La paix ce n’est pas se dire bonjour

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Homélie pour le 6e dimanche de Pâques, C

Actes 15, 1-2.22-29 / Psaume 66 / Apocalypse 21,10-14.22-23 / Jean 14,23-29

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Chers Amis,

Il y a quelques temps, un homme m’aborde – c’était pas ici à Champex ! – un homme m’aborde et me dit : « Oh moi, vous savez, je ne viens plus à la messe. On est obligé de se donner la paix. Alors je viens plus.» Authentique.

Devant ma surprise – eh oui, si on est chrétien c’est tout de même assez particulier de ne pas souhaiter se donner la paix et la transmettre aux autres – devant ma surprise il précise sa pensée : « Oui, enfin on est obligé de se serrer les mains. C’est pas hygiénique. Et puis moi j’aime pas serrer les mains des gens que je connais pas. »

Je lui ai fait remarquer qu’il y a plusieurs manières de se donner la paix, on n’est pas obligés de se serrer la main. A la messe comme ailleurs, il y a d’autres manières.

Je lui ai expliqué un peu tout ça et il m’a répondu que personne ne lui avait jamais dit ça, et que je devrais peut-être le signaler, une fois…

« Tiens, m’a-t-il dit, je vous mets au défi de le dire dans une homélie. Et comme je les lis sur Internet, bah je reviendrai. »

Quelle occasion rêvée que ce week-end, alors que justement dans l’Evangile est dite cette phrase que nous reprenons à chaque Eucharistie au moment de la paix, vous l’avez entendue il y a quelques instants : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. »

C’est une phrase du Christ, comme beaucoup d’autres phrases de nos Eucharisties d’ailleurs.

Alors quelques mots à ce sujet, chers Amis. Parce que c’est vrai, de temps en temps à la messe, on fait des gestes un peu machinalement sans plus trop savoir le sens de ces gestes et la façon de les accomplir.

Alors quelques mots sur le geste de paix.

D’abord il faudrait peut-être rappeler qu’on attend, bien sûr, que le prêtre ou le diacre, nous ait invités à nous donner la paix : « Frères et Soeurs, dans la charité du Christ, donnez-vous la paix. » Vous avez des paroisses – pas ici, hein ! – on a à peine le temps de dire « que la paix du Seigneur soit… » les gens sont déjà retournés en train de donner la paix aux autres…

Alors on ne leur a pas appris la politesse, hein… Ou alors ils ont un gigot en préparation chez eux et ils viennent de réaliser qu’ils ont oublié d’éteindre le four, ça doit être ça. Ils sont pressés… Remarquez c’est beau d’être pressé de donner la paix !

Ensuite, se donner la paix ce n’est pas se dire « bonjour ». On voit souvent des chrétiens, au moment du geste de paix, qui secouent la main, comme ça… [geste de se serrer la main] C’est pas ça, le geste de paix, chers Amis.

Souhaiter la paix à notre voisin, à notre voisine, c’est pas lui dire bonjour.

On espère bien que vous avez mis à profit les quelques minutes qui se déroulent avant le début de la célébration pour dire bonjour aux gens qui sont autour de vous, si vous êtes arrivés à l’heure évidemment. C’est fait pour ça. Mais le geste de paix, c’est pas fait pour se dire bonjour.

D’abord parce qu’on dit bonjour à tout le monde, or on ne va pas donner la paix 15 rangs derrière nous en allant vers tout le monde, vous imaginez d’ici le souk ? Ça n’irait pas du tout, c’est pas le but.

Ensuite parce que souhaiter la paix à quelqu’un peut se faire d’un regard, par exemple… ou par une accolade, ou encore par une embrassade, par un baiser, ou encore tout simplement en s’inclinant devant la personne, à la très belle manière orientale (hygiénique, pour le coup!).

Evidemment aussi, on se regarde quand on se donne la paix. C’est comme pour trinquer, on se regarde dans les yeux !

On voit des gens, des fois, qui regardent déjà la personne suivante quand ils donnent la paix. Ça doit être le rôti, à nouveau, je pense…

Se donner la paix c’est prendre le temps de plonger son regard dans le regard de l’autre, de lui souhaiter de tout notre cœur cette paix à laquelle chacune, chacun de nous aspire et que Dieu nous transmet.

Alors tout à l’heure, au moment du geste de paix, vous ferez ce qui vous convient, bien sûr. Vous pouvez continuer à vous serrer la main, vous pouvez vous faire un petit signe, de loin…

Il n’y a pas de règle absolue de toutes façons, sinon que l’Eglise nous demande que ce geste soit fait dans le respect et dans la simplicité.

C’est exactement comme dans notre première lecture : plutôt que d’enfermer les gens dans une règle, ce qui prévaut au début de notre première lecture, autant commencer simplement, en fixant quelques principes généraux qui ont du sens, mais sans forcément qu’il faille absorber un manuel de 200 pages pour pouvoir participer à une Eucharistie !

C’est en nous donnant la paix simplement mais de tout notre coeur que nous construisons la Jérusalem d’en-haut, cette ville qui nous attend toutes et tous dont parlait la deuxième lecture, le livre de l’Apocalypse.

Et c’est en réexpliquant tout ça tranquillement à certaines personnes qu’on fera peut-être revenir ces mêmes personnes qui avaient trouvé comme prétexte de ne plus prendre une heure pour le Seigneur le simple fait que se serrer la main n’est pas hygiénique.

Et je le dis à l’homme en question, qui n’est pas là mais dont je sais qu’il me lira : « Le défi est relevé, mon cher Ami. Alors à la joie de vous retrouver dans l’une de nos célébrations, et de vous donner la paix autrement qu’à la manière du monde », comme le disait Jésus.

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Champex, samedi 30 avril 2016, 17.00 (version enregistrée)

Euseigne, dimanche 1er mai 2016, 19.00