Bruel, Shaw et les prêtres

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Photo DR : forestnational.be
 

Homélie pour le 29e dimanche TO, année C

Exode 17,8-13 / Psaume 120 / 2 Timothée 3,14-4,2 / Luc 18, 1-8

Chers Amis,

Il y a quelques années, Patrick Bruel chantait un véritable tube qui disait ceci :

« Alors regarde, regarde un peu / je vais pas me taire parce que t’as mal aux yeux / alors regarde, regarde un peu / tu verras tout ce qu’on peut faire si on est deux… »

Il reprenait sans le savoir nos lectures d’aujourd’hui.

Paul, dans la lettre à Timothée, disait quelque chose de semblable. Dans cette lettre, Paul semble donner des conseils aux personnes qui dirigent et enseignent une communauté. Les prêtres, par exemple… Et Dieu sait si nous avons des conseils à recevoir, nous autres serviteurs bien imparfaits.

Il disait notamment qu’il nous faut parfois être durs avec vous. Comme un père peut l’être avec ses enfants, c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles on nous appelle « Mon Père » ou « Abbé », ce qui revient au même puisque « Abbé » veut dire « Père » en hébreu.

Paul rappelait qu’il nous faut proclamer l’Evangile à temps et à contre-temps. C’est à dire à la fois les pages agréables à entendre mais aussi les autres.

Et l’Evangile, ce n’est pas une histoire de bisounours.

Quelqu’un qui viendrait à l’église pour entendre des paroles doucereuses à chaque messe me ferait un peu souci.

On est parfois bousculés par l’Evangile, et Jésus bousculait volontiers ses auditeurs, d’ailleurs.

On peut se sentir bousculé un jour par une prédication, ça arrive. Mais cela doit nous faire réfléchir à notre manière de recevoir la parole de Dieu. Elle n’est pas de la guimauve, elle est un glaive, cette parole, nous dit la Bible.

Et Paul nous demande, dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, de bousculer, de dénoncer le mal lorsque c’est nécessaire, de faire des reproches lorsqu’il le faut, et aussi d’encourager, le tout avec une très grande patience.

« Je vais pas me taire parce que t’as mal aux yeux » chantait Bruel… C’est d’ailleurs à cela qu’on reconnaît les vrais amis, ceux qui savent aussi nous dire ce qui ne va pas chez nous.

Si nous sommes parfois durs avec vous, nous autres prêtres, c’est parce que notre seul but est de faire passer l’Evangile, donc de construire et de consolider les communautés qui nous sont confiées.

La deuxième partie du refrain disait « tu verras tout ce qu’on peut faire si on est deux… »

Une paroisse, une communauté, ou chacun se dit que « c’est à l’autre de s’engager parce que moi, vous comprenez, moi j’en ai déjà bien assez fait pour la paroisse« , cette paroisse-là est en danger de mort. Et on en connait quelques-unes par chez nous.

Elles sont d’ailleurs faciles à reconnaître, ces communautés-là. Vous savez ce sont ces paroisses où les gens se massent au fond de l’église et où il y a plusieurs rangées de bancs vides, devant. Comme si on était à un enterrement et qu’on attendait la famille du défunt… Mais le défunt, dans ce cas-là, c’est la communauté elle-même.

Seul, on ne peut rien faire. La communauté, le bien commun, se construisent forcément et uniquement à plusieurs, et en associant les forces, les efforts.

Regardez Moïse, dans notre première lecture, le livre de l’Exode. Il en a vécu, des choses, depuis le buisson ardent jusqu’aux tables de la Loi ! Mais lorsqu’il s’agit de prier pour édifier la communauté, seul, ses bras baissent et la lassitude le guette. Il a besoin de ses frères qui viennent soutenir ses bras, il a besoin d’une pierre pour s’asseoir un moment.

Nous sommes pareils, nous, vos prêtres. Nous prions pour vous, sans relâche, tous les jours, avec persévérance, nous annonçons la bonne nouvelle à temps et à contre-temps, parfois avec douceur, parfois avec dureté, comme nous le demande Paul, mais nous avons aussi besoin de vous pour nous soutenir, parce que ce n’est qu’ensemble que nous pouvons construire des communautés solides.

Un jour viendra, et c’est bientôt, où nous ne serons plus là aussi régulièrement qu’aujourd’hui. C’est comme la parole de Dieu, ça n’est pas forcément agréable à entendre, ça… Mais pourtant il faut aussi le dire.

Il y a des communautés qui vivront, parce qu’elles auront appris à s’associer, à se battre pour maintenir une vie au village et dans la paroisse. Elles auront compris la phrase de Bruel : « tu verras tout ce qu’on peut faire si on est deux. »

Et puis il y a des communautés qui mourront, à petit feu. Ce sont les villages, comme par hasard, qui n’avaient pas su non plus garder leur poste, leur épicerie, leur fanfare, leur vie associative. Les villages qui n’auront pas eu la patience de la petite veuve de l’Evangile d’aujourd’hui, cette patience qui la fait persévérer même quand tout lui montre qu’elle n’a rien à espérer. Elle aussi, elle aurait pu dire : « Oh moi vous savez, j’ai déjà tellement fait, faut pas m’en demander plus ! » …et si elle s’était résignée ainsi, elle n’aurait rien obtenu.

Que chacun fasse comme le suggère la chanson de Patrick Bruel : « Alors, regarde, regarde un peu… » Que chacun de nous, chers Amis, regarde sa communauté, sa paroisse. Que chacun ouvre les yeux sur ce qui manque, ce qui pourrait aller mieux. Et que chacun se dise qu’il est responsable. Pas responsable de ce qui ne va pas, non ! Mais responsable de ce qui pourrait aller mieux, c’est différent.

Responsable de sa propre communauté. Chacun peut faire que les choses aillent mieux, chacun peut se demander où est sa place, maintenant, même après avoir déjà occupé des places pendant de nombreuses années. Ma place est-elle vraiment sur le dernier banc au fond de l’église, ou bien l’une de ces places vides, là devant, ne serait-elle pas ma place, peut-être ? Pas pour me mettre en avant, mais pour prendre ma vraie place dans la communauté.

George Bernard Shaw disait : « Il y a les gens qui voient les choses telles qu’elles sont, et qui se demandent pourquoi. Et puis il y a ceux qui rêvent les choses telles qu’elles n’ont jamais été, et qui se demandent pourquoi pas… »

Cessons de regarder nos communautés en nous demandant pourquoi telle ou telle chose ne va pas. Mais demandons-nous ce que nous pouvons faire pour que cela aille mieux, regardons tout ce que nous pouvons faire à deux, à trois, à dix.

Et comme Bernard Shaw, rêvons notre communauté comme elle n’a encore jamais été. Et demandons-nous… chers Amis, pourquoi pas ?

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Flanthey, samedi 19 octobre 2013, 17.00

Chermignon-Dessous, dimanche 20 octobre, 9.00

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