Aggiornamento

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Ah ces mises à jour continuelles sur nos smartphones, nos ordinateurs, c’est parfois épuisant… mais c’est indispensable, on le sait bien, sans quoi l’appareil en question fonctionnera moins bien tôt ou tard. Il en va de même pour l’Eglise. Lors du Concile Vatican II, le mot « mise à jour » se déclinait dans sa version italienne : aggiornamento.

C’est St Jean XXIII qui a utilisé ce terme pour parler de ce que devait vivre l’Eglise à travers le Concile Vatican II. Le mot a souvent été galvaudé, certains poussant sa signification jusqu’à le rendre synonyme de « rupture » quand d’autres y voyaient un simple « dépoussiérage ».

Ni l’un ni l’autre, c’est bien de « mise à jour » dont il s’agit. Exactement comme pour nos appareils numériques et leurs systèmes d’exploitation. Cette mise à jour ne modifie pas l’essentiel, elle n’est donc ni rupture ni réforme en profondeur, mais elle est beaucoup plus qu’un simple dépoussiérage. Elle est nécessaire dans l’Eglise, cette mise à jour, comme dans n’importe quelle institution.

L’Eglise vit de changements

Est-elle synonyme de « changement » ? En fait, oui et non. La mise à jour n’est pas un changement en soi mais elle contient de nécessaires changements. Lequel d’entre nous ne les a pas remarqués, ces changements, dans la nouvelle mise à jour de tel traitement de texte ou de telle application de nos smartphones ?

Ainsi l’Eglise vit des changements réguliers. Affirmer que l’Eglise ne change pas serait faire preuve d’un aveuglement un peu ridicule ou d’une rigidité dont le pape François aime à dire qu’elle rien à faire avec l’ADN du Chrétien lorsqu’il répète que l’expression « on a toujours fait comme ça » doit absolument être bannie de l’Eglise.

L’Eglise de toujours

Dieu est immuable, l’Eglise non. Elle chemine avec son époque tout en n’étant pas de son époque. Elle est dans le monde sans être du monde. Parler d’ « Eglise de toujours » comme on l’entend parfois est très juste si c’est pour dire qu’à travers tous les changements qu’elle traverse, l’Eglise perdure encore et toujours… mais cette expression serait totalement erronée si on l’utilisait pour asseoir une Eglise d’hier et en faire celle de demain, copiée-collée sans aucun changement possible.

L’Eglise est en chemin, comme son fondateur Jésus. Dans un livre savoureux, le poète Christian Bobin qualifiait d’ailleurs le Christ d’ « Homme qui marche », et Dieu que cela lui va bien ! Si l’on regarde les Evangiles, Jésus est toujours en chemin, en effet. Depuis le moment où – passant au bord de la mer – il appelle ses disciples, jusqu’au chemin d’Emmaüs sur lequel, rejoignant les deux disciples, sa première attitude – avant toute parole – est précisément de faire route avec eux.

Synode

Ce cheminement communautaire, ce « marcher ensemble » qui est l’étymologie-même du mot « synode » est intrinsèque à tout Chrétien. Celui qui, par une intransigeance par essence contraire à l’Evangile, souhaiterait revenir en arrière ou simplement figer ses pas pour que rien ne bougeât plus désormais, celui-ci ne serait plus tout à fait dans les traces de notre Dieu qui s’est lui-même identifié comme Chemin (Jn 14,6 : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie). Trois termes indissociables : il n’y a pas « une vérité qui nous précède » mais bien un Chemin de Vie qui se fait en Vérité.

D’ailleurs, les premiers Chrétiens n’étaient-ils pas appelés les « Disciples de la Voie » ?

L’Eglise est donc en chemin constant. Elle effectue régulièrement des mises à jour qui n’ébranlent pas l’essentiel de son identité mais peuvent tout de même sérieusement changer son agir.

Au cœur de la tempête

Les temps tourmentés que nous traversons sont des secousses qui appellent autant de nécessaires mises à jour. Il y en a eu et il y en aura encore. Mais n’importe quel marin vous le dira, au cœur de la tempête et de ses vagues mouvementées, la stabilité ne consiste jamais à ne pas bouger mais bien à épouser le mouvement pour que le gouvernail ne casse pas.

S’adapter constamment, c’est ce que l’Eglise a toujours fait. Ainsi lorsque Vatican II a encouragé la pratique des langues de chaque pays dans la liturgie, plutôt que l’usage du seul latin, elle s’est rapprochée des fidèles pour leur permettre de mieux comprendre au lieu de répéter des mots d’une langue qui leur était étrangère.

La langue de l’Eglise n’est pas le latin

Mais la langue que l’Eglise doit parler n’est ni le latin ni aucune autre langue en usage dans les dictionnaires : la langue de l’Eglise c’est la charité. A des années-lumière de toute intransigeance, la charité est le langage du Christ qui nous met en route à sa suite plutôt que de nous maintenir assis sur les trônes de nos conforts ancestraux. Ces « sièges de devant, derrière les vitres teintées des cardinaux en costume et des donneurs de leçon », comme le chante superbement Francis Cabrel, sont les strapontins de ceux qui attendront vainement une place dans le Royaume des Cieux, là où les premiers seront derniers… et les derniers premiers.

Vincent Lafargue

Publié sur www.cath.ch le 24 septembre 2021

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