissez pas cet avant-goût de paradis…
 

Homélie pour le 25e dimanche TO, année A

Isaïe 55,6-9 / Psaume 144 / Philippiens 1,20-27a / Matthieu 20,1-16

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

J’aimerais vous ramener, Chers Amis, quelques années en arrière. Suivant votre âge, ça fera plus d’années que pour d’autres… J’aimerais vous ramener dans votre classe d’école primaire.

Vous visualisez cette classe… peut-être était-ce celle de Bex… peut-être était-ce ailleurs… une de ces classes qui sentait bon la craie, le bois, l’encre.

La maîtresse est là (ou le maître, c’est selon… dans la classe de mon enfance c’était une maîtresse)…

Et ce jour-là… ce jour-là elle fait une interrogation. Une interrogation avec à la clé un Sugus par bonne réponse.

Un SUGUS ! C’est le paradis, n’est-ce pas ? C’est tellement bon, les Sugus !

Encore faut-il recevoir un Sugus de la bonne couleur !

Moi je les aime tous, personnellement, mais j’avoue que j’ai une nette préférence pour les ROUGES… je parle de Sugus, n’allez pas vous imaginer mes opinions politiques ! – j’ai une nette préférence pour les Sugus rouges et je vois à quelques sourires – parce qu’on voit vos yeux sourire même derrière vos masques – que je ne suis peut-être pas le seul.

Un Sugus, c’était le bonheur à ce moment-là… D’abord parce que ça voulait dire qu’on avait répondu juste, si on recevait un Sugus ! Et puis c’était un trésor, un Sugus, dans notre enfance…

Alors on lance l’interrogation et chacun répond aux questions, de plus en plus complexes, que la maîtresse pose ce matin-là.

Elle adapte ses questions à chacun de ses élèves, bien sûr sans le leur dire. Elle adapte ses questions aux savoirs de chacun. Elle les connaît suffisamment bien pour les interroger avec fermeté et tendresse à la fois, amenant chacun à élever peu à peu le niveau de ses connaissances.

Merveilleuse pédagogie de nos enseignants, aujourd’hui encore. S’il y en a parmi nous, qu’ils aient notre prière et notre admiration ! C’est une tâche extrêmement importante que celle qu’ils accomplissent avec talent. Et ce n’est pas simple !

La dernière question, la plus difficile, est posée au meilleur élève de la classe. Ce n’était pas moi, je le confesse !

Parce que la maîtresse sait qu’il va répondre juste. Elle sait aussi qu’elle prendrait un risque si elle posait cette question complexe au dernier de la classe. Probablement qu’il ne trouverait pas la réponse. Elle adapte à Chacune et Chacun, selon ses possibilités.

Parce que la question, en l’occurrence, amène un développement. Le premier de classe fait d’ailleurs une réponse remarquable, admirée par ses camarades et saluée par la maîtresse.

Et il reçoit, lui aussi, un Sugus. Un rouge, d’ailleurs.

Et il est vexé.

C’est vrai, sa question sur l’histoire de l’entrée du canton dans la Confédération il y a un peu plus de 200 ans, cette question était bien plus difficile que la question de savoir quelle est la capitale de la Suisse que la maîtresse avait posée au dernier de la classe qui, tout content, avait levé la main en disant : « Berne, Madame ! ».

Et il avait reçu lui aussi un Sugus. Un rouge aussi, d’ailleurs.

Lui, le premier de la classe, avec son développement historique de plusieurs minutes en réponse à une question bien plus complexe, s’attendait évidemment à recevoir au moins deux, trois, une poignée de Sugus. Pas la même chose que pour une réponse d’un mot, « Berne ».

Il n’est pas content, le premier de la classe. Et il le dit.

– C’est pas juste, Madame !

Et la maîtresse, un peu désolée quand même parce qu’elle a conscience de l’effort qu’elle lui a demandé et qu’il a fourni, lui rappelle les règles du jeu qu’il avait acceptées lui aussi au début de la leçon : à chaque bonne réponse, un Sugus. Pas deux, pas trois, un. Quelle que soit la question.

Sa logique n’est pas simple à comprendre pour les enfants de sa classe. Mais elle les aime tendrement, comme toutes les maîtresses d’école du monde ! Et elle sait que sa logique est ailleurs : elle avait posé les questions en fonction des possibilités de ses élèves. Elle savait ce qu’elle faisait. Même si ce n’est pas forcément clair pour eux.

Elle n’allait pas demander la capitale de la Suisse au premier de la classe, ça aurait été beaucoup trop facile pour lui… elle n’allait pas demander l’histoire de l’entrée du canton dans la Confédération au dernier, elle était sûre qu’il n’y arriverait pas. Elle les connaît et elle offre à chacun ce dont il est capable. Ni plus ni moins.

Vous avez tous connu des enseignants comme cela, j’espère ! Et aujourd’hui encore il y en a tellement…

Les enfants comprennent parfois bien plus tard la logique de leurs anciens profs…

Mais les enfants que nous sommes – puisque le Christ nous demande de redevenir comme des enfants pour entrer dans le Royaume des Cieux – les enfants que nous sommes, Chers Amis, mettent parfois aussi beaucoup de temps à comprendre la logique de Dieu, le grand maître d’école.

Mais sa langue est la même et sa logique est la même, elle est dans l’évangile que nous venons de ré-entendre.

Les ouvriers s’étaient mis d’accord pour une pièce d’argent. C’était la règle du jeu ce jour-là.

Et bien sûr, ils ne sont pas contents, ceux qui ont fourni un effort beaucoup plus important, ceux qui ont travaillé toute la journée, lorsqu’à la fin du jour, ils découvrent que ceux qui n’ont fait qu’une heure reçoivent la même pièce qu’eux.

Mais le maître leur rappelle qu’ils s’étaient mis d’accord. Il leur redit la règle du jeu.

Bien sûr que certains ont travaillé plus dur, et d’autres ont ramassé plus facilement cette pièce d’argent, en venant au dernier moment.

Mais la réponse « Berne » pour le dernier de la classe était-elle plus facile ? Non ! Il a fourni un effort surhumain pour s’en souvenir.

Peut-être que les personnes qui ont travaillé une seule heure ce jour-là ont fourni un effort surhumain.

Dieu nous demande selon nos capacités, ni plus ni moins.

Peut-être qu’en fait chacun a fait le travail dont il était capable ce jour-là. Et pas plus.

La logique de Dieu, Chers Amis, n’est pas celle des Hommes. Pas celle qui nous apparaît au premier abord, en tout cas.

Le prophète Isaïe le disait à sa manière dans la première lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, mes chemins ne sont pas vos chemins. »

La logique de Dieu est pourtant celle d’un bon maître d’école : il donne à chacun les mêmes récompenses tout en demandant à chacun de faire ce dont il est capable. Tout ce dont il est capable. Et seulement ce dont il est capable.

Un peu plus aux uns, un peu moins aux autres, selon les charismes de chacun.

Mais quand on était enfant, on avait bien du mal à comprendre cette justice-là, la logique du maître ou de la maîtresse, sur nos bancs d’école.

Pareil avec Dieu, devenus adultes : il y a une logique divine que nous ne percevons pas toujours tout de suite…

Mais il ne nous est pas demandé de COMPRENDRE, je crois, chers Amis – nous aimerions bien, parfois comprendre les chemins de Dieu, ici-bas – mais il ne nous est pas demandé de comprendre, on nous demande simplement de vivre selon l’Evangile. C’est Paul qui le disait dans la deuxième lecture : « Pour moi vivre, c’est le Christ… alors ayez un comportement digne de l’Evangile du Christ ! »

Faisons notre travail selon ce qui nous est demandé. Vivons selon l’Evangile, chers Amis, sans chercher toujours à comprendre la logique de Dieu. Il nous aime tendrement comme une maîtresse d’école aime chacun de ses élèves.

Et Dieu, lui, il sait assez ce dont nous sommes effectivement capables, et ce dont nous sommes incapables. Il ne nous demande que ce que nous pouvons faire.

Et il nous mène vers – pardonnez-moi – le Sugus suprême qu’est la vie éternelle, quand même. Le même pour chacun !

Ça doit être un Sugus rouge d’ailleurs, je pense…

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Bex, samedi 19 septembre 2020 (version enregistrée)

Aigle, dimanche 20 septembre 2020

…et dans une version assez semblable jadis :

Les Haudères, samedi 23 septembre 2017, 20.00

Hérémence, dimanche 24 septembre 2017, 10.30

Euseigne, dimanche 24 septembre 2017, 19.00

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  1. Marc de Chermignon

    J’ai souvent pensé à une autre version explicative pour adultes: bien sûr les ouvriers du matin ont peiné toute la journée et ont bien gagné le salaire convenu, mais les ouvriers engagés successivement ont vécu ces heures dans l’angoisse et la transpiration sous le soleil, l’angoisse de ne rien avoir à rapporter à la maison pour nourrir la famille, Ces chômeurs auraient bien pris la place des ouvriers réguliers, acceptant même un salaire moindre… C’est là aussi que l’on voit la grande miséricorde du Seigneur qui voit et connaît nos besoins, notre détresse, car il est impliqué dans notre vie de tous les jours. Il n’est pas le Seigneur dans les nuages, mais DIEU AVEC NOUS

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