Convertissons nos langues de vipères

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Homélie pour le 2e dimanche de l’Avent, A

Isaïe 11, 1-10 / Psaume 71 (72) / Romains 15, 4-9 / Matthieu 3, 1-12

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Je dois vous le dire, j’aime beaucoup les animaux. Même si je n’en ai évidemment pas avec moi, ici à la cure, ce serait beaucoup trop compliqué pour un prêtre… On fait des kilomètres, on est sans arrêt loin de la maison, ça n’irait pas du tout. Mais j’aime bien les animaux… ceci dit s’il y a un animal que je n’aime pas, personnellement, ce sont les serpents. Et notamment les vipères. Ça me glace, ça me pétrifie quand j’en vois une. Et ça m’arrive puisque je marche dans la montagne dès que les beaux jours sont revenus.

Et ça me glace encore davantage quand j’en ENTENDS une et que je ne la vois pas, ou pas tout de suite. Vous savez ce petit bruissement dans les herbes, dans les rochers en été. Parfois on voit juste le bout de la queue qui s’enfuit.

Rien que de vous en parler ce matin, ça me met la chair de poule. Et je vois à certains visages que je ne suis pas le seul.

Lorsque j’étais enfant et que je faisais des randonnées en montagne avec mes parents, quand nous abordions un pierrier, ils m’avertissaient toujours : « Tape un peu les pieds par terre… et puis tape avec ton bâton aussi ! »

Et on entendait parfois l’une ou l’autre créature s’enfuir dans les rochers.

On me disait aussi – et il faut le redire à nos enfants – de ne pas laisser traîner la main au-dessus des fentes des cailloux, bien sûr. Parce que nous le savons bien, c’est parfois justement là que se cachent les vipères.

Pourquoi est-ce que je vous parle de vipères ce matin ? Eh bien parce que ce mot, vous l’avez entendu deux fois dans les lectures qui ont été proclamées.

La première fois dans la première lecture, le livre du prophète Isaïe. Et c’est étrange parce qu’Isaïe nous annonçait une bonne nouvelle. Pourquoi nous parlait-il de vipères, de cobras, de loups… ?

Eh bien parce qu’Isaïe nous parlait du Royaume de Dieu qui est un royaume de justice, de paix. Et il utilisait ces images splendides de la nature pour nous dire que tout sera différent dans le Royaume de Dieu et que même l’enfant pourra étendre la main sur le trou de la vipère, vous l’avez entendu.

Tout comme chacune, chacun de vous, je connaîtrai un jour ce Royaume, j’y crois, nous y vivrons tous ensemble.

Ce temps qui me permettra, à moi aussi, d’étendre la main sur le trou de la vipère et de ne plus avoir peur de ces animaux qui pour l’instant ne me laissent pas bien tranquille !

Mais un deuxième texte nous parlait de vipères, l’Evangile. Pour désigner des gens cette fois-ci. C’était dans la bouche de Jean le Baptiste… et c’était beaucoup plus vache ! Enfin quand je dis « c’était beaucoup plus vache » ce n’est pas pour réutiliser une image animalière, bien sûr ! Mais Jean-Baptiste, il faut bien le reconnaître, n’y allait pas avec le dos de la cuillère !

Jean-Baptiste nous appelle vous et moi, à la conversion de notre cœur au début de cette deuxième semaine de l’Avent.

Comme si Jean-Baptiste voulait nous dire : « Vous savez, c’est bien de venir ici prier, ce matin, mais ça ne suffit pas ! Convertir son cœur, c’est parvenir à pratiquer les vertus chrétiennes là-bas, une fois qu’on a repassé la porte, dans nos villes, dans nos familles, dans nos lieux de vie, au travail, partout… »

Et pour ma part – je ne sais pas pour vous, hein ! – mais pour ma part c’est une conversion constante ! Je suis loin d’avoir fini ! Je crois d’ailleurs que c’est le travail de toute une vie de convertir son coeur…

Et Jean-Baptiste, vous l’avez entendu, critique assez fortement ceux qui agissent bien en apparence mais qui sont mauvais au fond de leur cœur. Ceux qui ont un double langage, en quelque sorte. Vous savez, ceux qui vous font un grand sourire par devant et qui vous critiquent, dès que vous avez le dos tourné.

On les appelle parfois les « langues de vipères ». Comme par hasard.

Alors, vous me direz : c’est pas facile de les reconnaître, justement parce que ce sont des personnes qui sont très gentilles en apparence, face à nous. Qui nous sourient quand elles nous rencontrent. Qui nous disent tout le bien qu’elles pensent de nous. Comment les différencier des vrais gentils ? Pas facile !

Je vais vous donner un truc imparable, comme taper avec le bâton pour les vipères dans les pierriers. Un truc imparable pour les repérer, ces personnes. Et j’espère que ça vous servira autant qu’à moi dans mes journées. Ça fait de nombreuses années que je l’applique et ça ne rate quasiment jamais.

Une « langue de vipère », Chers Amis, c’est une personne qui l’est aussi face à vous. Mais au sujet de quelqu’un d’autre.

C’est une personne qui va vous dire tout le bien qu’elle pense de vous mais, en même temps, qui va vous dire tout le mal qu’elle pense d’autres personnes, qui ne ratera jamais une occasion de vous raconter le dernier ragot qui se propage dans les rues, la dernière rumeur au sujet de telle ou telle personnalité plus ou moins publique…

Vous la visualisez, cette personne ? Je suis sûr que vous en connaissez aussi, tout comme moi…

Eh bien ces gens si bien intentionnés qui vous disent tout le bien qu’ils pensent de vous mais qui crachent sur tous les autres… il y a fort à parier qu’ils font la même chose à votre sujet quand ils sont avec les autres…

Eh oui. Si elles sont capables, ces personnes, de dire du mal des autres tout en vous faisant un grand sourire, c’est quand elles font des grands sourires aux autres que vous pouvez vous faire du souci…

Et pour les calmer, pour les convertir, parce que c’est aussi le but, évidemment, de convertir leur cœur aussi, à ces personnes-là, eh bien la prochaine fois qu’elles vous disent du mal de quelqu’un ou qu’elles vous racontent une rumeur ou un ragot, vous pourrez leur dire ceci : « Tu es bien dur avec cette personne… Je n’aimerais pas qu’on parle de toi ainsi quand tu as le dos tourné… »

« Tu es bien dur avec cette personne… Je n’aimerais pas qu’on parle de toi ainsi quand tu as le dos tourné… »

…Vous essaierez, vous verrez, ça calme. Et ça convertit !

Si l’Evangile nous parle de vipères en tant que personnes c’est aussi, Chers Amis, pour que nous puissions nous convertir. Nous.

Parce qu’il faut bien reconnaître que ça nous arrive aussi, à nous, d’avoir la langue fourchue de temps en temps, de dire « oui » alors qu’on pense « non ». De rapporter une rumeur…

Or il faut nous préparer à accueillir le Christ à Noël en étant en union les uns avec les autres, comme disait Paul dans la deuxième lecture, il faut l’accueillir d’un même cœur, d’une même voix, d’une seule voix.

Et non pas avec la langue qui part à gauche et à droite, comme celle des serpents. D’une seule voix…

Et ça me rappelle toujours ces personnes qui ont un double langage, gentil par devant et fourbe par derrière.

Or il nous faut parler d’une seule voix, ça c’est la vraie conversion des cœurs.

Et quand je parlais de ces personnes gentilles avec vous mais qui critiquent les autres, peut-être que – comme moi – un instant vous vous êtes aussi reconnus.

Parce que ça arrive à la plupart d’entre nous de critiquer quelqu’un face à nos amis ou à une table de bistrot. C’est tellement vite fait. Reconnaissons-le ! Et convertir nos cœurs, ça passe aussi par la purification de ces attitudes-là.

Ce serait beau si, dans nos lieux de vie, à chaque fois que nous avons envie de dire du mal de quelqu’un, nous commencions par en dire du bien !

Et ça, c’est le meilleur des remèdes que je peux vous donner ce matin. Essayez, ça change les cœurs ! Vous avez envie de dire du mal de quelqu’un ? Commencez par chercher dans votre tête ce que vous pouvez dire de bien sur cette personne. Et dites-le. Vous verrez, ça change tout. Et ça va changer la discussion autour de vous.

Quand nous avons envie de médire, de répandre une rumeur, de mal parler de quelqu’un souvenons-nous de tout cela, commençons par en dire du bien.

Ou alors, si on n’y arrive vraiment pas, eh bien taisons-nous, ce ne sera déjà pas si mal.

C’est en nous convertissant les uns les autres que nous construirons ensemble le Royaume de Dieu, Chers Amis. Et ça, ça commence tout à l’heure, là-bas sur le parvis ou au café. Parce que c’est très souvent là qu’on dit le plus facilement du mal de ceux qui ne sont pas là.

Alors laissons les vipères dans les lieux arides où aucun fruit ne pousse. Si elles s’y sentent bien, c’est précisément parce que leur langue fourchue ne produit rien de bon.

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Bex, samedi 7 décembre 2019, 18.00

Aigle, dimanche 8 décembre 2019, 10.00 (version enregistrée)

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  1. Hermine Pralong

    Cher Vincent, je trouve ton homélie de hier très juste, et je pense que je fais bien d’éviter de rester sur le parvis et de rencontrer tant de gens dans les rues. Par contre, je pense qu’en ce moment tu es certainement victime de  » langues de vipères  » puisque tu dois renoncer à plusieurs de tes activités ! C’est fort dommage. Bien en pensées avec toi. Hermine

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