Moins pour nous, assez pour tous

Photo DR : teemix.aufeminin.com

Petit quiz biblique réalisé par Monique Dorsaz et moi-même pour l’Action de Carême 2015.

Il n’y a qu’une seule bonne réponse par question.

Questions…

1/ Qu’est-ce qui est à proprement parler la cause du déluge ?

a. Le meurtre d’Abel par Caïn.

b. La colère de Dieu qui s’enflamma soudain.

c. La terre qui était corrompue devant Dieu et s’était remplie de violence.

2/ Selon le prophète Jérémie, l’ordre naturel voulu par Dieu est perturbé parce que…

a. Adam et Eve ont mangé du fruit défendu.

b. L’homme, par ses crimes, a dépassé les limites.

c. L’homme ne rend pas à Dieu le culte qui lui est dû dans son Temple.

3/ Le prophète Joël parle des « trancheurs » et des « lécheurs ». De qui s’agit-il ?

a. C’est une image humaine pour ceux qui tuent par le glaive et ceux qui se repaissent du sang de leurs victimes.

b. C’est une image apocalyptique pour les anges exterminateurs armés de faux et dardant une langue de vipère.

c. C’est une image animale pour deux sortes de criquets-pèlerins présents dans la région.

4/ Après le déluge, Dieu met un arc dans la nuée en signe d’Alliance.

a. Cet arc-en-ciel n’apparaît que dans le livre de la Genèse, faisant de lui un de ces termes uniques dans la Bible mal-aisés à traduire.

b. L’iris (mot grec employé pour dire l’arc-en-ciel) se retrouve dans l’Apocalypse, formant ainsi, avec la Genèse, un arc entre le premier et le dernier livre de la Bible.

c. On trouve également la mention d’un « arc dans la nuée » au moment de la montée du char de feu d’Elisée dans le livre des Rois, ainsi qu’à l’Ascension de Jésus dans les Actes.

5/ « Je vous donne TOUT » dit Dieu juste après le déluge. Quelle est la principale nouveauté dans la liste de ses dons, et dont il faut user avec parcimonie ?

a. La viande à manger, toutefois sans son sang.

b. La femme étrangère avec laquelle on peut maintenant se marier.

c. La manne, qui est redonnée chaque jour en abondance.

6/ Qu’est-ce que l’auteur du livre des Proverbes demande à Dieu ?

a. Donne-moi ni indigence, ni richesse, dispense-moi seulement ma part de nourriture.

b. Donne-moi de vivre en sécurité sur la terre de mes pères.

c. Donne-moi une belle femme, de nombreux enfants et du vin en abondance.

7/ Quel est le menu que l’auteur des Proverbes privilégie ?

a. Mieux vaut un bœuf gras bien assaisonné qu’un plat de légumes.

b. Mieux vaut un plat de légumes qu’un bœuf gras bien assaisonné.

c. Mieux vaut un plat de légumes là où il y a de l’amour qu’un bœuf gras assaisonné de haine.

Eléments de réponse

1/ C’est la terre qui était corrompue devant Dieu et s’était remplie de violence qui est, à proprement parler, cause du déluge.

La chose est évidente en Gn 6,11-13 : 11La terre s’était corrompue devant Dieu et s’était remplie de violence. 12Dieu regarda la terre et la vit corrompue, car toute chair avait perverti sa conduite sur la terre. 13Dieu dit à Noé :  » Pour moi la fin de toute chair est arrivée ! Car à cause des hommes la terre est remplie de violence, et je vais les détruire avec la terre. « 

2/ Selon le prophète Jérémie, l’ordre naturel voulu par Dieu est perturbé parce que l’homme, par ses crimes, a dépassé les limites.

Ici, le texte de Jérémie 5,20-28 mérite d’être approfondi, en regardant notamment le mot COEUR que le texte hébreu utilise à plusieurs reprises et qui désigne la capacité de « penser » « comprendre », « faire des projets » :

20 Annoncez ceci à Jacob, faite-le entendre en Juda.

21 Ecoutez donc ceci, peuple borné et sans COEUR :

      -Ils ont des yeux et ne voient point, des oreilles et n’entendent pas.

22 N’aurez-vous pas de crainte devant moi ? -oracle du SEIGNEUR.

      Ne tremblerez-vous pas devant moi qui ai mis le sable comme limite à la mer,

      frontière définitive qu’elle ne dépassera pas ?

   Elle bouillonne mais reste impuissante, ses vagues peuvent mugir,
elles ne la dépasseront pas.

23 Mais ce peuple a un cœur indocile et rebelle : ils s’écartent et s’en vont.

24 Ils ne disent pas dans leur COEUR :

          » Ayons de la crainte devant le SEIGNEUR notre Dieu,

   lui qui nous donne la pluie au bon moment, celle d’automne et celle de printemps,

   et qui nous garde les semaines fixées pour la moisson. « 

25 Ce sont vos crimes qui perturbent cet ordre, vos fautes qui font obstacle à ces bienfaits.

26 Car dans mon peuple, se trouvent des coupables aux aguets comme l’oiseleur accroupi,

      ils dressent des pièges et ils attrapent… des hommes.

27 Tel un panier plein d’oiseaux, leurs maisons sont pleines de rapines :

      c’est ainsi qu’ils deviennent grands et riches,

28 gras et reluisants.
Ils dépassent le record du mal, ils ne respectent plus le droit,

      le droit de l’orphelin ;
et ils réussissent. Ils ne prennent pas en main la cause des pauvres…

C’est l’expérience d’un peuple fermé, « bouché », inaccessible : stupide, sans cœur, ne voyant plus la réalité, n’entendant plus les choses. L’expression « ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas » est souvent utilisée par la Bible pour les idoles (Ps 115, 5-6 ; Ps 135, 15-18). Une façon de dire que, comme les idoles, ces hommes n’ont même plus les facultés habituelles d’un être humain. Il y a une « fermeture à la réalité ».

Dieu de son côté Dieu veille à l’espace de vie et aux temps :
– Il a donné un espace vital à l’homme en empêchant la mer d’envahir son lieu de vie (avec une frontière de sable, élément fragile et instable s’il en est). Normalement la mer ne dépasse pas ses frontières. Le même verbe « dépasser » sera utilisé plus loin pour les hommes qui eux « dépassent le record du mal ».
– Dieu veille aussi aux saisons, aux pluies qui viennent en leur temps. Il y a un équilibre fragile, mais Dieu veille.

3/ Les « trancheurs » et des « lécheurs » dont parle le prophète Joël sont deux sortes de criquets-pèlerins présents dans la région.

Joël 1,4 ajoute même deux autres sortes de dévastateurs ailés : « 4 Ce que le  » trancheur  » a laissé, l' » essaimeur  » le dévore, et ce que l’  » essaimeur  » a laissé, le  » lécheur  » le dévore, et ce que le  » lécheur  » a laissé, le  » décortiqueur  » le dévore. »

L’hébreu les appelle le GaZaM, le aRBeH, le YaLèQ et le HaSSiL. Certains commentateurs associent les quatre vagues de ces animaux aux quatre invasions de Juda, chacun plus sévère que la précédente.

4/ Après le déluge, Dieu met un arc dans la nuée en signe d’Alliance. L’iris (mot grec employé pour dire l’arc-en-ciel) se retrouve dans l’Apocalypse, formant ainsi, avec la Genèse, un arc entre le premier et le dernier livre de la Bible.

Dieu met son arc dans la nuée en signe d’alliance juste après le déluge (Gn 9,13). On le retrouve en effet en Apocalypse 4,3, même si nos traductions ne le montrent que faiblement. Exemple avec la TOB : « 3 Celui qui siégeait avait l’aspect d’une pierre de jaspe et de sardoine. Une gloire nimbait le trône de reflets d’émeraude. ». La « gloire » est clairement, en grec, l’ « iris » qui entoure le trône.

Mais si ces deux références font effectivement un « arc » symbolique au-dessus des pages de nos Bibles, entre le premier et le dernier de leurs livres, le mot se retrouve aussi ailleurs dans l’Ecriture. Une seconde fois dans l’Apocalypse, signalons-le (Ap 10,1), avec une idée légèrement différente pouvant évoquer l’auréole des saints : « 1 Et je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel. Il était vêtu d’une nuée, une gloire nimbait son front, son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu. » Ce que la TOB traduit par « gloire » est à nouveau l’iris grec.

Pourtant, la comparaison mériterait d’être creusée davantage, car la Septante n’a pas traduit l’arc de la Genèse par le mot iris, mais bien par le mot « arc » (toxon). Un arc dans la nuée que l’on retrouve aussi chez le prophète Ezékiel (Ez 1,28).

5/ « Je vous donne TOUT » dit Dieu juste après le déluge. La principale nouveauté dans la liste de ses dons, et dont il faut user avec parcimonie, est la viande – à consommer sans son sang.

On trouve cela juste après le déluge et juste avant l’arc-en-ciel, en Gn 9,3-4 : « 3 Tout ce qui remue et qui vit vous servira de nourriture comme déjà l’herbe mûrissante, je vous donne tout. 4 Toutefois vous ne mangerez pas la chair avec sa vie, c’est-à-dire son sang. ».

La consigne alimentaire qui suit le déluge (Genèse 9, 3-4) est différente de celle du début de la création (Gn 1, 29) où le menu est végétarien.

Il y a donc une sorte de concession : vous pouvez manger la viande avec un mais… Dans la Bible on évoque le « sang », d’où les viandes casher des juifs. On pourrait aussi dire que le sang c’est la vie, que la viande nous est concédée en quantité à discerner pour ne pas mettre en danger la vie, notamment celle de la planète et celle des autres.

6/ L’auteur du livre des Proverbes demande à Dieu de ne lui donner ni indigence, ni richesse, mais de lui dispenser seulement sa part de nourriture.

On trouve cela en Pr 30,7-9 dans une magnifique formulation : « 7 Je t’ai demandé deux choses, ne me les refuse pas avant que je meure : 8 Eloigne de moi fausseté et mensonge, ne me donne ni indigence ni richesse ; dispense-moi seulement ma part de nourriture, 9 car, trop bien nourri, je pourrais te renier en disant :  » Qui est le SEIGNEUR ?  » ou, dans la misère, je pourrais voler, profanant ainsi le nom de mon Dieu. »

Cette demande à Dieu est souvent mise en parallèle avec la demande du Notre Père « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ».

Une nourriture simple et quotidienne suffit. Il n’est pas nécessaire de nous laisser prendre dans la spirale de la surconsommation.

Un moine expliquait qu’il est important de demander  « notre pain de ce jour » afin que  nous puissions quotidiennement le demander à Dieu et le remercier pour notre part de nourriture.

Dans le Notre Père, il y a aussi le « nous », nous demandons ensemble pour tous les hommes, afin que chacun soit nourri. L’humanité est considérée comme une grande famille.

7/ L’auteur des Proverbes privilégie un plat de légumes là où il y a de l’amour plutôt qu’un bœuf gras assaisonné de haine.

Le livre des Proverbes nous signale ce qui est préférable, tout en nous invitant au discernement. On trouve cela en Pr 15,16-17 : « 16 Mieux vaut peu de biens avec la crainte du SEIGNEUR qu’un grand trésor avec du tracas. 17 Mieux vaut un plat de légumes là où il y a de l’amour qu’un boeuf gras assaisonné de haine. »

Encore une fois, on estime que ce qui est normal, c’est une nourriture simple (un plat de légumes). Le bœuf gras peut aussi entrer dans un menu bien sûr, mais il faudra s’assurer qu’il n’y ait pas de la haine ou du non-respect d’autrui.

Quiz et commentaire réalisés pour Action de Carême

par Monique Dorsaz et Vincent Lafargue

Egalement publié sur le site d’Action de Carême

et dans « Ecritures » 2015-1