Deux clés, un poème : Emmanuel !

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Photomontage DR : allodoxia.blog.lemonde.fr et auteurs-régions-terroirs.com

Homélie pour le 3e dimanche de l’Avent A

Isaïe 35,1-6a.10 / Psaume 145 / Jacques 5,7-10 / Matthieu 11,2-11

Chers Amis,

Cette semaine j’ai passablement côtoyé la mort. Comme souvent dans ma vocation. Pourtant, il y a des morts qui bouleversent davantage que d’autres.

Il y a les morts médiatiques, genre Nelson Mandela, et celles d’illustres inconnus dont on ne parlera jamais dans les journaux.

Celles des jeunes ou des tout petits me bouleversent.

Le cri que l’on a envie de pousser vers Dieu c’est « Où es-tu ? » « Pourquoi ? »

Le désespoir qui prend alors aux tripes paraît comme un puits sans fond. Rien ne semble pouvoir sécher nos larmes. Et comme prêtre, quand on nous envoie ce genre de nouvelles, on se demande bien que dire, que faire pour consoler les proches.

Aujourd’hui, on m’a transmis de l’inquiétude pour une jeune, une ado qui est loin d’ici mais qui se drogue et qui risque de mourir. Je vous demande de prier pour elle. Là aussi, on a envie de crier « Pourquoi ? »…

Le désespoir de tant de nos jeunes qui se droguent vient du même puits sans fond dont je parlais à l’instant.

On a l’impression que tout va mal, que rien ne changera, il y a des blessures qui ne se referment pas. Des chagrins que rien ne semble pouvoir arrêter. Alors on se réfugie dans l’illusion, l’artificiel, le virtuel.

L’une de mes Filleules, ado elle aussi, écrivait ce poème à propos de ces jours de blues où plus rien n’a de sens :

« Je croyais avoir tout perdu / Je pensais avoir tout vécu / J’en avais marre d’être déçue / Chaque jour était un combat / Chaque fois je descendais plus bas / Plus j’avançais, plus je me disais que ma place n’était pas ici / Que je devais partir retrouver tous ces gens au Paradis… »

Oui, on en a parfois marre d’être déçu. Et on en a parfois marre d’être déçu de Dieu.

Je connais tant de gens qui me disent : « J’ai trop prié, j’ai jamais rien reçu, je n’y crois plus… » « J’ai rompu avec le grand patron, c’est fini… » « J’ai mis Dieu en congé… »

Combien de fois je l’ai entendue au téléphone, cette phrase, de la part d’un des jeunes qui me font l’honneur de me prendre pour oreille quand ça va pas.

« J’y crois plus… » « Où est Dieu, dis-moi, Vincent ? » « J’ai plus la force de continuer. » « A qui faire encore confiance »

On n’y croit plus parce qu’on attend un Dieu tout-puisant qui réglerait tous nos problèmes. ET ON SE PLANTE !

On attend un Dieu-Père-Noël, un Dieu qui nous fasse gagner au loto, un Dieu qui arrange tout dans nos vies d’un coup de baguette magique, un Dieu-Gandalf (ça c’est pour les fans de cinéma), un Dieu-Merlin, un Dieu qui serait Zeus, le chef de tous les Dieux, le grand Magicien.

On se plante !

Et c’était aussi un peu l’attente du peuple hébreu, et c’est toujours l’attente du peuple juif d’ailleurs.

Isaïe dépeignait ce Dieu dans notre première lecture : c’est le Dieu splendide, le Dieu de gloire, le Dieu qui va nous venger – vous l’avez entendu dans le texte – de tout le mal qu’on connaît, celui qui fait entendre les sourds et voir les aveugles.

Le psaume surenchérissait, d’ailleurs : voilà un Dieu qui donne leur pain aux affamés, qui délie les enchaînés, qui ouvre les yeux des aveugles, qui soutient la veuve et l’orphelin.

Dans les Evangiles, c’est ce Dieu qu’annonçait Jean-Baptiste dans le désert, ce formidable dernier des prophètes, l’imprésario de Jésus comme dit l’un de mes confrères. Jean-Baptiste, la voix qui hurle dans le désert que les temps sont accomplis et qu’il arrive, ce Messie tant attendu.

Et nous, comme les hébreux d’alors, on se dit : « Chouette, le Père Noël arrive, mes malheurs sont terminés ! »

Seulement on avait un tout petit peu vite oublié d’autres textes du même Isaïe, ou du même livre des psaumes, qui parlent d’un Messie qui vient pour souffrir, lui aussi, parmi nous.

Notre Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, ce serait un magicien. Un Dieu n’est pas là pour faire le job d’un magicien. Il est là pour nous rendre aussi bons que lui – c’est notre vocation commune à la sainteté – ce qu’un magicien ne fera jamais, lui qui ne livre jamais ses trucs.

Il s’est fait l’un de nous pour nous donner, à nous, les trucs, les clés pour comprendre et traverser les malheurs de nos vies.

Jésus, sur la croix, n’est pas venu supprimer la souffrance des Hommes, il est venu nous dire que dans toutes nos souffrances, dans tous nos deuils, dans tous nos passages difficiles, il est avec nous. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi Emmanuel. Immanou-El, en hébreu, cela veut dire « Dieu avec nous ».

Le poème de ma Filleule poursuit, un peu plus loin : « Aujourd’hui, j’ai trouvé une source de bonheur / Aujourd’hui j’ai trouvé une bouffée d’air pur / J’ai trouvé quelqu’un qui me réchauffe le coeur / Il est là pour moi même dans les coups durs / Sur cette terre j’ai trouvé des personnes en or / Chaque jour je prends soin de ces amitiés comme des trésors / Je me dis qu’il ne faut pas perdre espoir / Qu’un jour on peut se reconstruire / Je me dis qu’il faut toujours croire / Qu’un jour on peut recommencer à écrire / le cours de notre histoire… »

Je me dis qu‘il faut toujours croire… J’ai trouvé quelqu’un qui est là même dans les coups durs.

Ma Filleule parle aussi de mon Dieu, en écrivant cela.

Il est là, même et surtout dans les coups durs. Parce qu’il est venu les habiter avec nous, les vivre avec nous, pleurer avec nous, se réjouir avec nous.

Ce n’est pas Superman qui vient dans la crèche, avec des super-pouvoirs, c’est un petit bébé. Il n’a rien à donner, pas de formule magique, pas de secret qui annulerait tous les malheurs. Non…

Et lorsque vous regardez le symbole du Vatican, ce que Jésus avait dit qu’il donnerait à Pierre, ce n’est pas une baguette magique à la Harry Potter, c’est …? Deux clés.

Dieu vient juste, au travers de l’enfant de Noël, nous donner une première clé.

Et au travers de la croix et de la résurrection, une seconde clé.

« Je n’ai rien à vous donner que moi« , semble nous dire le bébé de la crèche. « Je m’offre à vous pour que vous compreniez à quel point mon Amour est fragile et beau. »

« Je n’ai rien d’autre à vous donner que moi« , semble dire le crucifié. « Je le fais pour que vous compreniez à quel point je souffre avec vous quand ça ne va pas« .

Deux clés : Dieu Amour. Dieu avec nous.

Oui, ma Filleule a bien raison. Et elle m’écrivait aussi un jour que c’est à soi-même qu’on fait du mal quand on désespère, quand on reste blessé.

C’est alors qu’on se croit seul, qu’on se demande où est Dieu.

Elle a compris ces clés que Dieu nous laisse. Elle a compris ce Jésus qui n’est pas venu dans le monde comme le Père Noël, mais bien comme un cadeau.

On est tellement fasciné par le personnage qu’on oublie la beauté du cadeau qu’il nous fait.

Un Dieu avec nous, dans nos joies comme dans nos peines, dans nos vies comme dans nos morts, dans nos lumières comme dans nos ténèbres.

Un Dieu qui ne prend pas les petits enfants par sadisme, un Dieu qui ne crée pas le désespoir de nos ados qui vont mal, mais au contraire un Dieu qui nous prend la main dans ces moments-là, qui pleure avec nous, qui souffre avec nous, qui meurt avec nous, et qui nous donne les clés de notre bonheur : la confiance, l’espérance, l’Amitié, et jusqu’à la vie éternelle.

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Chermignon d’en Haut, 14 décembre 2013, 18.30

Lens, 15 décembre 2013, 9.30

Montana Village, 15 décembre 2013, 11.00

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