Engagement du petit doigt…

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Photo DR : flickr.com – Sergio Vassio

 

Homélie pour le 11e dimanche ordinaire, A

 

Exode 19,2-6 / Psaume 100(99) / Romains 5,6-11 / Matthieu 9,36-10,8

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Nous venons d’entendre un épisode de l’histoire de Jésus. Nous l’avons entendu debout car c’est toujours debout que l’on écoute l’Evangile, pour signifier que c’est le plus important des textes de la liturgie (de la Parole).

Vous l’avez bien écouté cet Evangile ? Mais oui, je vous fais confiance ! Alors j’ai une question pour vous : les personnes dont il s’agit dans cette histoire – en plus de Jésus bien sûr – sont-ce les DISCIPLES ou les APÔTRES ?

Eh oui, Monique a raison : ce sont les disciples ET les Apôtres. Ce sont les mêmes !

Même si le mot ne désigne pas la même fonction.

Jésus parle à ses disciples, au début de l’Evangile. Si vous avez entendu le mot, vous n’êtes pas fous, il s’y trouvait bien.

Puis il appelle ses douze disciples, disait le texte, il mentionne leur mission … et la phrase suivante est : « Voici les noms des douze apôtres. » !

Et pourtant ce sont les mêmes.

Quelle est la différence, alors ? Ils sont disciples avant d’être apôtres. L’ordre n’est pas indifférent.

Le disciple, c’est l’élève, celui qui écoute, celui qui apprend. Discipulus, en latin, l’étudiant.

L’apôtre, c’est celui qui est envoyé, apostello, en grec, j’envoie.

Evidemment qu’il s’agit d’abord d’être l’un avant de pouvoir être l’autre. Il s’agit d’abord d’être disciple avant de pouvoir devenir apôtre : si vous êtes envoyés en mission sans avoir rien appris de votre mission, vous prenez quelques risques ! C’est certain !

C’est valable pour nous aussi, Chrétiens : il nous faut d’abord nous mettre à l’écoute du Christ, être disciples, avant de partir en mission, avant d’être envoyés, avant d’accomplir ce qu’il attend de nous.

C’est exactement ce qui se passe à la messe, remarquez : on commence par être disciples, pendant la liturgie de la Parole, on écoute, on apprend parfois certaines choses… et à la fin de la messe on est envoyés, munis du Christ qui est en nous depuis le moment de la Communion. Nous sommes envoyés dans le monde pour y être des Chrétiennes, des Chrétiens.

C’est d’ailleurs le sens du mot « messe », vous le savez bien : « missa », c’est la mission, et le mot « messe » vient de ce mot-là.

Cette belle expression se retrouvait dans ce que l’on disait dans la messe en latin. A la fin de la messe – les plus anciens d’entre nous s’en souviennent – on disait : « Ite missa est ! », ça voulait dire : « Allez, c’est la mission ! ». Et non pas « Allez, la messe est dite ! » comme on traduisait parfois.

« Allez, c’est la mission ! » Votre mission maintenant commence. C’est l’envoi en mission.

Nous sommes chrétiens non seulement ici sur ces bancs mais évidemment également au-dehors. Nous sommes envoyés en mission, avant de revenir ici la semaine prochaine ou un autre dimanche. Nous sommes envoyés en mission et nous revenons ensuite auprès du Christ, pour être à nouveau disciples, écouter, apprendre, et à nouveau être envoyés.

Nous avons à incarner toujours les deux aspects dans nos vies, être disciples et être apôtres. Nous avons donc à devenir des disciples missionnaires, comme le disent bon nombre de livres actuels qui parlent des paroisses et de la mission des paroissiens. On parle de disciples missionnaires en parlant de vous, Chers Amis.

Nous avons à être des disciples envoyés en mission.

Eh oui, nous avons tous une mission.

Chaque fois que j’entends cette fameuse phrase : « Oui, c’est toujours pareil quand on s’engage, tu donnes le petit doigt et on te bouffe le bras… »

Je suis sûr que vous l’avez déjà entendue aussi, celle-là !? Pas seulement d’ailleurs dans l’engagement chrétien !

Quand j’entends cette phrase, pour commencer je me dis que ça donne une petite idée de la valeur de l’engagement de cette personne ! Le petit doigt… c’est ce qu’elle pensait donner au départ. Ce n’est pas terrible, comme engagement, hein !

Mais ensuite, je me dis que… oui, nous allons donner le bras, les deux bras, les deux pieds, les deux jambes. Nous nous donnons tout entiers dans la mission. Nous sommes Chrétiens tout entiers, il n’y a pas que notre petit doigt qui est chrétien.

Et donc, dans notre mission, que ce soit ici à l’intérieur de ces murs ou que ce soit à l’extérieur, évidemment que le Christ nous demande de nous donner tout entiers.

Alors souvent, on dit : « Oui, moi je veux bien venir à la messe, mais je ne veux pas qu’on m’en demande plus ! J’ai déjà bien assez donné comme ça pour l’Eglise ! Faut pas pousser ! On a déjà tellement fait pour la paroisse ! On va pas encore nous redemander quelque chose ! »

Ben si… Mais c’est pas « on » qui va demander quelque chose. C’est le Christ.

C’est le Christ qui nous demande sans cesse une mission de Chrétiens. Et cette mission change au fur et à mesure du temps, des saisons, des âges de la vie.

Etre Chrétien ça dure toute la vie.

Etre disciple missionnaire ça engage à plein de choses, pas seulement à donner son petit doigt pour suivre Jésus.

Vous voyez, Chers Amis, depuis la réouverture des messes au public, il y a trois semaines maintenant, après le confinement, beaucoup de personnes s’engagent, pour qu’un lieu de culte comme celui-ci fonctionne. Comme Jacqueline, Pascal, Monique… Dieu sait si ce n’est pas évident, vous savez, de respecter toutes les mesures que nous demandent nos autorités ! On a reçu deux pages A4 d’instructions de la part de notre évêque.

Il faut quelqu’un pour tenir la porte, vous l’avez vu, histoire que quarante mains différentes ne se posent pas sur la poignée, il faut quelqu’un qui s’assure que les gens se lavent les mains en entrant, il faut quelqu’un qui s’assure qu’ils puissent être bien placés, des marquages au sol qu’on a pris le temps de faire ici aussi.

Il faut quelqu’un qui, si l’église est pleine, explique gentiment aux gens qui arrivent en retard que, non, ce n’est pas possible de rester.

On a de la chance, ce n’est pas le cas chez nous. Mais je connais des paroisses qui ont dû refuser du monde. Et Dieu sait si ce n’est pas facile pour cette personne d’expliquer aux gens que, non, malheureusement les normes font qu’on ne peut pas accueillir une personne de plus.

On a besoin de gens qui s’engagent pour ces services-là, comme pour tous les autres services. Histoire d’assurer les messes. Car notre évêque est extrêmement clair dans ce document : là où ce n’est pas possible de respecter ces normes, notamment la distance entre nous, il ne peut pas y avoir de messe. C’est le cas à Euseigne, par exemple.

Et il y a beaucoup d’églises, de chapelles, qui n’ont pas pu reprendre les messes. Nous avons beaucoup de chance, ici, ce soir. Mais cette chance, elle vient des gens qui s’engagent pour vous. Et qui ne donnent pas que le petit doigt, j’aime mieux vous dire !

Alors bien sûr on écoute, vous comme moi, les informations tous les jours pour savoir ce que les autorités nous disent. Les personnes engagées professionnellement dans le diocèse comme Monique ou moi nous recevons les instructions de notre évêque, nous sommes chargés de vous les expliquer, de vous les transmettre.

Et on attend, jour après jour, des changements, des allègements, mais pour l’instant c’est ainsi.

Être disciple missionnaire, voyez-vous, c’est pareil, dans notre vocation chrétienne. C’est écouter tous les jours (pas seulement le dimanche soir), écouter tous les jours ce que le Christ a à nous dire, ce qu’il attend de nous.

Et ça évolue avec la vie, évidemment.

Un jour, il nous a appelés à être parents, pour plusieurs d’entre vous…  et plus tard il nous a appelés à être grands-parents, c’est une autre vocation. Ça évolue avec la vie.

Aujourd’hui il vous a peut-être confié telle ou telle responsabilité dans la communauté, lectrice comme Monique par exemple, pour parler de ses merveilles au peuple de Dieu, comme Moïse dans la première lecture… Moïse est notre premier lecteur finalement, premier porte-parole de Dieu.

Demain, le Seigneur vous confiera peut-être telle autre responsabilité à laquelle il vous appellera dans la communauté, un ministère de guérison comme nous l’entendions dans l’Evangile. Le Seigneur envoyait les disciples guérir les malades.

Les personnes qui nous accueillent à l’entrée de nos églises en ce temps de Corona sont un peu les guérisseurs de ce temps-ci. Ces personnes œuvrent pour que la maladie ne se propage pas.

Mais si vous vous dites : « Ah non, moi je m’engage pour deux messes, mais après c’est fini, hein, c’est quelqu’un d’autre ! »… Quand on est Chrétien, forcément que le Christ va nous demander davantage ! Forcément qu’on y laissera le bras, les deux bras, les deux pieds, les deux jambes, parce que ce qu’il veut, c’est notre cœur.

C’est que dans quelque engagement que ce soit, nous donnions ceci [il montre son cœur], pas cela [il montre le petit doigt].

Suivre le Christ, vraiment, ça engage toute la vie, ça change toute une vie, c’est un contrat à durée indéterminée, comme on dit.

Alors à ce stade, vous avez des personnes qui vous disent : « Et pourquoi j’irai m’engager pour le Christ, finalement ? Qu’est-ce qu’il fait pour moi, lui ? J’ai plutôt l’impression qu’il est absent dans ma vie, quand j’ai des problèmes, dans mes soucis, je ne l’entends jamais ! »

Bon, alors pour l’entendre il faut peut-être faire ce que vous avez fait ce soir, venir ici… ça permet de l’entendre, dans nos vies, même si on l’entend aussi ailleurs.

Venir ici, ça permet d’écouter sa parole, et puis d’écouter ce que l’Esprit-Saint a à nous dire, par les paroles du prédicateur, et puis ensuite cela permet d’écouter ce qu’il nous dira du plus profond de nous, lorsque nous l’aurons reçu dans la communion. C’est quand même la meilleure manière de l’entendre.

Mais qu’est-ce qu’a fait le Christ pour nous ? Deux fois rien, hein, c’est la deuxième lecture qui nous le disait : il a donné sa vie pour nous.

Pas le petit doigt, hein ! Il a donné sa vie pour nous.

C’est pas quelque chose qui s’est passé seulement il y a deux mille ans. A chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, Chers Amis, à chaque fois que nous faisons mémoire de cet acte, il redonne sa vie pour nous, il se redonne en nourriture, de manière très concrète, il se redonne pour nous.

Toutes proportions gardées, chers Amis, c’est d’ailleurs exactement la même chose pour toute personne qui s’engage pour la communauté.

Elle donne sa vie, d’une certaine manière, pour que le Christ puisse continuer à être annoncé.

Le Christ donc nous enseigne, quand nous sommes disciples, et nous envoie, quand nous sommes apôtres. Ces deux dimensions sont essentielles, ce mouvement est incessant dans notre vie de baptisés.

Nous sommes, tous ensemble et chacun de notre côté aussi, disciples missionnaires du Christ.

Alors chers Amis, devenons toujours davantage ce que nous sommes, des disciples missionnaires.

Et lorsque nous aurons reçu l’Eucharistie, tout à l’heure, nous pourrons même transformer la phrase en disant : devenons ce que nous avons reçu.

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La Luette, dimanche 14 juin 2020, 18.30 (version enregistrée)

…et dans une version fort différente jadis :

Vex, samedi 17 juin 2017, 18.30

Evolène, dimanche 18 juin 2017, 9.00

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