Devoir conjugal et devoir dominical…

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Homélie pour le 32e dimanche TO, année C

2 Maccabées 7,1-2.9-14  /  Psaume 16(17)  /  2Thessaloniciens 2,16-3,5 / Luc 20,27-38

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Les plus jeunes d’entre nous ne connaissent pas cette expression, Dieu merci, mais ceux qui sont qui sont jeunes depuis plus longtemps que les autres parmi nous l’ont déjà entendue… je veux parler de l’expression « accomplir son devoir conjugal »…

« Accomplir son devoir conjugal » pour parler de cette magnifique action qu’est de faire l’amour. « Accomplir son devoir conjugal »… l’horreur absolue, comme expression !

En gros ça revenait à dire à son conjoint : « Bon, on est le deuxième samedi du mois, chérie, courage, il va falloir qu’on se témoigne de l’amour, de la tendresse, on y croit ! Et peut-être même, si tu n’as pas mal à la tête et si je tiens encore la distance, peut-être même qu’il va nous falloir accomplir l’acte de chair ! ça va être dur, mais quand il faut, il faut… »

« Accomplir son devoir conjugal » !! Etonnons-nous, après ça, que nos jeunes aient pris l’extrême inverse et pratiquent la sexualité animale et primate que leur montrent les vidéos sur Internet, style « je veux-je prends » !

« Accomplir son devoir conjugal » …ah, ça donne envie, je vous jure ! Des choses pareilles !

Une grande adolescente, un jour, dans un Camp Vocations – elle devait avoir seize ou dix-sept ans – m’a dit : « Mais dis-donc, Vincent, toi tu es obligé d’aller tous les jours à la messe ?? Mais ça doit te saouler ?! »

Je lui ai dit : « Et toi, combien de fois es-tu obligée de dire « je t’aime » à ton petit copain ? »

Elle a rougi un peu… et puis elle m’a dit : « Ben… autant de fois que je veux ! Si je pouvais lui dire mille fois dans la journée, dix mille fois, je le ferais… Et même une fois, tu sais, je lui ai écrit une lettre où j’ai fini par une page entière de ‘je t’aime’… »

« Ah c’est très beau, lui ai-je dit… et combien de fois es-tu obligée de le prendre dans tes bras, dis-moi ? »

« Ben… – elle a ri ! – au moins chaque jour, enfin… quand je peux le voir parce que des fois ça ne joue pas… Là, je dois le voir tout à l’heure, il me manque tellement… »

« Eh bien tu vois, lui ai-je répondu, Dieu c’est mon amoureux à moi. Et chaque fois qu’il ne me prend pas dans ses bras, il me manque, lui aussi. »

« Oui, m’a-t-elle dit, toi tu es marié à Dieu… Ton alliance en forme de croix le dit très bien d’ailleurs. »

J’ai dit : « Voilà tu as compris. Dieu, c’est mon amoureux. Et Jésus a dit, dans un Evangile, qu’il y a des gens qui sont faits pour se marier ici-bas, entre eux, et puis il y a des gens qui sont fait pour se marier directement avec Dieu dès ici-bas. Mais c’est le même amour ! Je n’ai pas renoncé à l’amour en tant que prêtre ! J’aime quelqu’un. Il s’appelle Dieu, c’est la seule différence. Mais c’est le même amour… ‘Célibataire’ ce n’est pas un état solitaire, ça vient de Coeli-beatus, ‘heureux avec le ciel’. »

…C’est ça que cela veut dire, ‘célibataire’, quelqu’un qui – dès ici-bas – est heureux avec le ciel. C’est le même amour !

Et je lui disais encore : « Tu sais, moi, j’aimerais aussi dire à Dieu ‘je t’aime’ dix mille fois dans ma journée si je le pouvais… Et hier, je lui ai dit un poème répétitif comme ta page entière de ‘je t’aime’, je lui ai dit un poème qui disait que je l’aimais, et j’y ai passé une partie de la soirée. »

Elle m’a dit : « Comme moi avec ma lettre ?? »

Je lui ai dit : « Oui, ça s’appelle un chapelet. Et je le fais presque tous les jours. Et tu sais, comme toi quand tu es arrivée à la fin de ta lettre, quand j’arrive à la fin de mon chapelet je n’en ai pas marre du tout. Au contraire ! Je recommencerais volontiers… »

Alors elle m’a dit : « Je comprends mieux pour la messe… En fait, t’es pas obligé, tu l’aimes… »

J’ai dit : « Voilà, c’est la même chose. La messe c’est le moment où on se prend dans les bras, Dieu et moi. »

Et c’est le même amour que nous vivons Chers Amis, vous et nous, les prêtres. C’est le même amour.

Et c’est tout aussi absurde de parler d’ ‘accomplir son devoir conjugal’ que de parler d’ ‘accomplir son devoir dominical’… Je suis sûr que les plus anciens, vous l’avez aussi entendue, cette phrase… ‘Accomplir son devoir dominical’ pour dire ‘aller à ce rendez-vous d’amour qu’est à la messe’.

Accomplir son devoir dominical… On allait à la messe le dimanche parce qu’on y était obligé. Et d’ailleurs il fallait le faire le dimanche, parce que le samedi ça ne comptait pas !

Accomplir son devoir dominical… Vous commencez à le voir, le rapport entre les deux phrases ?

‘Accomplir son devoir conjugal’… est-ce qu’on est obligé de dire à l’autre qu’on l’aime ? Eh bien ça dit quelque chose de notre amour !

‘Accomplir son devoir dominical’… est-ce qu’on est obligé de venir à la messe ? Eh bien si c’est le cas, repartez ! Mais maintenant ! C’est à un rendez-vous d’amour que Dieu nous invite. Et on lui répond – vous lui avez répondu ce matin – parce que vous répondez à un rendez-vous d’amour.

Et non pas en se disant : « Oh, allez, c’est le deuxième samedi du mois, Seigneur, je vais venir à la messe – si je n’ai pas la migraine ! »

Au secours ! C’est ça qu’on a transmis à nos jeunes ? On est obligé d’aller à la messe le dimanche ?

Eh bien il ne faut pas s’étonner qu’en matière de messe comme en matière d’amour ils fassent tout de travers ! …si on n’a même pas réussi à leur montrer comme c’est beau un rendez-vous d’amour… et qu’on leur a fait croire que c’était une obligation.

Et les premiers responsables, c’est nous, les prêtres. Du moins ceux qui ont prêché cela, à une certaine époque. Ceux qui vous ont fourré dans la tête que la messe du dimanche était obligatoire.

Alors qu’il me semble que… pour ce qui est de l’amour charnel, Chers Amis, le samedi soir… ou tous les autres soirs (ou le matin, faites comme vous voulez, je ne suis pas un spécialiste), il me semble qu’on n’a pas mis tellement longtemps à comprendre que c’était parfaitement débile de raisonner en parlant d’OBLIGATION dans ce domaine, de DEVOIR CONJUGAL…

Pourquoi mettons-nous si longtemps à comprendre que pour la messe, c’est la même chose ?

C’est un rendez-vous d’amour, c’est pas un devoir, une obligation…

Combien de fois dois-je aller à la messe ? Si j’y vais le samedi, est-ce que ça compte pour le dimanche ?

Transposez…

Combien de fois dois-je répondre si mon partenaire me dit « je t’aime » ? Est-ce que si je lui dis le samedi, ça compte aussi pour le dimanche ?

Absurde, hein ? C’est la même chose. C’est le même amour.

Et l’Amour, ce n’est pas un sordide calcul d’épicier. Ça ne se calcule pas. En Amour on ne compte pas. On donne sans compter.

Et dans l’Evangile d’aujourd’hui, c’est exactement le même calcul d’épicier que font les Sadducéens avec Jésus. Ils raisonnent en termes de devoirs, de règles, de lois. Et vous avez entendu la réponse de Jésus, ça claque comme un coup de fouet : « Dieu n’est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des VIVANTS !! »

Tant que vous enfermez l’autre dans une règle, vous le faites mourir. Dieu nous libère de cela, il est le Dieu des vivants.

Ça veut dire : il n’est pas le Dieu de ceux qui viennent à l’Eglise parce que c’est dimanche et que c’est obligatoire… la Foi est morte, dans ce cas-là.

Il n’est pas le Dieu des hommes et des femmes qui consentent encore à un devoir conjugal de temps en temps, sans tendresse aucune, sans amour, de manière hygiénique comme on disait aussi parfois. L’amour est mort dans ce cas-là.

Notre Dieu n’est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants.

Le Dieu de ceux qui ont compris – comme vous – qu’aller à la messe, c’est venir communier tendrement, amoureusement avec celui qui nous aime du plus grand Amour, sans compter. Avec celui qui nous aime du plus grand amour, sans compter. Avec celui qui n’a tellement pas compté qu’il a donné sa vie par amour pour nous.

Et qui nous le redit à chaque Eucharistie : « Ceci est mon corps, livré, donné, offert pour vous ! »… Les amoureux, ça ne vous rappelle rien ? « Ceci est mon corps que je te donne dans un acte d’amour… » C’est la même chose ! C’est le même amour !

Dieu nous aime comme ça, il nous aime charnellement ! Ce n’est pas moi qui le dis, hein, c’est Benoît XVI qui l’a écrit, dans un texte. Il nous aime comme ça, jusqu’à nous donner son corps comme les amoureux se donnent l’un à l’autre.

Ceci est mon corps livré pour vous… vous y penserez tout à l’heure !

Dans la deuxième lecture de ce dimanche, Paul nous demande de prier, mais de prier ce Père qui nous AIME, dit-il. L’amour transcende tous les textes de l’Ecriture.

Et même notre première lecture qui était un peu plus sombre, l’histoire des 7 martyrs, c’est dans la prière, dans l’amour infini de Dieu qu’ils trouvent la force d’aller à la rencontre de la mort, parce qu’ils savent qu’ils vont vers l’Amour et pas vers la mort. Il n’y a qu’une syllabe de différence et pourtant ça change tout ! Ils vont vers l’amour infini de Dieu.

Ils ont compris, tout comme Paul, que la prière, ce n’est pas réciter une petite poésie par habitude, comme on accomplirait son devoir conjugal parce qu’il faut bien le faire…

La prière, tout comme l’amour, c’est une force gigantesque qui est capable de donner la vie.

Et Paul concluait l’extrait que nous avons lu par ces mots extraordinaires : « Que le Seigneur vous conduise à l’AMOUR DE DIEU ! »

C’est bien d’amour dont il s’agit. Que le Seigneur vous conduise à l’amour de Dieu…

Alors Frères et Soeurs, je vous en supplie, prenons conscience que la messe, ce n’est pas le devoir conjugal du Chrétien, c’est la joie infinie de celui ou de celle qui retrouve son amoureux, son amoureuse… C’est le Christ qui prend une page de nos vies et qui y écrit ‘je t’aime’, du haut en bas, ligne après ligne, sur toute la longueur de la page. Et sur toutes les pages du livre de nos vies.

L’Amour que Dieu a pour nous, Chers Amis, c’est le même Amour qu’entre deux êtres qui s’aiment… il est juste multiplié à l’infini.

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Bex, samedi 9 novembre 2019, 18.00

Villars sur Ollon, dimanche 10 novembre 2019, 10h (version enregistrée)

La Luette, dimanche 10 novembre 2019, 18.30

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  1. Pralong

    Merci Vincent pour cette magnifique homélie. Je comprends mieux que j’ai parfois envie d’aller à la messe même si c’est à 7 h. Je sens que j’y suis invitée par amour du Christ. C’est pour moi un moment privilégié qui m’aide pour toute la journée. Et certains dimanches quand je ne peux pas y assister, je l’écoute à la radio , je la vis mais il me manque de recevoir Jésus -hostie, la messe me semble incomplète. Que l’éducation de mon enfance est loin avec l’obligation !! Merci de l’avoir exprimé dans cette homélie.

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