Veiller et s’habiller le coeur

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Photo DR : www.interbible.org

Homélie pour le 19e dimanche TO, année C

Sagesse 18,6-9 / Psaume 32 / Hébreux 11, 1-2.8-19 / Luc 12, 32-48

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Bien Chers Amis,

J’aimerais d’abord vous partager un souvenir. Il y a quelques années, quand j’étais au séminaire, le chanoine Jean Emonet vivait avec nous. Et Jean aimait bien ce texte sur la veille, et il nous disait : « Est-ce que vraiment vous attendez le Seigneur ? Il peut revenir là, là dans deux secondes… [geste comptant les deux secondes…] Eh non ! Peut-être dans dix minutes… ? Peut-être dans une heure… ? Peut-être dans mille ans ! Est-ce que vous êtes prêts ? Est-ce que vous l’attendez vraiment ? Ou est-ce que vous vous dites : ‘ouais, le plus tard possible, tant qu’à faire !’ Il peut revenir là, tout de suite, maintenant ! Est-ce que nous y sommes prêts ? »

Nous sommes toutes et tous allés – de manière plus ou moins nombreuse suivant l’âge que nous portons – à des obsèques. Ce n’est jamais un moment très facile, très drôle…

Et à chaque fois ou presque, une petite question nous titille. Qui sera le prochain ? Moi, peut-être ? Et si c’était moi ?

Dans l’Evangile de ce jour, le Christ nous donne une réponse qui nous fait froid dans le dos, en général : « Veillez… car je viendrai à l’improviste. Je viendrai comme un voleur, non pas comme un méchant qui vient en traître, mais à un moment inattendu tout de même, pour avoir le plaisir de constater que vous m’attendez. C’est tellement bon d’être désiré, d’être attendu. »

Veillez… Qu’est-ce donc que veiller ?

Les jeunes du camp vocation qui débutera tout à l’heure auront l’occasion d’éprouver la veille, pendant toute une nuit. Mais la veille dure bien plus qu’une nuit, elle est le travail de toute une vie. Qu’est-ce donc que veiller ?

L’auteur du Petit Prince résumait cela dans une formule que j’aime beaucoup : attendre un ami dont on sait qu’il vient c’est s’habiller le coeur. S’habiller le cœur, voilà une bonne définition de la veille !

Vous me direz qu’on a autre chose à faire que de se préparer toute notre vie au jour de notre mort. Vous aurez raison ! Celui qui ne pense qu’à sa mort tout au long de sa vie n’a pas vraiment vécu.

Mais comme ce jour sera presque forcément inattendu, je vous rétorquerai qu’il vaut mieux s’habiller le coeur tout de suite.

C’est d’ailleurs ce que vous êtes venus faire, ce matin, à la messe. Ce que vous venez régulièrement faire. Rencontrer Dieu dans sa parole, dans son eucharistie, pour vous préparer toujours mieux au jour où vous le rencontrerez vraiment.

Avons-nous conscience d’être créés pour cette rencontre exceptionnelle ? Avons-nous vraiment cet espoir chevillé au corps et au coeur, cet espoir de rencontrer Dieu face à face, un jour ? Je l’espère, car cet espoir, cette espérance, fait partie de notre foi.

Tous les textes de ce jour nous parlaient de cette espérance et de cette foi qui sont indissociables l’une de l’autre.

Nous espérons de nombreuses fois dans nos vies. Et même les plus petits d’entre nous, qui sont là aujourd’hui, espèrent déjà : une belle journée, un beau cadeau à Noël, pour leur anniversaire. L’espérance n’a pas d’âge !

Et vous avez remarqué peut-être que chaque espérance, une fois exaucée, donne presque immédiatement place à un nouvel espoir.

Au début de sa vie on espère réussir ses études en se disant que ce jour-là sera le plus beau de notre vie. Et puis on espère rencontrer la bonne personne en se disant qu’alors là ce sera vraiment le plus beau jour de notre vie. Et puis, quand on l’a rencontrée, on espère se marier en se disant que ce sera forcément le plus beau jour de notre vie, sans comparaison aucune. Et puis, quand ce jour vient – encore hier pour des amis à moi – eh bien on le dit : c’est le plus beau jour de ma vie !

Voilà pour les vocations au mariage. Pour les vocations religieuses, même chose : on se dit que le jour où on fera profession, ce sera le plus beau jour de notre vie.

Et puis ce jour-là passé, on espère encore d’autres choses.

Le plus beau jour de notre vie devient le suivant. Pour des couples, celui du premier enfant, celui du premier pas, et puis celui du mariage de cet enfant, et puis celui du petit enfant ou de l’arrière petit fils ou petite fille.

Notre vie est constellée d’espérances, et c’est bien ainsi.

Dès qu’un espoir est satisfait, on s’en crée un nouveau. Parce que nous sommes vous et moi des êtres de désir, et de désir jamais vraiment satisfait parce que notre désir profond, notre désir véritable, c’est un désir d’infini, celui de la rencontre avec Dieu. Rien ne peut le satisfaire ici-bas, vraiment.

Les croyants l’ont compris. D’autres cherchent encore ce qui peut bien creuser leur désir comme ça. Et la société confond désir et plaisir, et met bien entendu le plaisir infini en maître de tous nos désirs, grave erreur. Ainsi va le monde.

Accepter que nous sommes des êtres finis, avec nos limites, mais créés pour l’infini, voilà ce qui doit faire partie de notre veille.

Lamartine disait : « l’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux »…

L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. Notre cœur désire rencontrer Dieu.

Et la vie n’a aucun sens si nous n’avons pas conscience qu’elle est préparation à cette rencontre exceptionnelle. Et que chacune de nos rencontres ici-bas – celles que vous vivrez peut-être aujourd’hui – nous prépare à ce face à face. Que chacun de nos désirs, que chacun de nos espoirs, que chacun de nos bonheurs, nous habille le coeur pour cette rencontre.

Une rencontre dont l’Evangile de ce jour nous dit qu’elle se fait avec ce Maître qui attend de récompenser ses serviteurs qu’il aura trouvés en train de veiller, justement.

On revient donc à notre question de tout à l’heure : qu’est-ce donc que veiller ?

Oh sûrement, sûrement que ça vous est déjà arrivé d’attendre un ami qui n’arrive pas. Et vous vous faites du souci. Un bouchon, sur l’autoroute ? Un problème personnel ? Un accident ? Pire, peut-être ? Et s’il m’avait oublié ? S’il avait oublié notre rendez-vous ? Et on se met parfois à médire de la personne ou des circonstances : c’est sûr, il est encore en retard, il n’est jamais à l’heure, il a encore oublié…

Voilà exactement ce dont nous parle Jésus lorsqu’il évoque ce serviteur qui, en voyant que son maître tarde à venir, se met à frapper les autres. On frappe avec des paroles, parfois. Il est encore en retard…

Et vous avez remarqué ? C’est souvent quand on commençait à médire de cette personne qu’elle arrive. Et là, on est tiraillé, évidemment, entre deux sentiments : l’immense soulagement et la colère. La colère parce qu’elle nous a fait peur :

–      Mais enfin ! Je me suis fait du souci pour toi !

C’est d’ailleurs pour ça qu’on préfère prendre l’apéro pour faire venir les gens, comme on dit, parce que ça chasse cette angoisse qui monte.

Ce que nous prendrons tout à l’heure à cette table est très loin d’être un simple apéro. Mais il a le même but. Nous le redirons, d’ailleurs : « nous attendons ta venue dans la gloire ».

Et nous savons que cette venue sera inattendue, pour chacune et chacun de nous. Ça peut nous angoisser. Alors on chasse cette angoisse en partageant le pain et le vin.

MERCI, donc, d’être venus nous habiller le coeur aujourd’hui. Restons des veilleurs qui attendons notre plus grand Ami, sans angoisse, et gardons-nous bien de supposer qu’il nous ait oubliés. Ce n’est pas son style.

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La Pelouse sur Bex, dimanche 7 août 2016, 11.00

Et dans une version légèrement différente :

Monthey-Tilleuls, samedi 7 août 2010, 16 h. 45

Monthey-Eglise, dimanche 8 août 2010, 9 h. 30

Monthey-Closillon, dimanche 8 août 2010, 18 h.

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