Essayons d’être UN et parlons hébreu

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Photo DR : jw.org – le nom de Dieu écrit en hébreu

 

Homélie pour le 31e dimanche TO, année B

 

Deutéronome 6,2-6 / Psaume 118  /  Hébreux 7,23-28 / Marc 12,28b-34

 

NB : en 2021, l’abbé Vincent n’a pas prêché en paroisse ce week-end. Voici une homélie tirée des mêmes textes il y a trois ans.

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Je commence par une petite anecdote. Elle est arrivée à l’un de mes confrères il y a quelques années dans une abbaye en France. Il arrive et accueilli par le père abbé, il lui demande :

–       Combien êtes-vous encore, dans cette abbaye ?

Le père abbé a eu une réponse sublime, il lui a dit :

–       Mon frère, nous essayons d’être UN.

 

En cela, ce père abbé avait parfaitement compris et intégré les textes de ce matin. Parce que c’est cela, le fil rouge : essayer d’être UN.

 

Commençons par le deuxième, la lettre aux Hébreux, qui nous expliquait qu’avant il y avait une multitude de grands-prêtres et qu’aujourd’hui il n’y en a plus qu’un, le Christ, le seul Grand-Prêtre. Et tous vos prêtres, les évêques, le pape, nous faisons UN avec lui quand nous célébrons. A chaque fois que nous portons notre étole nous essayons de faire UN avec le Christ.

 

Et il y avait ce premier texte, le texte du Deutéronome. Vous ne le savez peut-être pas mais c’est un texte sacré, l’un des plus sacrés pour les Juifs, cet extrait que nous avons entendu ce matin. Ils redisent une partie de ce texte tous les matins et tous les soirs.

 

Et donc Jésus répétait ce texte tous les matins et tous les soirs, on a un peu tendance à oublier qu’il était juif…

 

Ce passage du Deutéronome que répètent les Juifs, que nous les religieux nous répétons aussi d’ailleurs chaque samedi soir à l’office des Complies, ce passage dit : « Ecoute Israël, le Seigneur ton Dieu est UN. »

 

Bon, là je vous l’ai dit en français, mais dans la langue de Jésus c’est tellement beau :

Shma Yisraël, Adonaï Eloïnou, Adonaï Echad !

 

C’est beau, l’hébreu ! C’était la langue de Jésus.

 

Certaines de nos Bibles traduisent par « unique » – c’est ce que vous avez entendu : « le Seigneur est l’Unique » – d’autres traduisent par : « Le Seigneur est UN ».

 

Et en fait on peut faire les deux, parce que le mot hébreu est intraduisible. Il veut dire à la fois « unique » et à la fois « un ».

 

Notre Seigneur est à la fois le seul, l’unique, et à la fois il est UN, unifié en lui-même. Il est le TOUT, même s’il a trois visages.

 

Et puis le Deutéronome ajoute : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. »

 

Et alors là, je vais vous emmener faire un tout petit peu d’hébreu. Parce que, pour bien comprendre cette phrase, il faut connaître le sens de trois mots.

 

Le CŒUR, pour les Hébreux, c’est le lieu de l’intelligence, c’est le lieu où l’on réfléchit.

 

Pour nous, ce serait [montrant le front] là, le cœur. C’est bizarre, hein ? Mais c’est comme ça. Quand un Hébreu parle du cœur, il parle du lieu où l’on réfléchit, où l’on pense.

 

L’ÂME, pour un Hébreu, c’est le souffle de vie, ce qui sort de notre bouche et de nos narines. Ce serait plutôt [montrant nez et bouche] ici, l’âme.

 

Et la FORCE, pour un Hébreu, c’est tout ce que nous avons [montrant le coeur] là. C’est… nos passions, l’Amour, le courage, la volonté, tout ce que nous avons dans le cœur.

 

[refaisant les trois gestes] Tu aimeras le Seigneur de tout ton coeur… de toute ton âme… de toute ta force.

 

 

Ça ne vous rappelle rien…?

 

Vous venez de faire ces trois gestes. Nous les faisons au début de chaque Evangile.

 

Nous nous faisons une croix sur le front, une sur la bouche, une sur le cœur, sans savoir que cela vient précisément de ce texte-là.

 

Nous, nous disons « Gloire à toi Seigneur », et c’est très bien parce que cela veut dire que nous reconnaissons que la Parole que nous allons entendre vient de notre Seigneur, et nous lui rendons gloire.

 

Mais nous pouvons aussi dire, comme certains le font :

 

Que ta parole soit…

[refaisant les gestes] :

dans mon ESPRIT pour que je la comprenne bien

sur ma BOUCHE pour que je puisse la redire autour de moi

et dans mon CŒUR pour que je la conserve à tout jamais

 

C’est le sens premier de ces trois gestes, vous y penserez, désormais…

 

Tout cela, c’est dans le Deutéronome, chapitre 6, versets 4 et 5, texte sacré pour les Juifs.

 

Et si vous avez bien écouté l’Evangile, quand le scribe demande à Jésus de lui redire quel est le plus important de tous les commandements – il s’attend à entendre cela, évidemment ! – Jésus le redit mais il ajoute quelque chose.

 

Ah, évidemment, il fallait être attentif…

 

Jésus lui dit « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, DE TOUT TON ESPRIT et de toute ta force… »

 

Et quand la Bible reprend un texte en ajoutant quelque chose, ça n’est jamais innocent. A fortiori, si c’est Jésus qui le fait.

 

Il sait qu’il est venu nous donner l’Esprit. Et que nous avons cela, en plus désormais, en nous. Pour comprendre sa Parole, pour l’intégrer, pour en vivre, pour nous aider dans nos vies respectives.

 

C’est aussi grâce à cet Esprit Saint que nous pouvons aimer désormais notre Dieu. D’où notre devoir de prendre cet Esprit – que nous avons reçu au baptême – au sérieux : il habite en nous.

 

Et puis Jésus ajoute aussi autre chose… et vous l’avez ré-entendu : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

 

Aimer son prochain, on voit assez ce que cela signifie. Les bulletins de versement que nous recevons presque tous les jours nous le rappellent. Et c’est important d’aimer son prochain.

 

Mais Jésus n’arrête pas là sa phrase, et on aurait tendance à oublier la deuxième partie « aime ton prochain COMME TOI-MÊME ! »

 

Ce qui veut dire : « Prends soin de TOI aussi, fais attention à ton attitude, à tes pensées, à ton apparence. Aime le calme, le silence, les belles choses, les bons sentiments. Parce qu’alors c’est comme ça que tu vas aimer ton prochain, aussi. »

 

Au contraire, si tu te dénigres toi-même, si tu passes tes journées à te dire « ah mais je suis trop bête, mais je suis trop nul, mais quel imbécile… » eh bien c’est comme ça que tu risques d’aimer ton prochain, aussi…

 

Aime ton prochain comme toi-même…

 

On devrait y penser plus souvent. Il ne s’agit pas de se poser devant la glace et de dire « Je suis le meilleur » ou « Je suis la plus belle… » …même si c’est vrai, Mesdames !

 

Il ne s’agit pas de faire ça. C’est pas ça, s’aimer soi-même, au sens où Jésus le dit. C’est avoir de l’indulgence envers soi-même. Etre bienveillant envers soi-même. Etre tolérant envers soi-même, alors nous serons de même pour les autres.

 

Voilà chers Amis. Pour résumer tout cela, je vais demander à Lorine et à Elsa de vous distribuer maintenant une petite feuille, parce que je vous connais – et je suis comme vous – dès la sortie de la messe vous allez oublier ce que c’est qui était là, là, là… « il y avait le cœur, il y avait l’intelligence, dans quel ordre ça allait ? Je ne sais plus… »

 

Grâce à cette feuille vous allez pouvoir vous en souvenir et vous allez même pouvoir relire la phrase en hébreu… Je l’ai écrite en hébreu – mais ça je pense qu’il y a peu de gens parmi vous qui savent le lire d’autant que ça se lit dans l’autre sens, de droite à gauche, et puis c’est des caractères bizarres – mais j’ai mis en-dessous comment ça se prononce, comme je l’ai fait tout à l’heure. Et on va le refaire ensemble, vous allez voir, c’est pas difficile. Essayez…

 

Ecoute Israël… c’est : SHMa YiSRaëL…

–      SHMa YiSRaëL…

Le Seigneur ton Dieu… c’est : aDoNaï éloHéiNou…

–      aDoNaï éloHéiNou…

Et le Seigneur est UN… c’est : aDoNaï eCHaD…

–      aDoNaï eCHaD…

 

Et ben vous voyez, vous parlez hébreu, c’est magnifique !

 

Alors si l’on vous demande par hasard, comme à nous l’autre jour avec mes parents, quand il y a une naissance dans votre famille : « Alors, vous êtes combien maintenant ? », eh bien vous pouvez aussi répondre : « Vous savez, nous essayons d’être UN. ».

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Hérémence, dimanche 4 novembre 2018, 9.00

Evolène, dimanche 4 novembre 2018, 10.30 (version enregistrée)

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Feuillet distribué :

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