De la boue du CoVid19 à la Lumière

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Homélie pour le 4e dimanche Carême, A

1Samuel 1,6-7.10-13a / Psaume 22(23) / Ephésiens 5,8-14 / Jean 9,1-41

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

C’est dimanche. Le jour le plus important, le plus essentiel de notre semaine. Le jour où, habituellement, nous nous rassemblons pour rencontrer la communauté, pour nous serrer les coudes, pour chanter ensemble, pour célébrer notre Dieu les uns à côté des autres.

Mais cette fois-ci, il n’est pas possible de le faire ensemble. Nous sommes chez nous, confinés comme on dit, nous écoutons cette messe ou nous la visionnons par internet, mais si nous regardons autour de nous, il nous semble certainement que nous sommes seuls. Seuls dans notre salon, seuls devant notre ordinateur, seuls avec nos plus proches qui sont là, avec nous, à distance de sécurité comme on dit.

Certes, comme le dit le psaume d’ailleurs, le Seigneur nous fait reposer et nous vivons une sorte de temps de repos, nous savons que nous ne craignons aucun mal, même celui de traverser les ravins de la mort pour celles et ceux d’entre nous qui auront à le faire, parce que nous sommes avec le Seigneur et que c’est lui qui nous tient la main dans l’épreuve que nous traversons. Certes.

Cette solitude n’est qu’apparente, Chers Amis. C’est une illusion d’optique. Car nous sommes des milliers à célébrer, au même moment, quelque part dans le monde, dans tellement d’endroits différents.

Nous sommes des milliards de Chrétiens, 2 milliards et demi pour être précis, à vivre ce dimanche et à prier, chacun de notre côté d’accord, chacun selon son fuseau horaire, d’accord, mais quelque part, le même jour, ensemble. Nous ne sommes pas seuls. Vous n’êtes pas seuls, Chers Amis, derrière votre écran. C’est une illusion d’optique.

Les apparences sont trompeuses, nous le savons bien. C’est d’ailleurs ce que disait notre première lecture, le livre de Samuel, dans un verset que nous connaissons très bien mais sous une autre forme. « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur, lui, regarde le cœur. »

Ça ne vous rappelle rien ? Mais si bien sûr, Le Petit Prince ! C’est le secret du renard au Petit Prince, dans livre de St Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux… »

C’est la manière de regarder qui est propre à notre Dieu, regarder avec le cœur.

Et nous avons tous à apprendre à regarder avec le cœur pour voir l’essentiel, qui est invisible pour les yeux. Regarder notre prochain avec le cœur, regarder une situation avec le cœur, regarder l’avenir avec le cœur.

Et puisque je parle d’avenir et de situation, eh bien parlons de cette situation que nous vivons actuellement. Nous avons un ennemi, le CoronaVirus ou le CoVid19 – d’ailleurs, tiens, il a plusieurs noms ! ça me rappelle étrangement quelqu’un qui répond à Jésus « nous sommes légion » – notre ennemi, notre autre ennemi, invisible lui aussi.

Vous allez me dire : voilà bien la preuve que ce virus est essentiel puisqu’on vient de nous dire que l’essentiel est invisible pour les yeux !

Non ! Ce serait faire un syllogisme que de raisonner ainsi, Chers Amis…

Un syllogisme, c’est un raisonnement qui contient une erreur et qui amène à une fausse conclusion. Vous connaissez ce syllogisme antique célèbre :

  • Socrate aime le lait.
  • Or tous les chats aiment le lait.
  • Donc Socrate est un chat.

Faux. Sauf si vous avez à la maison un chat que vous avez prénommé Socrate, évidemment. Mais pour ma part, je parlais du Socrate de l’Antiquité.

Nous pouvons appliquer le même syllogisme à notre virus :

  • L’essentiel est invisible pour les yeux.
  • Or le Covid19 est invisible.
  • Donc il est essentiel.

Faux, évidemment. Le raisonnement est faussé. On pourrait corriger ces syllogismes ainsi :

  • Il n’y a pas que Socrate qui aime le lait.
  • Tous les chats aussi aiment le lait. Notamment.
  • Mais Socrate n’est pas forcément un chat pour autant.

Appliquons-le au Covid19 et corrigeons :

  • Il n’y a pas que l’essentiel qui est invisible pour les yeux.
  • Certes, le virus est invisible.
  • Mais il n’est pas essentiel pour autant.

Cela paraît évident bien sûr, mais on tombe souvent dans le syllogisme, Chers Amis.

Et c’est précisément ce qui arrive aux spectateurs du miracle fait par Jésus dans notre page d’Evangile d’aujourd’hui, la guérison de l’Aveugle-né.

Nous qui ne sommes pas aveugles, que voyons-nous, dès le début de cette histoire, Chers Amis ? On nous présente un aveugle – donc quelqu’un qui ne voit pas, à priori – et autour de lui des gens qui eux, normalement, voient. Mais ce qui est comique dans notre histoire, c’est que ce sont justement les personnes qui devraient voir qui, finalement sont aveuglées. Juste avant l’extrait que nous avons entendu, les disciples eux-mêmes font un premier syllogisme qu’on va retrouver chez les Pharisiens :

  • Cet homme est aveugle.
  • Or on nous a appris que le péché produisait l’aveuglement.
  • Donc cet homme a péché. Lui ou ses ancêtres.

Faux ! Syllogisme.

Oui cet homme est aveugle.

Certes, le péché nous aveugle bien souvent, nous trompe dans nos raisonnements.

Mais il y a d’autres raisons d’être aveugle. Médicales notamment. Qui n’ont rien à voir avec le péché. Et quand je dis « rien à voir », vous me pardonnerez le jeu de mots facile dans la situation présente !

Que se passe-t-il ensuite ? Jésus crache par terre, il fait de la boue, il l’applique sur les yeux de l’aveugle et lui demande – vous l’avez entendu –  d’aller se laver à la piscine de Siloé. Et une fois revenu, l’aveugle voit et rencontre des personnes qui mettent ce miracle en doute.

Deuxième aveuglement, Chers Amis, celui des personnes qui, pourtant, voient l’ancien aveugle revenu guéri, mais prétendent que ce n’est pas lui, qu’il s’agit forcément de quelqu’un d’autre.

Nouveau syllogisme, très courant dans notre monde :

  • Ce que je vois est impossible.
  • Or l’impossible ne se voit pas.
  • Donc c’est autre chose que je vois.

  • Un aveugle ne peut pas voir.
  • Or cet homme était aveugle et il voit.
  • Donc ce n’est pas le même homme.

Imparable ! Sauf que c’est faux… Vous voyez le mécanisme sournois du syllogisme ?

Alors qu’un regard de foi, le vôtre, le nôtre, Chers Amis, devrait corriger ainsi :

  • Ce que je vois me semble impossible.
  • Mais rien n’est impossible à Dieu.
  • Donc ce que je vois, j’y crois.

« Je crois, Seigneur ! » C’était la réponse de l’aveugle à Jésus.

L’aveuglement des spectateurs n’est pas terminé. On peut lire toute la suite de l’épisode et vous pourrez le faire à la maison… la réaction des docteurs de la Loi et des Pharisiens est éloquente :

  • Dieu interdit de travailler le jour du Sabbat
  • Or ce Jésus a guéri un homme le jour du Sabbat
  • Donc ce Jésus n’est pas de Dieu.

Imparable… mais c’est faux, c’est un syllogisme !

Bien sûr que, dans les dix commandements, Dieu interdit de faire n’importe quel labeur le jour du repos. Mais aimer son prochain, ce n’est pas un labeur, c’est même un autre commandement. Il n’y a pas de Sabbat pour l’Amour, Chers Amis, évidemment !

Que s’est-il passé ? Arrêtons-nous sur ce geste de Jésus, pour terminer. Il a mis de la boue sur les yeux de l’aveugle.

Excusez-moi Chers Amis, je ne sais pas pour vous, mais de prime abord cela me semble très particulier ! Si je veux nettoyer le pare-brise de ma voiture, je ne vais pas commencer par renverser un seau de boue dessus ! On va y voir beaucoup moins bien, forcément !

Non ! De la boue, c’est par définition la matière qui n’est pas forcément la plus translucide qui soit ! ça peut nous paraître étrange…

Oui mais nous sommes invités à voire ce miracle avec les yeux du cœur, souvenez-vous de ce que nous disions tout à l’heure : l’essentiel est invisible pour les yeux. L’essentiel, ce n’est pas la boue… Dieu regarde avec le cœur et il nous invite à faire de même.

La deuxième lecture nous invitait même à devenir enfants de la lumière, à éclairer ce qui d’habitude est dans les ténèbres.

Et si je tente de me souvenir des gens que je croisais il y a encore quelques semaines comme vous, Chers Amis – vous savez quand on pouvait encore sortir et se rencontrer – je me souviens de personnes stressées, fatiguées, ultra-occupées, courant après le temps dans des agendas super-remplis…

Et un refrain revenait régulièrement : « On va dans le mur… » « Notre monde va dans le mur… » « On ne sait pas où on va mais on y va vite ! »… « Ça va mal finir ! » … et tant d’autres phrases que vous avez peut-être vous aussi entendues ou prononcées.

Notre économie qui plaçait l’argent au-dessus de tout ne pouvait que se précipiter dans un mur.

Et ce mur est là. On l’appelle CornonaVirus. Il nous a stoppés nets.

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de regarder à travers un mur, mais moi je n’y arrive pas. C’est comme quand on a de la boue sur les yeux.

Notre chance est là, Chers Amis.

Car que dit Jésus à l’aveugle ? « Va te laver à la piscine de Siloé » Siloé qui signifie « Envoyé ».

Et Jésus nous le dit – vous le dit aujourd’hui, à Chacune, Chacun – à nous qui sommes doublement aveuglés par un monde qui paraissait sans valeurs et par la boue de l’épidémie qui nous a stoppés nets, il nous dit : « Va, maintenant. Va te laver. »

Vous me direz : c’est sympa mais avant qu’on puisse aller à la piscine, il va se passer encore quelques semaines, hein ! A priori… »

Oui mais le verbe aller signifie faire du chemin, progresser, avancer.

Avançons, Chers Amis ! A tâtons forcément, confinés dans nos maisons, avec de la boue sur les yeux on va moins vite… Mais c’est l’occasion de ralentir dans notre progression, de cheminer intérieurement, d’avancer dans notre cœur…  et là, il y a du chemin à faire.

Prions en famille, lisons la Parole de Dieu… « Ah ! C’est trop long de lire la Bible… » – Ah ben ce coup-ci on a le temps, hein ! On peut la prendre, tranquille, on a le temps de lire tous les livres bibliques ! Méditons-la maintenant que nous avons du temps.

Eteignons les bulletins d’information anxiogènes qui nous pourrissent le moral – restons attentifs bien sûr aux instructions de nos autorités, ça c’est important, appliquons-les, mais profitons de ce temps pour cheminer intérieurement.

Le jour viendra où nous pourrons sortir à nouveau.

Où nous serons envoyés dans la piscine du monde. Et ce jour-là nous aurons à porter la lumière à ce monde qui ressortira forcément différent du temps que nous vivons.

Passons de la boue à la lumière, mais progressivement.

Nous avons le temps, Chers Amis. Prenons-le.

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Foyer des Creusets, dimanche 22 mars 2020, 10.00, et via Internet sur le YouTube « Secteur Aigle »

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  1. Wegmann Rosemay

    Merci père Vincent pour cette messe magnifique. J’ai eu un grand plaisir à vous suivre par internet. Cette messe m’a fait beaucoup de bien surtout votre homélie. Je suis vos homélies tous les dimanches sur ab20100. Je vous remercie de tout mon coeur d’être ce que vous être, un prêtre merveilleux qui nous annonce que des bonnes choses et qui nous apaise. Soyez béni et prie pour vous. Bonne semaine et belle fête de Pâques à venir.

    Amitiés dans le Christ
    Rosemay

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