Si Jésus revenait, que renverserait-il ?

Photo DR : neospirit.fr

Homélie pour le 3e dimanche Carême B

Exode 20,1-17 / Psaume 18b / 1Corinthiens 1,22-25 / Jean 2,13-25

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Chers Amis,

Il y a quelques années, avec un magnifique groupe de jeunes, nous avons monté une comédie musicale sur Marie. Ça s’appelait « Oui ».

Nous jouions dans les églises, nous sommes d’ailleurs venus la représenter dans le Val d’Hérens, dans les paroisses qui nous ont accueillis, Vex et St Martin.

Et à l’entracte de ce spectacle, nous placions quelques tables à l’entrée des églises avec des boissons et des gâteaux.

Et à la fin de l’entracte, nous faisions arriver Jésus depuis la rue, en hurlant : « Enlevez cela de la maison de mon Père, n’en faites pas une maison de commerce ! » Et il renversait violemment ce qui se trouvait encore sur la table, devant les yeux pétrifiés des spectateurs qui étaient là.

C’était notre manière d’illustrer l’épisode des marchands du temple, que nous venons de réentendre dans l’Evangile d’aujourd’hui.

Alors, c’était assez comique, parce qu’il y avait ceux qui comprenaient tout de suite de quoi il s’agissait… et puis il y avait les autres ! Nous avons eu des réactions étonnantes… Une dame qui s’est approchée de moi et qui m’a demandé si je voulais qu’on appelle la police. Un homme, une autre fois, dans une autre paroisse, qui s’est penché vers son épouse en lui disant : « Vraiment, l’alcool, ça fait des ravages !« …

Notre pauvre comédien qui jouait Jésus en a vu des vertes et des pas-mûres par rapport à ceux qui ne le reconnaissaient pas tout de suite…

Nous avions volontairement joué la carte de la provocation. Mais plus les représentations avançaient – nous avons joué ce spectacle pendant une année entière en Suisse Romande – plus je m’interrogeais : si Jésus revenait aujourd’hui, dans nos églises… qu’est-ce qu’il renverserait ? Quelles idoles ? (strictement interdites par le commandement de notre première lecture, au passage) Et si nous regardons autour de nous, il y en a quand même quelques-unes, de ces idoles… Accepterait-il qu’on ait représenté sa mère ?

Quels motifs de commerce renverserait-il, dans nos églises ? Accepterait-il que les tables d’entrée de nos paroisses soient parfois remplies davantage par des bulletins de versement que par des prières ?

Je m’interrogeais aussi plus profondément en voyant la réaction apeurée des gens qui prenaient notre comédien pour un fou : si Jésus revenait aujourd’hui, quel visage prendrait-il ?

Quelle serait notre réaction si Jésus revenait avec le même visage que celui qu’il avait eu au Temple ce jour-là, celui d’un homme en colère qui se tiendrait là, sur le parvis, en nous hurlant dessus…

Quelle serait notre réaction ? Est-ce que nous nous prosternerions devant lui comme devant les ostensoirs de nos adorations ou est-ce que nous aurions peur ? Est-ce que nous appellerions la police ? Est-ce que nous le croirions aviné ?

Paul, dans la deuxième lecture, nous donnait une partie de la réponse : les uns attendent un signe miraculeux, disait Paul… peut-être est-ce notre cas… les autres cherchent une sagesse, disait Paul, peut-être est-ce le cas de quelques autres d’entre vous… mais nous, les Chrétiens, nous proclamons une folie, disait encore Paul.

Un messie crucifié c’est une folie.

Un fils de Dieu qui entre dans le Temple et chasse les gens à coup de fouet, c’est une folie.

Un homme qui donne sa vie par amour pour nous, c’est la plus belle des folies.

Est-ce que nous reconnaissons la folie de Dieu dans nos vies, Chers Amis ? Ou est-ce que nous avons une foi bien rationnelle, bien entre les clous ?

Cette folie passe peut-être par des visages dont nous ne soupçonnons même pas la divinité, la présence de Dieu derrière des yeux, une bouche, une parole – même si c’est une parole de colère…

Dans l’Evangile, alors que les Juifs ne comprennent pas ce que Jésus a voulu dire lorsqu’il dit « Détruisez ce Temple et moi je le rebâtirai en trois jours« , Jésus nous dit qu’il parlait de son corps.

Alors chers Amis, interrogeons-nous sur le visage de Dieu dans nos vies, qui passe par des corps, les corps de ceux que nous connaissons, que nous côtoyons…

Nous avons fait de Dieu, parfois, des idoles. Tant de statues, tant d’icônes, tant de tableaux… mais s’il avait le visage de cet homme un peu fou, rejeté de nos communautés, contre lequel on va jusqu’à appeler la police ? Si c’était lui, Jésus, revenu dans notre monde ?

Reconnaître Dieu dans le visage de chacun, Chers Amis, même et surtout dans le visage de celui qui nous énerve, de celui qui nous fait peur, de celui qui nous semble fou… reconnaître Dieu dans chaque visage, voilà un joli travail pour notre Carême.

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Vex, samedi 3 mars 2018, 18.30

Hérémence, dimanche 4 mars 2018, 9.00

Et jadis dans une version assez semblable :

Hérémence, dimanche 8 mars 2015, 9.00 (version enregistrée)