Chez les Bacounis : Pierre et moi

Classé dans : Bible, Homélies, Pâques | 0
Imprimer
Photo DR : le village de Vex (www.valais-community.ch)
 

Homélie pour le 6e dimanche de Pâques, A

Actes 8,5-8.14-17 / Psaume 65 / Jean 14,15-21

AU REVOIR RENE GARESSUS, ACCUEIL VINCENT LAFARGUE

…C’est bien émouvant de vous parler ce soir, alors que vous êtes réunis pour dire au revoir à votre curé René… donc d’abord un grand MERCI René !

Ensuite MERCI de m’accueillir ce soir parmi vous ! Cela me fait chaud au coeur de voir l’enthousiasme avec lequel vous savez célébrer, dans cette vallée, fêter à la fois ceux qui partent et ceux qui arrivent. Donc grand MERCI à vous tous !

On ne se connaît pas encore, ou si peu. Un mois de stage en 2006, ça fait loin. Et puis j’étais séminariste à l’époque, insouciant, inconscient des réalités qu’un prêtre vit sur le terrain.

Il y a eu la comédie musicale « Oui » sur Marie, qui vous a présenté un petit peu de ma spiritualité mariale.

Mais deux textes d’aujourd’hui vont nous permettre de cheminer un peu plus, et pour vous, d’en savoir un peu plus sur moi.

D’abord la première lecture, les Actes des Apôtres. Une phrase me touche tout personnellement dans ce texte.

« Alors, ils leur envoyèrent Pierre et Jean. »

Lorsque j’ai été ordonné prêtre, le 13 juin 2010, avec mon confrère Sylvain Gex-Fabry, actuel curé de Salins et futur curé d’Ayent, notre évêque Norbert a fait une homélie que je n’oublierai jamais, dans laquelle il comparait mon confrère Sylvain à l’Apôtre Jean, la tête posée sur la poitrine de Jésus, doux et humble de coeur, calme, tranquille, bref, exactement ce qu’est Sylvain, et tout ce que je ne suis pas, hélas…

Et Monseigneur Norbert de me comparer à mon tour à l’Apôtre Pierre. Impulsif et fougueux lorsqu’il s’agit de défendre Jésus, un sacré tempérament, présomptueux au point de dire à Jésus qu’il préférerait mourir pour lui plutôt que de l’abandonner, mais faible au point de ne pas entendre le second chant du coq, pleurant parce qu’il trahit Jésus, et lui redisant pourtant au bord du lac, quelques jours après : Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime.

Je suis désespérément Pierre, chers Amis. Ou du moins une pâle copie qui n’aurait conservé qu’une majeure partie de ses défauts.

Avec mon sacré caractère, mon tempérament fougueux, hautement inflammable lorsqu’il s’agit de défendre mes convictions, notamment le Christ, avec mes élans, mes activités nombreuses, ma tête un peu moins grosse que quand j’étais comédien, mais qui aurait bien besoin de dégonfler encore… je me reconnais bien en Pierre.

Mais j’ai aussi gardé de Pierre mon immense amour du Christ au point de lui redire chaque jour, plusieurs fois par jour, « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ».

C’est donc un personnage au sacré caractère que vous accueillez chez vous, je vous plains

Pourtant, avec moi c’est pas bien compliqué. Si j’ai des choses à vous dire, je vous les dirai. Franchement, clairement. Un prêtre est d’abord un père, – même un bébé-prêtre comme moi – et un père peut parfois secouer un peu ceux que Dieu lui a confiés. Jamais je ne parlerai dans votre dos. Je vous dirai les choses en face, ce ne sera pas toujours facile à entendre. Mais j’attends la même chose de votre part.

Vous avez quelque chose à me dire ? Dites-le moi, même si ce n’est pas agréable à entendre.

Bon, évidemment si c’est agréable à entendre, je prends aussi, bien sûr !

Mais quelque chose vous a heurté, froissé ? Vous êtes en pétard après une homélie un peu sanguine – ça m’arrive – et vous trouvez que j’exagère ? Venez me voir. On va prendre un verre ensemble, on discute. Et inévitablement pour moi, le lendemain, c’est derrière.

Je suis franc du collier. Je serai toujours capable, dès le lendemain, de trinquer et de rire avec celui qui est venu m’engueuler la veille. Ce sera beaucoup plus difficile avec celui qui commence par écrire à l’évêque dans mon dos à mon sujet, avant de m’en parler… c’est du vécu – non, pas chez vous, rassurez-vous… Et vu mes origines basques, j’ai parfois le sang chaud vis-à-vis de ceux qui font ou disent des choses dans le dos des autres.

Chez moi, dans les montagnes qui bordent l’océan, on a le courage de dire les choses en face, ou alors on se tait. C’est comme ça que je fonctionne.

On m’a dit que dans le Val d’Hérens, et pas seulement à Evolène, on fonctionnait aussi un peu comme cela. C’est d’ailleurs aussi pour ça que j’aime les gens d’ici. Pour votre franchise. C’est tellement plus simple.

Pierre donc, premier point.

Et puis il y a l’Evangile du jour, qui m’est lui aussi personnellement très cher, car il me rappelle une autre anecdote, juste avant mon ordination.

Peu avant de devenir prêtre, nous vivons une retraite en silence pendant une semaine, accompagnés par un confrère qui nous donne quelques enseignements.

Sylvain et moi avions choisi le cadre magnifique du monastère de Géronde, et comme accompagnateur j’avais un homme très connu des Bacounis, l’abbé Michel Massy. Un Frère pour moi.
Lors de notre dernier entretien cette semaine-là, alors que nous marchions tous les deux au bord du lac de Géronde, après un moment de silence j’ai dit :

Michel, je viens de passer sept années à étudier la théologie, à apprendre ma vocation. J’ai la tête bourrée de choses utiles… ou pas. Si tu devais résumer en une seule phrase l’essentiel de ce que doit être ma vie de prêtre, la seule chose importante que je dois retenir pour essayer d’être un prêtre pas trop mauvais, qu’est-ce que tu me dirais ?

Michel n’a pas réfléchi une seule seconde, la phrase est tombée, immédiatement, de sa douce voix, et dans un sourire :

– Aime les gens !

…Aime les gens… J’ai la chance d’avoir la fougue de Pierre et, oui, j’aime profondément les gens. Parce que j’aime profondément l’être humain, cette humanité que le Christ a voulu épouser jusqu’à s’incarner, vivant le premier des deux points que nous avons tous en commun, la naissance. Puis il a partagé notre vie, ressentant comme nous des joies et des peines. Il est allé jusqu’à mourir, vivant ainsi notre deuxième point commun à tous, la mort.

Et le troisième jour il est ressuscité, pour nous apprendre que nous, les Chrétiens, nous avons un troisième point commun auquel nous croyons dur comme fer : la vie éternelle.

Alors pour conclure, quand j’ai vu que l’Evangile d’aujourd’hui nous disait « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements », j’ai eu envie de terminer en parlant à Jésus:

…Oui, Seigneur, j’aimerais te le redire du fond de mon coeur : « Je t’aime ! De toutes mes forces, de toute ma vie donnée pour toi, de tout mon coeur que tu fais battre, je t’aime ! Et j’aime profondément celles et ceux que tu me confies, paroisse après paroisse. Parce que je sais que tu es dans chaque visage. C’est donc toi que j’aime à travers chaque personne que je rencontre. Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. »

________________________________

Vex, samedi 24 mai, 19.00

Imprimer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.