Nerve

Photo DR : allocine.fr

Film américain de Ariel Schulman et Henri Joost (sortie 24 août 2016)

Avec Emma Roberts, Dave Franco, Emily Meade

Voici une nouvelle version moderne du « Prix du danger ». Comme pour « Hunger Games », nous avons affaire ici à un jeu télévisé qui entraîne toujours plus loin celles et ceux qui ont le malheur d’y prendre part. Un genre qui fait fureur chez les ados ces dernières années, mais aussi chez bien des adultes, sans forcément qu’on en décode la critique pourtant aveuglante de notre société de « reality shows ». Plusieurs spécificités font de « Nerve » une belle réussite et lui assurent une place à part dans la liste de ces films-là.

L’histoire d’un jeu

L’histoire, tout d’abord, qui est joliment actualisée. Un jeu pour téléphones portables vous emmène, si vous acceptez ses défis régulièrement lancés sur votre écran, à parcourir la ville à la recherche de choses à faire ou à filmer. Comment ne pas penser au jeu « PokémonGo » de cet été, et à ses dérives déjà dramatiques en termes d’accidents sur la voie publique ? Chaque défi réussi vous fait gagner en notoriété et vous offre également des récompenses sous la forme de versements financiers de plus en plus importants. Vous pouvez arrêter à tout moment… mais vous perdez tout. Il y a deux catégories de participants – du moins le croit-on au départ : les voyeurs et les joueurs. Les voyeurs sont censés filmer les joueurs qui, eux, doivent réaliser les défis imaginés en temps réel par les concepteurs du jeu.

Cela va emmener Vee, jeune fille de nature pourtant réservée, parfaitement interprétée par Emma Roberts (nièce de Julia), à se dépasser dans des défis toujours plus incongrus, toujours plus irréfléchis, jusqu’à se mettre gravement en danger tout en ayant un nombre croissant de fans qui la suivent… Mais quand le virtuel débouche gravement dans le réel, l’écran explose en mille morceaux comme la vie de ceux qui se croyaient bien en sécurité derrière. Comme le dit la bande-annonce francophone : un jeu qui ressemble à « Action-Vérité », mais sans la vérité.

Le film est américain, il ne peut finir en drame. Mais il va nous emmener aux frontières du drame et surtout pointer du doigt ce que cela peut donner dans notre « vraie vie », de jeux télévisés débiles en applications smartphones vicieuses et périlleuses.

Si l’on s’arrêtait là, on aurait un film honnête. Mais il y a l’image.

Un esthétique surprenante

Pas simple d’entrer dans ce qu’ont voulu le directeur-photo, Michael Simmonds, et le directeur artistique, Marc Benacerraf, si vous n’êtes pas né avec un écran (tactile) dans le berceau. Mais cela donne une 4e dimension fort peu utilisée au cinéma jusqu’ici : le spectateur est à de nombreuses reprises derrière l’écran du téléphone ou de l’ordinateur, en transparence. On se croit dans le rôle des « voyeurs », mais le metteur en scène va très rapidement nous mettre, en réalité, dans le rôle décalé et manipulateur des concepteurs du jeu qui observent, eux aussi, leurs héros.

L’esthétique de cette oeuvre y gagne pour atteindre quelque chose qui rappelle l’excellent « War Games » des années 80 : une quête dans laquelle les chercheurs deviennent les proies par écrans interposés.

Des valeurs chrétiennes

Les valeurs qui sont mises à mal avant d’être sublimées se retrouvent dans la plupart des films américains « pour ados » de ces dernières années. D’abord l’importance de la relation, de la vérité. Ce qui se joue entre Vee et sa meilleure amie passe par la jalousie et le pardon, il y aurait beaucoup à dire. Le danger, aussi, de se jeter à corps perdu (c’est le cas de le dire) dans un lien avec un parfait inconnu. La fidélité est sublimée, comme souvent.

Mais il y a plus intéressant : le rapport à l’audace. Voilà une qualité dont les deux faces se contredisent et que nos jeunes ont bien du mal à décrypter. La bonne audace est celle qui nous rend meilleurs, qui nous fait agir pour le bien commun. Mais il existe une audace malsaine et ce film la démasque parfaitement bien : celle qui nous ferait faire n’importe quoi sans réfléchir, par défi, par vengeance, voire par (supposé) amour.

A voir si l’on aime le genre, mais aussi pour réfléchir – en tirant quelques lignes devant nous – à l’endroit où veulent nous mener bien malgré nous les concepteurs des jeux télévisés actuels.

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