En paroles et en gestes

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Homélie pour la Cène du Seigneur

Exode 12,1-8.11-14  /  Psaume 115  /  1Co 11,23-26 / Jean 13,1-15

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

NDLA : L’homélie de ce soir-là contenait aussi une vaste partie expliquant mon départ de mes paroisses actuelles. Pour respecter l’immense majorité des visiteurs de ce site non-concernés par ce départ mais qui cherchent une homélie dans son intégralité, je ne publie ci-dessous que la partie traitant des textes bibliques. Vous trouverez l’autre partie sous « Explications d’un départ » > ici <

 

Chers Amis,

 

Je vous renvoie six ans en arrière – ah pour les servants de messe ça fait loin ! C’était le 13 mars, le 13 mars il y a six ans, le 13 mars 2013.

Un homme en blanc dont nous découvrions alors le nouveau visage et le nouveau nom – François – un homme en blanc s’inclinait devant le monde entier, du haut d’un balcon sur la place St Pierre à Rome.

Sur cette même place où nous verrons ce même homme pour la plupart d’entre vous les servants, mercredi prochain.

Ce geste du pape François a marqué le monde entier, et vous, Chers Amis, et moi aussi.

Ce geste de s’incliner devant nous tous nous a marqués, d’abord parce que s’incliner devant l’autre par respect, c’est un très beau geste mais que notre monde occidental ne connaît pas tellement.

C’est plutôt la mode en Orient de s’incliner comme ça, pour se dire bonjour. Ou alors dans les arts martiaux, mais ça c’est autre chose.

Voilà un geste que vous ne faites pas systématiquement en rencontrant quelqu’un dans les rues d’Evolène, d’Hérémence ou de Vex, que je sache.

Pourtant, ce très beau geste, vous allez le voir à nouveau tout à l’heure lors de l’encensement, quand je m’inclinerai devant vous. Vous allez le voir aussi quand je m’abaisserai à vos pieds, tout à l’heure, pour vous les laver. A ceux qui voudront.

C’est très beau de s’incliner devant l’autre, « devant la terre sacrée de l’autre », comme le dit le pape François.

Et de façon générale, chaque geste que nous faisons – si c’est un beau geste – chaque geste est important.

On peut dire de belles choses, mais si les actes ne suivent pas, vous savez ce qu’on dit, après : « parole, parole, parole… » Il parle bien, mais les actes… ça suit pas !

Vous voyez, dans quelques semaines et pour la dernière fois de mes cinq années passées parmi vous, je vais organiser une « Eucharistop » avec les jeunes de la Confirmation qui voudront bien répondre à cette invitation.

Une « Eucharistop » c’est une Eucharistie au cours de laquelle les participants peuvent stopper l’action en levant la main, pour poser une question. Une question sur ce qui est en train de se passer, sur le sens de ce que l’on est en train de vivre. « Pourquoi tel geste ? Pourquoi est-ce que tu as embrassé l’autel ? Pourquoi est-ce qu’on doit se faire trois petites croix comme ça ? Et qu’est-ce que ça veut dire, ces trois croix ? Et pourquoi est-ce qu’on est à genoux ? Et pourquoi est-ce qu’on est assis maintenant ? Et pourquoi est-ce qu’on sera debout tout à l’heure ? »

Il y a plein, plein, plein de gestes que nous faisons à la messe et l’« Eucharistop » des Confirmands les aide à mieux comprendre les gestes de la messe.

C’est important, notre position. Qu’on soit assis, debout, à genoux. Essayez de prier chez vous dans différentes positions… Essayez une fois à genoux, essayez une fois debout, essayez une fois assis une jambe croisée sur l’autre, eh bien vous allez faire trois prières complètement différentes ! Même si vous priez le même texte ! Le corps a une importance, dans notre prière.

Et vous voyez, chers Amis, tous les textes de ce soir nous parlent de ces gestes que nous refaisons parfois sans les comprendre ou sans y penser, parce que… on le fait toujours comme ça.

La première lecture, d’abord, ce texte qui nous rappelait le repas pascal des Juifs, et qui nous rappelait que ce repas, vous l’avez entendu, était pris en état d’alerte.

Je ne sais pas si vous avez déjà pris un repas en état d’alerte… eux, on l’a entendu, ils le prenaient debout, le bâton à la main, au cas où il faudrait partir tout de suite. Cela signifiait l’urgence d’échapper à la menace… qui s’appelait alors Pharaon.

Essayez de manger une fois debout avec un bâton à la main. Je l’ai fait sur les chemins de Compostelle, un jour à midi où il y avait l’orage qui menaçait. On a mangé debout parce qu’il fallait peut-être repartir tout de suite !

Essayez une fois, vous verrez : ça change considérablement votre repas !

En refaisant ce geste, en prenant ce repas debout chaque année au moment de la Pâque, et Jésus le faisait, lui aussi, les Juifs se rappelaient de leur Exode, du danger qui rôdait, cette nuit-là, de l’urgence de fuir Pharaon.

Et c’est pour rappeler cela que nous aussi, tout à l’heure, nous le ferons.

Mais oui ! L’Eucharistie, c’est un repas, et nous le prenons debout, bien sûr. Pour se rappeler l’urgence du repas de cette nuit-là.

Et ce n’est pas qu’une vieille histoire, chers Amis : dans plusieurs pays du monde, ce soir encore, il y a des gens qui prennent leur repas en état d’alerte, parce qu’ils sont dans un pays en guerre par exemple. C’est aussi en respect pour eux que nous prenons notre repas debout, à la messe, en respect pour toutes les personnes qui sont en état d’alerte. Souvenons-nous-en, quand nous irons communier tout à l’heure.

Nous les Chrétiens, nous avons notre histoire, nous avons des ancêtres, le peuple Juif. Et la première lecture nous enracinait dans les gestes du passé, les gestes de nos ancêtres.

Le psaume, ensuite, nous appelait à dire « merci » pour la libération de ce peuple. Parce que sans cette libération, nous ne serions pas là ce soir pour le fêter.

« Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » a chanté Claudy dans le psaume. Et la réponse était aussi un geste, vous y avez peut-être fait attention : « J’élèverai la coupe du salut, je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce. »

Mais c’est exactement ce que Claudy, votre futur nouveau curé, fera tout à l’heure, au moment de l’Eucharistie. Il va monter la coupe – non pas parce qu’il a gagné le championnat du monde – mais parce qu’il élève la coupe du salut. Comme le disait le psaume. La coupe du sang du Christ.

Et le mot « Eucharistie », veut dire « merci » en grec. Chaque fois qu’on célèbre la messe, c’est une manière pour nous de dire « merci » au Seigneur. En élevant cette coupe, en fractionnant du pain.

Alors vous me direz que dans le psaume il n’y avait que la coupe, il n’y avait pas le pain. Et vous aurez raison !

Mais le pain se trouvait dans la deuxième lecture, dans la lettre de Paul aux Corinthiens.

Cette fois c’est le geste de Jésus que nous rappelait Paul, avec ces mots que nous connaissons par cœur, qu’on entend à chaque messe : « La nuit même où il fut livré, le Seigneur prit du pain, puis, ayant rendu grâce – eucharistie… – il le rompit… » etc., etc., on connaît la suite.

Et Paul conclut en donnant tout son sens à ce geste : « Ainsi, dit Paul, chaque fois que vous mangez ce pain, ce soir encore, chaque fois que vous mangez ce pain, chaque fois que vous buvez à cette coupe – et vous pourrez y boire ce soir comme il est de tradition de le faire le Jeudi Saint – à chaque fois que vous faites cela vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. »

Ce n’est pas un geste du passé, c’est un geste pour l’avenir. On fait ça pour que Jésus revienne. C’est un geste qui est tourné vers le futur.

Nous avons donc, nous les Chrétiens, des gestes du passé pour nous souvenir de nos ancêtres, des gestes pour faire venir Jésus dans le futur.

Et le présent, alors ?

Eh bien le présent c’était l’Evangile qui nous le donnait.

Jésus qui, se fait serviteur alors même que ses disciples le tiennent pour maître. Il prend un linge, il prend de l’eau, il s’incline – tiens tiens ! – il s’incline devant eux et il leur lave les pieds.

Et Jésus reprend place à la table, et il dit : « Est-ce que vous comprenez ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître, mais je ne suis qu’un serviteur… Et si j’ai fait ce geste c’est pour vous apprendre à vous, à vous le faire les uns aux autres. »

Dans quelques minutes, Chers Amis, je vais passer parmi vous pour refaire ce geste de Jésus.

———– ici une partie significative a été ôtée. On la trouve dans « Explications d’un départ » > ici < ————

Le jeudi saint ça devrait être aussi la fête de tous les baptisés. Et j’aimerais terminer avec cela. Parce que ce jour institue le lavement des pieds, et il n’y a pas que Claudy et moi qui avons des pieds. Vous en avez tous. C’est donc la fête de tous les baptisés, le lavement des pieds.

Ce jour institue le geste de charité totale que nous nous devons les uns aux autres.

Les gestes de l’Eucharistie sont faits par les prêtres, pour vous. D’accord.

Mais le geste du lavement des pieds, la charité envers chacun… ce geste-là doit être fait par chaque baptisé pour ses frères et sœurs.

Alors seulement, nous mériterons ce beau nom de Chrétiens, au service les uns des autres, sans autre gestion, sans autre fortune, sans autre pouvoir que celui de l’Amour. L’Amour aux yeux ouverts pour mieux voir de quoi notre prochain a réellement besoin.

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Evolène, jeudi 18 avril 2019, 20.00

 

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