Si belle impureté !

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Homélie pour la fête de la Présentation du Seigneur

Malachie 3,1-4 / Psaume 23(24) / Hébreux 2,14-18 / Luc 2,22-40

Chers Amis,

J’étais à la maternité vendredi, au CHUV de Lausanne… Non je vous rassure, je vis très bien mon célibat, n’ayez crainte. Je suis allé voir le petit Elie, né d’un couple de très grands amis dont j’ai concélébré le mariage il y a deux ans.

Il avait 36 heures de vie, ce petit bonhomme. Et autour de lui, dans cette chambre, il y avait un mystère.

Quand il y a du sacré, vous avez remarqué, on marque une certaine distance respectueuse. On contemple, on admire, on rend grâce à Dieu pour sa présence. On n’ose pas toucher.

Et donc – je vais vous choquer – il y avait de l’impureté dans cette chambre de la maternité.

Oui mais au sens où on prenait ce mot à l’époque de Jésus, et avant aussi. Au sens qu’a ce mot dans l’Ancien Testament.

Nous avons complètement renversé le sens de ce mot « impur ». Pour nous, quand on nous dit « impur » ou « impureté » on pense « sale » ou « saleté ».

Or, me direz-vous, quoi de plus propre qu’une chambre d’hôpital, quoi de plus beau qu’un tout petit bébé dans les bras de ses parents ? C’est impur, ça ? Non mais des choses pareilles !

Attention, chers Amis, « impur » ne veut pas dire cela du tout, dans la Bible. Et c’est l’un des sens de la fête d’aujourd’hui, la Chandeleur, la présentation de Jésus au temple, sauf que nous l’avons complètement oublié, ce sens-là.

La présentation d’un bébé au temple, 40 jours après sa naissance – or nous sommes bien 40 jours après Noël – c’est d’abord la purification de la mère. Marie est venue se faire purifier au Temple.

Et là encore, avec notre vision à nous, on bondit : « Quoi ? Mais Marie-la-toute-pure n’a aucun besoin d’être purifiée ! »

Vous croyez ? Attendez, vous serez encore plus choqués quand je vous aurai rappelé que, selon l’Ancien testament, si Marie avait accouché d’une fille elle serait restée impure presque deux fois plus longtemps, et au lieu des 40 jours qui nous séparent de Noël, elle aurait dû attendre 77 jours pour aller se faire purifier au temple.

Et vous sauterez carrément au plafond quand je vous aurai rappelé que – toujours dans la Bible – une femme est impure, pendant ses jeunes années en tout cas, quelques jours chaque mois, tant qu’elle peut donner la vie.

Je vous entends d’ici Mesdemoiselles et Mesdames : « Ah voilà bien l’Eglise ! Misogyne, comme d’habitude ! Les filles trinquent plus que les garçons, ben bravo ! »

Alors que c’est l’exact contraire, figurez-vous.

Vous ne me croyez pas ? Je vais vous montrer quelque chose…

[va chercher le purificatoire]

Vous savez comment on appelle ceci ? Le PURIFICATOIRE. Parce que c’est le linge qui sert à PURIFIER le Calice APRES qu’il ait contenu le sang du Christ.

Là normalement vous devriez sauter en l’air !!

« Quoi !? Le calice qui vient de contenir le sang du Christ est IMPUR et il faut le PURIFIER ? »

Exactement.

Parce que le mot « impur » signifie d’abord « qui contient une force qui nous dépasse ». et « purifier », c’est rendre à son usage normal, c’est permettre à nouveau de toucher, de s’approcher de l’objet qui a contenu une force sacrée qui nous dépassait.

L’objet… ou la personne. Une femme qui donne la vie est impure au sens où elle vient de contenir la force la plus sacrée qui soit, elle est intouchable au BEAU sens du terme.

Et mesdemoiselles et mesdames, dans la loi juive, si vous êtes en âge de donner la vie, vous êtes impure chaque mois quelques jours. Ça n’a rien de SALE, quelle horreur ! C’est extrêmement BEAU au contraire ! Et c’est ce que dit l’ancienne loi que nous avons complètement oubliée.

Aux hommes, on demandait de ne pas toucher une femme pendant ces quelques jours. Parce qu’elle contient une force sacrée, divine.

Et c’est pour cela qu’on symbolise parfois le féminin par un CALICE. Ça n’a rien à voir avec les théories à deux balles du Da Vinci Code, c’est simplement parce que le Calice contient le sang sacré qui donne la vie éternelle, lors de l’Eucharistie. Exactement comme vous, mesdemoiselles, mesdames, contenez le sang sacré qui donne la vie, notre vie à nous, êtres humains.

Le prêtre PURIFIE le calice après l’Eucharistie pour le rendre à la vie normale, pour qu’il puisse désormais être touché, rangé. Les prêtres du temple purifiaient les mères après leur accouchement pour marquer la fin de cette période pendant laquelle leur corps a mis toutes ses forces pour donner la vie.

Alors vous comprenez maintenant pourquoi c’est très beau qu’une femme reste impure deux fois plus de temps si elle a mis au monde une fille !

Avec le décodeur ça signifie qu’elle a mis au monde une fille qui, contrairement à un garçon, va à son tour porter en elle ce sang sacré qui donne la vie.

Elle est donc deux fois plus longtemps respectable, intouchable au beau sens du terme.

Evidemment ça change tout ! L’impureté, vue comme cela, c’est un concept magnifique.

Dieu a voulu que les hommes soient de chair et de sang, comme le disait la lettre aux Hébreux, notre deuxième lecture.

Malachie, le prophète que nous lisions en première lecture, parlait lui aussi du pur et de l’impur, en comparant tout cela à une force qui nous dépasse.

Et en ce dimanche où nous fêtons aussi l’apostolat des laïcs, votre fête à tous, j’aimerais tant que vous, les femmes, vous qui êtes tellement précieuses à nos communautés, vous compreniez à quel point notre théologie n’est pas misogyne mais au contraire à quel point elle vous place haut dans l’idéal de ce Dieu qui sait que vous portez la vie.

C’est la bêtise des êtres humains qui change le sens des mots au point d’en pervertir la beauté première.

Il y avait de l’impureté dans cette chambre d’hôpital, au très beau et très noble sens du mot. Je n’ai embrassé mes deux amis qu’avec retenue, touché cet enfant qu’avec un immense respect. Ce respect pour la vie qui devrait aller de soi – tout particulièrement dès les tout débuts de la vie – et ce respect pour les femmes qui devrait nous habiter plus souvent, Messieurs.

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Champex, samedi 1er février 2014, 17.00

Ollon, dimanche 2 février 2014, 9.00

Sanctuaire de Crételles, dimanche 2 février, 10.30

Nyon, messe des jeunes, dimanche 2 février, 19.00