D’Eliakim à François, d’ancien à nouveau

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Photo DR : la-croix.com
 

Homélie pour le 21e dimanche TO, année A

Isaïe 22,19-23 / Psaume 137 / Romains 11,33-36 / Matthieu 16,13-20

Chers Amis,

Quand j’arrive dans une paroisse où l’on ne me connaît pas encore pour y célébrer la messe dominicale, il y a une question qui m’est toujours posée et qui me fait toujours bondir. En général c’est le lecteur, la lectrice qui me la pose à la sacristie, un peu avant la messe :

– On prend quelle lecture ?

Il y a comme ça une vieille habitude qui s’est peu à peu installée de ne prendre qu’une seule des deux lectures proposées le dimanche. Souvent on vire Paul quand il est un peu trop misogyne, ou alors la première lecture quand elle vient d’un texte de l’Ancien Testament qui nous paraît trop violent, ou incompréhensible.

– On prend quelle lecture ?

– Mais TOUTES, évidemment !

C’est exactement comme si vous étiez en train de faire un puzzle, et qu’on vous dise :

– Tu prends quelle série de pièces ?

– Heu… ben TOUTES, hein, évidemment, sinon l’image finale va être légèrement tronquée, donc ! [aux servants de messe :] Vous êtes d’accord, non ?

C’est pareil pour la liturgie, chers Amis. Vatican II a voulu que le dimanche et les jours de fête, il y ait une première lecture, puis un psaume, puis une deuxième lecture, puis l’Evangile. Et les pères du Concile ont soigneusement choisi ces textes pour qu’ils se répondent. C’est ça la richesse de l’image finale ! Si on ne prêche que sur l’Evangile, ou bien si on ne lit, avec lui, que la deuxième lecture et le psaume, on manquera soigneusement la richesse de ce qu’ont voulu nous dire les pères du Concile. On ratera la profondeur de notre Ecriture Sainte, le mystère qu’on veut nous faire voir.

Or justement, la deuxième lecture nous parle de richesse, de profondeur : Quelle profondeur dans la science de Dieu, nous dit Paul dans l’extrait de sa lettre aux Romains ! Quelle richesse, quelle sagesse ! Quels mystères aussi, parfois ! Bien des secrets de Dieu sont encore cachés à nos yeux. Et certains nous ont été dévoilés.

Ainsi le lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament. St Augustin disait que le Nouveau Testament était caché dans l’Ancien et que l’Ancien se dévoile dans le Nouveau. Vatican II a rappelé cette phrase, pour nous encourager à lire et l’Ancien et le Nouveau.

C’est exactement ce qui se passe avec les lectures d’aujourd’hui.

Peut-être avez-vous écouté d’un air distrait la première lecture, ce bel extrait du prophète Isaïe, et peut-être n’avez-vous pas entendu le lien presque mot à mot avec l’Evangile.

Dans la première lecture, c’est un envoyé de Dieu qui parle. Dans l’Evangile c’est Jésus qui parle – envoyé de Dieu lui aussi.

La première lecture parle d’un serviteur de Dieu – j’appellerai mon serviteur, Eliakim, fils de Hilkias. Et Jésus parle à celui qui sera le serviteur des serviteur du Christ, Simon, fils de Yonas.

Tiens… il commence à y avoir des similitudes. Continuons.

Première lecture : « Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David »

Evangile : « Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux. »

Première lecture : « S’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. »

Evangile : « Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié aux cieux »

Etonnant n’est-ce pas, ce rapport entre Pierre et Eliakim.

Reste cette magnifique phrase : « tu es Pierre et sur cette pierre j’établirai mon Eglise » qui semble ne pas se trouver dans la première lecture… Qui SEMBLE.

Car si l’on connaissait un peu l’hébreu, on découvrirait que le prénom Eliakim veut dire « Celui que Dieu établira ». « Tu es Pierre et sur cette pierre j’établirai mon Eglise » Eliakim – celui que Dieu établira… Etonnant, non ?

Le Nouveau Testament était caché dans l’Ancien. Et les disciples de Jésus – dont l’hébreu était la langue maternelle, comprenaient bien mieux tout cela que nous.

Le serviteur établi est donc Pierre. Le Valaisan de service, comme dit un de mes confrères, le grand coeur avec une grande gueule – même si en Valais les grandes gueules sont plus souvent genevoises ! – Pierre, capable de colères incroyables autant que du meilleur possible. Capable de dire au Christ qu’il pourrait mourir pour le suivre… et capable de le renier juste après… pour lui demander pardon ensuite, au bord du lac, et lui dire par trois fois combien il l’aime.

Je ne sais pas pour vous, Chers Amis, mais pour moi Pierre est un miroir… dont le reflet n’est pas toujours facile à encaisser. Pierre, miroir de notre humanité.

Et le successeur de Pierre s’appelle aujourd’hui François. A chaque nouveau Pape se réalise le secret de la Bible : le Nouveau était caché dans l’Ancien. Un peu de François était caché en Benoît XVI. Ça m’amuse toujours, ceux qui essaient d’opposer Benoît XVI et François. C’est assez à la mode d’ailleurs, dans ce genre de phrases que vous avez sûrement déjà entendues :

Benoît XVI ? Quel rétrograde ! Mais François, alors là, quel progressiste !

En général, quand j’entends cela, et encore dernièrement, je demande à ces personnes si elles ont LU quelque chose de Benoît XVI.

Heu… ben… Oui y a l’émission de la TSR l’autre soir qui disait que…

– Non… attendez… est-ce que vous avez déjà LU quelque chose de Benoît XVI ?

– Ben non.

– Ah-a… Et à votre avis, vous pouvez porter un jugement sur quelqu’un dont vous n’avez jamais rien lu, et le comparer à celui qui est en place aujourd’hui ?

Vous voyez, chers Amis, c’est le même principe qu’avec les deux lectures qui se répondent. Pour bien comprendre, il faut lire les deux, évidemment. Sans quoi on en rate la moitié.

D’Eliakim à Pierre, de Benoît à François, le Christ construit son incroyable maison qu’est l’Eglise au fil des siècles.

Et s’il n’y a là que des prénoms, Eliakim, François, Benoît, Simon, Pierre, c’est aussi pour que NOUS nous reconnaissions dans ces figures qui construisent l’Eglise.
Si c’était un Benoît Dubuis ou un François Héritier, on dirait : « Ça y est, c’est encore les Saviésans qui veulent nous gouverner. » …s’il y a des Saviésans dans l’assemblée, qu’ils me pardonnent !

Mais non, c’est François. Tout court. C’est Pierre. C’est Eliakim. C’est notre évêque Norbert. C’est son successeur Jean-Marie. On ne donne que le prénom. Pour que VOUS vous y reconnaissiez aussi. Cette pierre qui bâtit l’Eglise, c’est l’une de vous, c’est l’un de vous. Et vous êtes aussi ces pierres.

…et si vous écoutez bien dans le silence qui va suivre, cette phrase vous allez l’entendre aussi dans votre coeur. Car nous sommes chacune, chacun, une pierre de ce vaste édifice qu’est l’Eglise. Ecoutez le Christ, chers Amis, écoutez-le murmurer dans votre coeur : toi aussi, tu es Eliakim, celle, celui que j’établirai. Toi aussi tu es Rose, tu es Régis, tu es David, tu es Jean-Bernard, tu es Yvan, tu es Irène, tu es Pascale, tu es René, tu es Benjamin, tu es Marie-Christine, tu es Paul, toi aussi, tu es Pierre, une de ces pierres sur laquelle je construis, peu à peu, mon Eglise.

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Vex, samedi 23 août, 19.00

Hérémence, dimanche 24 août, 10.30

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