Et si la brebis perdue… c’était moi ?

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Homélie pour le 24e dimanche TO, année C

Exode 32,7-14 / Psaume 50 / 1Timothée 1,12-17 / Luc 15, 1-32

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Vous savez, à chaque fois que j’entends la deuxième lecture d’aujourd’hui, la lettre à Timothée, je vois en miroir l’homme que j’étais il y a vingt ans. Enfin quand je dis « l’homme »… je devrais dire le gamin que j’étais il y a vingt ans.

Oh j’étais majeur, hein ! Il y a vingt ans j’avais 24 ans… comme ça vous connaissez mon âge… J’étais majeur pour la loi, mais quand à être un adulte, c’est autre chose ! J’étais plutôt un gamin. Et notamment vis-à-vis de Dieu – je vous relis la phrase que St Paul disait dans la deuxième lecture : « Autrefois, je ne savais que blasphémer, persécuter, insulter. »

C’était assez moi, je vous assure. Vous ne vous en rendez pas compte maintenant… Mais j’étais toujours plus prompt à juger mes semblables, dans mon cœur d’abord, à regarder ce qui n’allait pas chez l’autre, à le lui dire parce que, comme Genevois, ma bouche est plus élastique que les autres, n’est-ce pas…

Oh, ça m’arrive encore, mais Dieu merci beaucoup moins souvent qu’avant… le Seigneur n’a pas tout à fait réussi à me fermer la bouche, mais il y travaille, hein… il y travaille !

Et vis à vis de Lui, j’entretenais des rapports assez conflictuels à l’époque. J’étais plus souvent là – pardonnez-moi l’expression – pour l’enguirlander, lui demander des comptes, lui dire : « Pourquoi est-ce qu’il y a telle souffrance, tel mal dans le monde ? Pourquoi Seigneur ? » J’étais plus souvent avec des « pourquoi » qu’avec des « merci », en fait…

Quant à la première lecture, le Veau d’Or de l’Exode, ça me correspondait assez bien aussi. Parce que, dans mon ancienne vie, j’étais comédien (je faisais du théâtre, j’animais à la radio, etc) et donc je vivais dans le monde des artistes… C’est un milieu où on ne gagne pas forcément de l’or, mais où le plaqué-or, le clinquant, l’apparence sont très importants.

Le Veau d’Or des artistes, c’est leur grosse tête, c’est leur égo. Une statue sur laquelle on n’en finit pas de plaquer des couches d’or.

J’ai vécu cela et mes amis de l’époque – dont certains me supportent encore aujourd’hui – vous le diraient mieux que je ne saurais le faire. Il y a d’ailleurs encore quelques restes de vernis qu’il me faudrait gratter un peu, je crois.

Un jour j’ai dit au Seigneur les mots du psaume que nous avons entendu. Je les ai dits par l’intermédiaire de mon père spirituel, chez qui j’étais allé me confesser. Et j’ai dit au Seigneur ces mots que vous avez entendus : « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, efface mon péché selon ta grande miséricorde, lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Crée en moi un cœur pur… Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange. »

Pour un Genevois, demander au Seigneur de lui ouvrir les lèvres… j’avoue que c’était un peu gonflé quand même…

Mais j’ai compris peu à peu que c’était des lèvres de mon cœur qu’il s’agissait. C’est mon cœur que le Seigneur devait m’ouvrir pour que ma bouche puisse annoncer sa louange.

Et il y avait du boulot, j’aime mieux vous dire…Et il y a encore du boulot !

Mais aujourd’hui, je suis heureux – pas seulement d’être là, ce matin avec vous – mais je suis heureux puisque depuis bientôt dix ans le Seigneur a fait de moi un serviteur, un prêtre. Ce n’est rien d’autre que cela, un prêtre : c’est un serviteur au service des gens auxquels il est confié. Le Seigneur m’a libéré de ma vie d’avant.

Et je vous relis la suite de la lettre de Paul à Timothée : « je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force, Jésus-Christ notre Seigneur, car il me fait confiance en me chargeant du ministère. »

Eh bien je peux tout à fait reprendre cette phrase à mon compte : il me fait confiance en me chargeant du ministère… notamment du ministère du service, pour vous. Et c’est vrai, au fond… c’est ce que le Seigneur a fait de moi.

Et il m’arrive encore souvent de lui demander, en doutant : « Seigneur, mais pourquoi moi ? »

« J’étais l’un des pires, un de ceux qui ne venaient que très rarement à l’église et quand j’y venais c’était plutôt pour te demander des comptes… Alors pourquoi moi ? Pourquoi m’as-tu demandé à moi de prendre cette place-là, d’annoncer ta bonne nouvelle aux autres ? Pourquoi as-tu fait de moi un de tes serviteurs ? Seigneur, pourquoi moi ? »

Et je relis la suite de la lettre de Paul : « Voici une parole sûre : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, et moi le premier, je suis pécheur, mais si le Christ m’a pardonné, c’est pour que je sois le premier exemple de ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle. »

Paul était pécheur ! Il n’écrit pas au hasard ce texte-là… Il était persécuteur de Chrétiens, et Dieu non seulement l’a pardonné, mais c’est lui qu’il a choisi pour annoncer sa bonne nouvelle aux autres !

Le Seigneur est un spécialiste des erreurs de casting… Il appelle toujours ceux qui, à priori, ne sont pas faits du tout pour telle ou telle place…

Aussi, quand on vous demande un service en Eglise, si vous commencez par dire : « Oh non, alors, vous savez, moi je ne suis pas du tout fait pour ça ! » …c’est bon signe ! C’est comme ça que fonctionne le Seigneur, très très souvent.

Et, me concernant, il a dû se dire que, comme j’avais une bouche assez grande pour le critiquer, elle pouvait aussi servir à proclamer ses louanges.

Et ça me ramène, pour terminer, à l’Evangile que nous avons entendu. L’histoire de la brebis perdue. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais on a tendance à voir la brebis perdue comme « l’autre »…

La brebis perdue, c’est celle qui n’est pas ici, ce matin, sur ces bancs, c’est celle qui est en dehors de la communauté.

Le mouton noir, vous savez ? Sans référence aucune à une vieille affiche politique ni à une couleur de peau, qu’on soit bien d’accord ! Mais le mouton noir, l’autre, celui qu’on n’aime pas, celui qui ne suit pas le même chemin que nous, celui qui ne nous revient pas.

Celui dont on dit : « J’ai rien contre ces gens-là, vous savez, mais ils sont pas comme nous… ».

Celui qui ne nous revient pas… on a tendance à croire que c’est celui-là, la « brebis perdue ».

Mais en relisant bien tous ces textes, j’ai compris pour ma part que la brebis perdue, c’était moi !

C’est moi que le Seigneur est venu rechercher. C’est moi pour qui il a donné tout son temps, toute son énergie comme il le fait pour la brebis perdue, comme le fait cette femme pour la pièce qui lui manque.

C’est moi qu’il est allé rechercher…

Et il me semble que que chacun de nous peut éventuellement se dire ceci : et si la brebis perdue ce n’était pas « l’autre » mais peut-être moi ? Et si le Seigneur était venu me chercher dans ma vie, d’une manière ou d’une autre ?

Essayons de repenser à ces moments où le Seigneur nous a aidés… peut-être bien que c’était nous, alors, sa brebis perdue…

Et en cette journée fédérale d’action de grâces, je pense que nous pourrions dire MERCI au Seigneur d’être venu rechercher chacune des brebis que nous sommes à chaque fois que nous égarions. Et de continuer à le faire, parce qu’il le fait encore.

Alors Seigneur, j’aimerais te dire MERCI. Je suis dans la joie ce matin, dans la gratitude en cette journée d’action de grâces. Et je le suis parce que tu m’as relevé, tu es venu me rechercher, ouvrir les lèvres de mon cœur pour que ma bouche puisse vraiment proclamer ta louange.

Aide-moi à le faire chaque jour un peu mieux, au service des gens auxquels tu m’as confié.

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Roche, samedi 14 septembre 2019, 18.00

Aigle, dimanche 15 septembre 2019, 10.00 (version enregistrée)

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