Ces cinq lettres-là…

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Homélie pour le 28e dimanche TO, année C

2e livre des Rois 5,14-17 / Psaume 97 / 2 Timothée 2,8-13 / Luc 17, 11-19

Chers Amis,

Dans une semaine je m’en vais à Paris pour quelques jours de formation.

Vous savez la différence entre nos contrées et Paris – à part que c’est une ville de fous, là-bas ? Il y a deux mots qu’ils ne connaissent pas : « Bonjour » et « Merci« . Si vous dites « Bonjour » aux gens dans la rue, comme ici, vous risquez au mieux qu’on vous prenne pour un fou, au pire vous risquez un mauvais coup.

– Bonjour !

C’est qui, celui-là ? Qu’est-ce qu’il me veut ?

Et dans le métro je vous raconte pas. Là vous risquez carrément le coup de couteau si vous souriez à quelqu’un…

Et puis « Merci »… Essayez de laisser traverser quelqu’un au passage piéton, lorsque vous êtes en voiture à Paris, vous n’aurez même pas un regard.

Une fois quelqu’un à qui je racontais cela m’a dit : « c’est logique qu’ils ne fassent pas de geste, c’est NORMAL de laisser traverser quelqu’un, c’est la LOI.« 

C’est juste. C’est normal.

C’est normal de laisser traverser quelqu’un, mais cela n’empêche pas de dire « merci ».

C’est pas parce que c’est « normal » que ça INTERDIT de dire « merci ».

Que je sache, il n’y a aucune loi qui interdise de dire merci… ou alors je ne la connais pas, celle-là.

Et peu à peu, on glisse dans cette conception faussée du remerciement et de la normalité. On ne remercie plus lorsque c’est normal.

La caissière de la Migros fait son travail poliment. C’est normal. Le serveur du restaurant a été sympathique. C’est normal. Le chirurgien vous a bien opéré, c’est normal. Le prêtre est là pour la messe. C’est normal.

Par contre, s’il y a UN défaut dans l’attitude de la caissière, du serveur, du chirurgien, du prêtre, ou de tant d’autres, on va râler. Et si possible au-dessus de la personne en question. On va appeler le gérant, le directeur du restaurant, le chef du département de la santé, l’évêque.

Mais si tout va bien, c’est normal. Pourquoi je dirais « merci », hein ? C’est normal…

Dans la première lecture, autant que dans l’Evangile, nous avons des guérisons de lépreux. Celle de Naaman, le général syrien, dans le second livre des rois, et celle des dix lépreux de Samarie et de Galilée dans l’Evangile de Luc.

Là il ne s’agit plus du tout de quelque chose de « normal ». Retrouver une peau de bébé après avoir été lépreux c’est même de l’ordre du miraculeux, clairement.

Naaman, le général syrien, l’a parfaitement compris dans la première lecture. Il revient et veut absolument donner un cadeau au prophète Elisée. En plus, il a compris que sa guérison venait de Dieu.

Mais vous avez entendu l’attitude des dix lépreux, dans l’Evangile… Un seul revient pour dire « merci » à Jésus. Un seul, sur dix. Les neuf autres, plus de nouvelles !

Que veut nous dire Jésus par cet Evangile ? Peut-être en tout cas nous aider à réapprendre à dire « Merci ». Et pas seulement à nos frères et soeurs en humanité, mais « merci » à Dieu, aussi. Parce que pour lui hurler dessus quand ça va pas, y a du monde. Mais pour lui dire « merci » à la fin d’une journée, pour tout ce qui s’est bien passé, là y a moins d’enthousiasme…

Et je m’interroge… Nous avons tous nos lèpres. Nous avons tous des impuretés qui nous rongent les pensées ou le coeur. C’est une lèpre, plus vicieuse encore parce qu’elle ne se voit pas, celle-là. Le jugement, la jalousie, l’envie, les pensées impures qui veulent posséder l’autre plutôt que de contempler la beauté que Dieu a mis en elle ou en lui. Tout ce qui se passe dans nos têtes et dans nos coeurs et qui n’est pas bien propre, parfois. Et je ne suis pas meilleur que vous, loin de là, ne vous faites aucune illusions !

Si nous demandons avec Foi, Dieu nous aide et nous guérit de ces lèpres-là. Il nous aide à les combattre et à retrouver non pas une peau de bébé mais un coeur d’enfant, un esprit pur.

« Va, ta Foi t’a sauvé » dit Jésus au Samaritain revenu pour le remercier. C’est la Foi qui peut nous guérir de cela, il faut y croire.

Mais savons-nous remercier, ensuite ?

J’ai entendu un jour quelqu’un me dire : « J’ai demandé, ma prière a été exaucée, c’est normal, j’ai demandé avec Foi… »

…et ça t’empêche de dire « merci » ??

Vous, vous avez compris. Vous êtes venus ici ce matin/ce soir pour dire « Merci » au Seigneur parce que, vous le savez bien, « Eucharistie » ça signifie « action de grâce » en grec, et par conséquent, ça veut dire « Merci ».

Cette petite hostie que nous recevrons tout à l’heure est capable de guérir nos lèpres intérieures, si nous la recevons avec Foi, si nous lui demandons avec sincérité.

Sachons dire « Merci », chers Amis… Ces cinq lettres-là sont tout de même plus agréables à entendre que les cinq autres.

Vous me direz que c’est aux Parisiens que je devrais dire tout cela dans dix jours, mais je ne sais pas pourquoi, il me semble que chez nous, où l’on sait parfaitement dire merci et bonjour, on a quand même des fois aussi ces attitudes qui font que tout nous est dû, tout est normal, et il me semble que nous oublions, nous aussi, parfois, de dire « merci ».

Alors sachons dire « merci ». A la caissière, au serveur, au chirurgien, au prêtre… mais aussi et surtout à Dieu.

– MERCI Seigneur, pour tous tes bienfaits dans chacune de nos vies !

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Lens, dimanche 13 octobre 2013, 9.30

Montana-Village, dimanche 13 octobre, 11.00

Crans sur Sierre, dimanche 13 octobre, 18.30