En marche… arrière !

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Homélie pour le 13e dimanche ordinaire, C

1Rois 19,16b.19-21 / Psaume 15 / Galates 5,1.13-18 / Luc 9,18-24

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

Chers Amis,

Peut-être vous est-il déjà arrivé la scène suivante, en prenant votre voiture :

Vous démarrez, vous posez une main sur le volant, l’autre derrière l’appuie-tête du passager, prêt à la marche arrière. Vous tournez la tête en arrière et vous appuyez sur la pédale… Et vous partez EN AVANT, parce que vous avez oublié d’enclencher la marche arrière.

J’en connais qui ont refait leur pare-chocs avec ce genre de plaisanteries… Quand ce n’est pas le pare-chocs du voisin ou carrément le mur de la propriété.

Autrement dit, et c’est la logique la plus élémentaire, on tombe tous d’accord sur le fait qu’on ne regarde pas en arrière lorsque notre véhicule est prêt à avancer droit devant.

Et voyez-vous, c’est précisément ce que Jésus nous dit dans l’Evangile de ce soir.

Alors, bien sûr, il utilise une autre image, l’image de la charrue à la place de la voiture, parce qu’il faut bien reconnaître que les voitures étaient assez rares à l’époque de Jésus… Mais c’est la même image.

« Celui qui met la main à la charrue – dit Jésus, c’est à dire celui qui s’apprête à avancer – celui-là qui met la main à la charrie et qui regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. »

Il dit cela en conclusion de notre Évangile de ce soir. Auparavant, il a utilisé plusieurs images pour dire cette même idée, cette même chose.

À l’un de ceux qui le suivent, il a bien fait comprendre que la route allait être difficile, sans aucun endroit où reposer la tête… Celui qui veut suivre Jésus tout en conservant son petit confort personnel, celui-là est assez mal barré… Parce que Jésus est Chemin… Et lorsqu’on est en chemin, on s’arrête, oui, mais pour mieux repartir.

À un autre, prêt lui aussi à suivre Jésus mais qui veut d’abord aller enterrer son père, Jésus dit cette célèbre phrase :

« Laisse les morts enterrer leurs morts »… Celui qui veut suivre Jésus tout en s’occupant de ce qui n’est plus, de ce qui meurt, du passé, celui-là est assez mal barré… Parce que Jésus n’est pas la mort, il est la Vie…

Alors… bien sûr que c’est noble d’enterrer ses morts, j’y reviendrai. Mais ce n’est pas ça que veut dire Jésus.

Au troisième, qui veut d’abord prendre le temps de dire au revoir avant de suivre Jésus, il est donné l’image de la charrue et du regard en arrière… Celui qui veut aller de l’avant avec Jésus tout en regardant en arrière, celui-là est lui aussi assez mal barré… Parce que Jésus est Vérité, et la vérité ça se regarde en face.

On retrouvait cette idée dans notre première lecture, dans le premier livre des Rois, de manière plus radicale encore.

Il y avait là le prophète Élie qui appelle Élysée, mais ce dernier demande à aller d’abord saluer les gens de sa maison. Cela part d’une bonne intention.

Mais si on suit la logique de l’Evangile, on a envie de dire à Elysée : « Attention ! Tu regardes en arrière. Peut-être es-tu mal barré, toi aussi ! »

Seulement Élysée est un prophète. Il comprend cela, et il ne va pas se contenter d’aller saluer les gens de sa maison, il ne va pas regarder EN ARRIERE mais bien regarder vers l’avant.

Car il y a un moyen d’aller saluer les gens de sa maison tout en regardant vers l’avant.

Souvenez-vous du texte. Il va immoler les bœufs qu’il avait – et qui ne lui serviront plus à rien sur le chemin – pour donner à manger à toute sa maison. Ce faisant, il est tout entier tourné vers l’avenir de son prochain, avant de se tourner vers son propre chemin, vers son propre avenir à lui.

On peut s’occuper d’aller dire au revoir aux nôtres si l’on est tourné vers l’avenir, pour eux aussi.

On peut s’occuper d’enterrer nos morts, c’est même un devoir.

Mais à condition d’être tournés vers la vie, vers la suite, vers la vie qui continue !

Lorsque nous célébrons des obsèques en communauté, comme nous l’avons vécu magnifiquement hier, c’est pour les vivants que nous le faisons d’abord. Pour entourer la famille du défunt, pour ceux qui restent, pour ceux qui vont avoir à continuer le chemin.

C’est en ce sens aussi que notre évêque nous rappelle que c’est un non-sens les obsèques « dans l’intimité ». Même quand ça a été demandé par le défunt ! Parce qu’on célèbre non pas pour le mort mais bien pour les vivants, et notamment pour les gens du village qui ont besoin eux aussi de faire leur deuil et de dire au revoir à la personne.

Très souvent, ça part d’une bonne intention. Le défunt ne voulait pas embêter, il disait dans ses dernières volontés : « Vous ferez un petit truc dans l’intimité, c’est pas très important… » Mais souvent, il ne se rend pas compte : on célèbre pour les vivants, bien sûr. Pour ceux qui restent. Et notamment pour tout le village.

Ce serait infliger une gifle monumentale aux habitants d’un village que de les empêcher de dire au revoir à l’un des leurs.

Et il n’y a rien de pire qu’un deuil qu’on n’a pas pu célébrer, même s’il s’agit de quelqu’un qui n’était pas de notre famille. Parce qu’alors ce deuil nous enferme, il reste quelque chose d’inachevé en nous, vous avez remarqué ? On n’arrive pas à le vivre correctement, ce deuil.

Et c’est logique : on ne peut être vraiment libre que si l’on s’est affranchi de tout ce qui nous retenait en arrière. On ne peut être vraiment libre que si l’on a d’abord pensé à son prochain, vivant, avant notre propre intérêt.

On ne peut laisser passer un défunt librement que si l’on a pensé à ceux pour qui il était important.

Nos ados croient souvent que la liberté, c’est le jour où ils pourront faire tout ce qu’ils veulent, sans que les parents soient là pour leur dicter leur conduite. Les ados pensent qu’être libre, c’est faire ce que l’on veut.

C’est exactement l’inverse que dit Paul aux Galates, dans la deuxième lecture. Les Galates sont un peu les adolescents de l’époque de Paul. Ils sont persuadés qu’il faut se libérer pour faire ce que l’on veut.

Et Paul leur rappelle que la liberté, ce n’est pas celle de tout faire à notre guise. La liberté, c’est d’abord celle qui nous permet d’aimer notre prochain avant de nous aimer nous-mêmes, ou au moins de la même manière. De penser aux autres avant de penser à notre propre envie. Toute la Loi, nous disait Paul, s’accomplit dans ce dernier commandement, « aime ton prochain comme toi-même ».

On le connaît bien, ce commandement suprême. Mais attention, il va loin… Il va loin, ce commandement des commandements ! Aime ton prochain comme toi-même, ça veut dire aussi qu’il faut tenir les deux éléments ensemble. Aimer notre prochain… comme nous-mêmes. On ne peut pas aimer notre prochain si l’on se dénigre soi-même.

Ou alors on ressemble à celui qui tient la charrue mais qui regarde en arrière.

On ne peut pas être chrétien et faire une chose tout en pensant le contraire. Ce ne serait pas honnête. Parce que Jésus est Vérité.

On ne peut pas être chrétien et accorder plus d’importance à la mort – et aux désirs d’un mort – qu’à la vie et aux besoins des vivants. Parce que Jésus est la Vie.

On ne peut pas être Chrétien et rester sclérosé sur place, sans plus du tout avancer, voire même en reculant. Parce que Jésus est le Chemin sur lequel nous avançons.

C’est la raison pour laquelle le pape François ne cesse de nous rappeler que ceux qui disent « on a toujours fait comme ça, il n’y a pas de raison de changer », n’ont pas un raisonnement chrétien.

De même ceux qui répètent à longueur de journée que « c’était mieux avant ». C’est une erreur, pour le pape François. Avec Jésus, ce sera toujours mieux après. Parce que Jésus est un Chemin sur lequel nous avançons. Parce que Jésus est Vie. Parce que Jésus est Vérité.

Cela signifie qu’il n’y a pas de vie sans cheminement, et que la vérité consiste justement à regarder en avant et non pas en arrière.

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Vex, samedi 29 juin 2019, 18.30

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