Lincoln

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Photo DR : www.allocine.fr
 

Film américain de Steven Spielberg (sortie 30 janvier 2013)

Avec Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn et Tommy Lee Jones

Porté par un Daniel Day-Lewis habité par le personnage, et par un étonnant et émouvant Tommy Lee Jones malheureusement sous-employé dans cette oeuvre, « Lincoln » ne se laisse pas facilement étiqueter « biopic ». Loin d’être une biographie, c’est un film sur l’abolition de l’esclavage – le fameux XIIIe amendement américain – et la fin de la guerre de Sécession, et sur la bataille juridique qui s’est jouée autour de la notion d’égalité entre les êtres humains. Cela permet habilement de raconter les quatre derniers mois de la vie d’Abraham Lincoln.

Les artisans de l’ombre

Janusz Kaminski à la photo, Rick Carter aux décors, John Williams à la musique, Michael Kahn au montage – les éternels complices de Spielberg – façonnent un film dont la « patte Spielberg » est sensible du début à la fin. Steven Spielberg signe un long-métrage « non-popcorn », comme il le dit parfois de ses films « sérieux », adaptant une partie de la bible « Lincoln », un livre de près de mille pages écrit par Doris Kearns Goodwin. Le scénario signé Tony Kushner est fait de longues répliques et n’est pas facile d’accès, mais d’une grande richesse.

Parmi ces artisans de l’ombre, si Williams signe une musique symphonique convenue, sans ces grands thèmes qui nous restent habituellement dans l’oreille, l’attention est à porter tout spécialement sur Janusz Kaminiski et sur Rick Carter. Le décor est un véritable personnage du film. On y respire véritablement la poussière sur les vieux meubles, les fumées des cigares majestueusement mises en lumière, l’atmosphère étouffante d’une Amérique esclave de l’esclavage… on se prendrait même à tousser. L’ancien monde perruqué des inégalités est parfaitement servi par ces deux remarquables techniciens. Et à propos de perruque, Tommy Lee Jones symbolise à sa manière, à la toute fin du film, cet ancien monde poussiéreux qu’on met de côté.

Regard chrétien

Voilà pour le regard technique. Le regard chrétien, lui, se pose avec beaucoup d’intérêt sur cette oeuvre. C’est d’abord un combat pour la paix, avec tout ce que cette double expression comporte d’ambigu. Oui, il faut parfois se battre, ruser, mentir pour parvenir à la paix. Le film le montre parfaitement bien, notamment au travers des personnages de Lincoln, de Seward (Strathairn) et surtout de Stevens (Jones). Une fin ne justifie pas tous les moyens pour y parvenir, mais elle a parfois besoin d’emprunter certains chemins de traverse.

Les deux camps chrétiens sont intéressants aussi. Car c’est au nom du même Dieu confisqué et récupéré que certains chrétiens défendent l’esclavage, lors même que d’autres souhaitent l’abolir. Les répliques à ce sujet sont d’une violence redoutable, reprenant les arguments de l’époque. Les « c’est Dieu qui nous a créés ainsi » et autres « c’est une loi naturelle » face aux revendications justifiées d’une égalité bien comprise font passablement réfléchir et colorent de manière piquante certains débats médiatiques actuels.

Une fois de plus, la peur est mise en lumière de façon remarquable. Cette peur du lendemain qui va jusqu’à dissuader certains d’arrêter une guerre parce qu’on ne sait pas comment on va pouvoir vivre ensuite. Mieux vaut donc continuer, quels que soient les centaines de milliers de morts. La peur de l’autre, aussi, évidemment.

Figure christique

Enfin, il n’échappera pas au regard chrétien que Spielberg brosse le portrait du président Lincoln de manière messianique, et même christique, ce qui est plus étonnant de la part du réalisateur de religion juive. Là où même les siens abandonnent le président – mention spéciale à Sally Field qui campe la folie de Mary Lincoln de manière convaincante, sans exagération – Lincoln avance, de sa démarche douce et tranquille. « Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin… » (Luc 4,30) est le verset que j’avais en tête tout au long du film. Lincoln semble tellement calme, serein, tout en portant en lui, inexorablement, le salut. Tout le monde attend la mort du président, à la fin du film. Le génie de Spielberg est de l’avoir évoquée sans montrer l’attentat, et de terminer par une ultime scène où Lincoln, debout, dans une lumière impressionnante de ressuscité, fait l’un de ses plus fameux discours en forme de testament.

A voir pour mieux comprendre ce pan d’histoire, cette égalité qu’on nous ressort aujourd’hui à qui mieux mieux sans en mesurer le prix de l’acquisition. Et à voir en grand, naturellement, dans les premiers rangs d’un bon cinéma.

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