Au-delà

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Film de Clint Eastwood (sortie : 19 janv. 2011)

Avec Matt Damon et Cécile de France

 

Eastwood s’attaque à un sujet délicat, celui de la vie après la mort, et plus particulièrement des NDE ou EMI, Expériences de Mort Imminente, étudiées notamment par Raymond Moody et la Doctoresse suisse Elisabeth Kübler-Ross (joli clin d’oeil d’Eastwood avec la tout aussi helvétique Marthe Keller en Dr Rousseau, parfaitement dans le rôle comme à son habitude).

On doit signaler immédiatement, pourtant, que n’est pas Claude Lelouch qui veut. Raconter plusieurs histoires n’ayant rien à voir les unes avec les autres pour les faire se rassembler toutes dans les dernières minutes du film, ce n’est pas si évident, même quand on s’appelle Clint Eastwood. Il y a, certes, voulu ou non, à la toute fin du film un clin d’oeil à Lelouch avec un 360° de la caméra autour des deux protagonistes réunis. Mais la marque de fabrique de Lelouch ne suffit pas à faire d’ « Au-delà » un bouquet réussi. Cela tient, à mon humble avis, à l’inégalité des trois histoires et à l’inégalité du jeu des acteurs qui les incarnent.

Là où Cécile de France est absolument magistrale de justesse, Matt Damon semble égaré dans une histoire qu’il ne maîtrise pas, qui le gêne, qui l’embarrasse. Dommage.

Parlons alors de la première. Cécile de France interprète une de ces personnes qui a fait une expérience de mort imminente. Tout sur son visage, ses attitudes, son phrasé (en français où elle se double elle-même comme en anglais), tout montre qu’elle ressent profondément l’histoire de cette femme passée juste à côté de la mort. J’aurais envie de lui demander, moyennant le bonheur de la connaître que je n’ai hélas pas, si elle a elle-même vécu une expérience semblable. Parce que – pour savoir de quoi je parle en ce domaine – je trouve qu’elle vit son personnage beaucoup plus qu’elle ne le joue. C’est remarquable, finement interprété, jamais surjoué.

Le regard chrétien se pose avec intérêt sur ce scénario. Le dialogue sur l’au-delà, à peu près au centre du film, est savoureux. Un mot est en filigrane de tout ce film, sans être jamais prononcé par les protagonistes d’ailleurs : FOI. Les uns l’ont, les autres pas. Les premiers semblent avoir une saveur et en même temps une « connaissance » qui bouleverse leur existence, les autres semblent incroyablement plats et sans intérêt. Et le prêtre qui expédie honteusement des obsèques dans la première partie du film appartient sans conteste à la seconde catégorie. C’est dans ce thème que le personnage de Matt Damon sert d’ailleurs de fil rouge : il n’a pas la foi au départ, ou plus exactement il fuit la foi qui est en lui. Peu à peu, elle va le rattraper. Il incarne le doute qui est en chacun de nous. Cécile de France incarne la foi inébranlable mais fragile, moquée de toutes parts.

Restent les deux jumeaux McLaren, magnifiques – quelle direction d’enfants et quel choix, dû à Fiona Weir, la « casteuse » de Harry Potter. Eux incarnent la simplicité et l’évidence de cet au-delà, tout en mettant en lumière l’importance du travail de deuil, de ceux qui entourent ce travail, des erreurs que l’on peut faire avec les enfants dans ce domaine.

Derrière tout cela, il y a le regard de Clint Eastwood, regard chrétien une fois de plus – avec un savoureux instant de réflexion sur le foulard islamique à l’école… – mais critique sur l’enfermement des religions à ce qui les dépasse, paradoxalement. Et puis il y a sa musique, envoûtante, bleutée, aux délicates sonorités de jazz, et qui me « bluffe » à chaque fois.

Ce film a ses faiblesses, mais il mérite notre regard et a le grand avantage d’ouvrir la réflexion sur l’au-delà, loin des poussifs trop souvent rabâchés sur le sujet. A voir !

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