Un sac de billes

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Photo DR : www.allocine.fr

 

Film français de Christian Duguay

D’après le roman éponyme de Joseph Joffo

Sortie française le 18 janvier 2017

Avec Dorian Le Clech, Batyste Fleurial, Patrick Bruel

 

Le roman de Joseph Joffo, « un sac de billes », a fait partie de l’éducation de toute une génération dont je suis.

Voilà un regard non pas sur la Shoah, mais bien sur l’exil et la peur made in France comme l’ont vécue bien des personnes que je connais de tout près.

 

Les enfants

il y a d’abord les deux enfants, les deux frères dont on verra le vrai visage d’aujourd’hui sur le générique final. Joseph et Maurice Joffo. Ces deux petits-là ont été magnifiquement choisis et sont dirigés à la perfection. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai dans la peau cette étoile jaune que ma mère, à leur âge, a refusé de porter à Paris, mais ils m’ont touché. Profondément.

A l’époque, on avait loué le petit qui jouait avec Belmondo dans « L’as des as », également sous l’affreuse araignée du drapeau hitlérien. Le petit de ce film-là, jouant Joseph Joffo à la perfection, rappelle immanquablement ce film-ci.

Paris, la zone soi-disant libre, l’exil

Et puis il y a ce voyage qui traverse tout le roman de Joffo et qui est très bien rendu dans le film. Cet exil qui rime avec fragile, où les enfants sont livrés à eux-mêmes, comme ce fut le cas de tant d’enfants de l’époque, ou les « parigots » sont repérés à leur accent et pas forcément bien accueillis à Dax ou Hagetmau, dans le pays de mes ancêtres. Ni même à Marseille.

A travers le voyage extérieur se joue le voyage intérieur, celui de l’enfance vers l’âge adulte, celui de l’insouciance vers le monde de la réalité que les enfants de jadis ont découvert trop vite, comme si on leur avait ouvert les yeux avec violence. La blessure à l’oeil du petit Joseph illustre cela magnifiquement bien en métaphore. Encore faut-il goûter aux métaphores.

La presse d’aujourd’hui

Certains articles que vous lirez dans vos journaux trouvent ce film « plat », « sans surprise », « convenu », « attendu ». D’abord c’est l’adaptation d’un livre. Et l’adaptation est bonne. Si l’on s’attendait à trouver une révolution par rapport au récit de base, on sera évidemment déçu. Si l’on s’attend à retrouver l’ambiance du roman autobiographique de Joffo, alors on risque bien d’être comblé.

Le film est loin d’être plat ou attendu. Certes, il n’y a pas de scène de sexe, il n’y a pas de massacre à la tronçonneuse, il n’y a pas d’histoire de famille déchirée autrement que par un deuil – évidemment le divorce ou le couple mono-parental ça aurait fait plus « moderne », plus chic pour une certaine presse, bien sûr…

Dénonciation et pardon

Les thèmes de la guerre – de toute guerre – sont présents à tout moment en filigrane : dénonciation et pardon, bassesse et miséricorde, violence et amour. On passe de l’un à l’autre aussi vite qu’à l’époque où l’on passait de la collaboration à la résistance, de l’occupation à la libération : en un clin d’oeil, en un tir de mitraillette. Les enfants traversent tout cela. Oui, on avait déjà fait un film parlant des enfants à cette époque – le génial « Au revoir les enfants » de Louis Malle.

Mais c’est autre chose ici. On ne leur dit pas « au revoir », on dit adieu à leur père parce que c’est à eux de devenir adultes, pères plus tard. On dit « bonjour » à leur prise de conscience du monde soi-disant « adulte » dans lequel ils entrent et où nous les accueillons avec honte. Oui, c’est ça le monde des adultes, celui dans lequel on se moque d’un sac de billes alors que le sac lui-même vaut si peu par rapport à LA bille, celle que l’on préfère, qui prend tour à tour les traits de Françoise ou du temps de l’enfance qu’il faudra bien finir par lâcher, un jour. Ce jour-là, forcément.

Patrick, Elsa, Christian

Dans le rôle du père des Joffo, Patrick Bruel. Pas le chanteur. L’acteur. On retrouve l’étendue de son talent : jamais surjoué, toujours touchant juste ce qu’il faut. Elsa Zylberstein qui joue son épouse n’est pas en reste. Elle est magnifique. Et le violon ajoute à l’âme juive qu’elle incarne si bien.

Aux deux-tiers du film, un Christian Clavier presque méconnaissable en blouse blanche apparaît pour disparaître quelques répliques plus loin. Touchant. Image d’un de ces martyrs qui parsèment ces années-là, un martyr ordinaire, pas de ceux qui font les titres des journaux, mais de ceux qu’on a oubliés, naturellement.

Technique irréprochable

S’ajoute à cela une photo et une mise en scène tellement irréprochables qu’elles ne se remarquent pas. Une autre raison pour laquelle les critiques autorisés ont trouvé le film « sans surprise ». Le beau ne fait pas de bruit, contrairement à l’outré et au vulgaire, absents de cette oeuvre.

La lumière est splendide. Qu’il s’agisse de reproduire la poussière des wagons de ce temps, le soleil de la Méditerranée ou la lumière dorée des Landes, tout est juste et sans excès. La mise en scène, quant à elle, est certes classique mais tout à fait à propos pour l’adaptation de ce roman. Amateurs de gadgets à la James Bond, repassez plus tard. Amoureux d’un plan où les regards disent beaucoup plus que le décor, restez : vous serez ravis.

Pour une poignée de dollars

Un sac de billes vaut bien la poignée de dollars que vous mettrez pour venir le voir, dans un cinéma près de chez vous. Et vous donnera l’envie, comme à moi, de vous (re)précipiter sur le livre en revenant chez vous.

 

Bande-annonce :
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