Faites passer !

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Homélie pour le 27e dimanche TO, année C

Habacuc 1,2-3;2,2-4 / Psaume 94 / 2Timothée 1,6-8.13-14 / Luc 17, 5-10

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Serviteur, Madame !

 

On n’entend plus beaucoup cette expression, cette belle expression… Elle appartient maintenant aux romans du passé, aux films historiques parfois…

Pourtant c’était beau ! C’était ainsi que l’on prenait congé de quelqu’un, jadis : « Serviteur, Madame ! » « Serviteur, Monsieur ! » Un abrégé de ces formules, aujourd’hui si peu utilisées, dans les lettres : « je vous prie de croire que je suis, Madame, votre humble et dévoué serviteur. »

Evidemment, à la fin d’un e-mail ou d’un SMS, ça surprendrait !

Aujourd’hui c’est : « Tchô bonne » ! Ou « A+ ».

« A+ » c’est pratique, notez. Ça permet de donner son groupe sanguin en même temps… à condition que ce soit le bon, évidemment ! …

« A+ » mon Dieu que c’est pauvre ! Deux signes !

« Serviteur, Madame… » C’était quand même autre chose. Et ça disait parfaitement ce qu’essayait de nous apprendre Jésus dans l’Evangile de ce soir : nous sommes vous et moi des serviteurs. Tous, sans exception. Nous sommes serviteurs de nos prochains.

« Serviteurs inutiles », disait même l’ancienne traduction qui nous écorchait un peu les oreilles parce qu’on n’aime pas qu’on nous dise qu’on est inutile… Mais le cimetière est plein de gens qui se croyaient indispensables, nous le savons bien !

« Simples serviteurs » dit la traduction d’aujourd’hui. Ça passe un peu mieux quand même ! Mais, au fond, ça dit la même chose : le serviteur ne doit jamais tirer orgueil du service qu’il rend. Et surtout, il ne doit rien attendre en retour. Ça, c’est plus difficile !

Je connais bien des personnes qui usent des services comme d’un marchandage : « Je te rends volontiers un service mais… à charge de revanche comme on dit ! A toi de me renvoyer l’ascenseur, le moment venu. »

Et en période d’élections… inutile de préciser davantage ce que l’expression « renvoyer l’ascenseur » peut signifier !

Mais ce n’est pas ça, le service. Le service, par nature, est désintéressé. Le vrai service…

On ne change pas le monde à coup de renvois d’ascenseurs, certainement pas ! On tourne en rond ! Le serpent se mord la queue ! Si chacun rend service à la personne qui lui a elle-même rendu service, on fait du ping-pong, mais c’est tout ! On ne va pas bien loin !

Quand quelqu’un me demande comment il peut me rendre l’aide que je lui ai fournie, quelle que soit cette aide, je lui dis toujours « faites passer ! » « Passez plus loin, continuez la chaîne ! Rendez le même service à quelqu’un d’autre ! Ou un service équivalent, selon vos moyens ! A quelqu’un d’autre, pas à moi ! »

C’est ainsi que la chaîne d’amour peut continuer, et ce sera ma plus belle récompense que d’imaginer que celui à qui j’ai rendu service va le faire à son tour pour quelqu’un d’autre.

Un jour une personne dans le besoin est venue me voir en me disant :

–      L’autre jour, vous m’avez dépanné de 100 francs, je dois vous les rendre ! Je n’oublie pas.

–      Non, surtout pas ! D’abord je ne vous les ai pas prêtés, je vous les ai donnés ! C’est pas pour que vous me les rendiez ! Ensuite c’est pas pour autant que vous devez revenir et me donner à votre tour 100 francs, non, ça n’aurait aucun sens ! Passez plus loin ! Donnez à votre tour à quelqu’un qui en aura besoin. Et donnez l’équivalent…

Et attention, « l’équivalent », ça ne veut pas dire « la même chose ». Cette personne était très pauvre, il lui était impossible de donner 100 francs à quelqu’un. Je lui ai expliqué :

–      L’équivalent, pour vous, c’est peut-être de donner 5 francs à quelqu’un qui en aura besoin.

Et son regard s’est illuminé, elle m’a dit :

–       Mais alors si je donne 5 francs à quelqu’un, c’est comme si je vous avais rendu vos 100 francs ?

Je lui ai dit :

–       Voilà, vous avez compris !

C’est ça, la chaîne d’amour, le service.

Alors vous me direz, c’est bien joli, mais ça suppose la confiance dans la personne à qui on rend service. Evidemment. Il faut croire qu’elle va le faire à son tour, qu’elle va aider plus loin. Et nous ne serons pas forcément là pour le voir. Il faut donc une certaine dose de foi, de confiance…

Et vous aurez remarqué que Jésus, dans le même Evangile dans lequel il nous parle du service nous parle de la foi. « Si vous en aviez gros comme une graine de moutarde – c’est comme ça une graine de moutarde ! – eh bien les arbres se déracineraient sur votre ordre ! »

Eh oui, ça suppose la foi. Et même avec un tout petit peu de foi, un tout petit peu de confiance, on peut faire des miracles.

Cette personne est revenue me voir et m’a dit :

–      J’ai pas donné 5 francs. J’ai donné 10 francs !

Et je sais à quel point c’était immense pour elle !

Et elle m’a dit :

–      Je l’ai fait parce que vous m’avez fait confiance.

C’est ça, la foi, la confiance. Ça déplace des montagnes ! Pour cette personne, donner 10 francs c’était déplacer une montagne. J’ai eu confiance en elle et elle l’a fait.

Paul le disait à sa manière, dans la deuxième lecture : prenons notre part de l’annonce de l’Evangile, gardons-le dans toute sa beauté… Grâce à l’Esprit Saint, disait aussi Paul.

Alors, vous allez me dire : « il faut la confiance, et puis maintenant il faut l’Esprit Saint en plus ? ça commence à faire beaucoup, hein ! »

Mais l’Esprit Saint nous l’avons tous reçu. Au baptême. Nous l’avons tous reçu au baptême.

Alors évidemment, c’est comme… [montrant son smartphone :] c’est comme avec ces trucs-là, l’Esprit Saint.

C’est une application. On l’a téléchargée à notre baptême, mais ça ne suffit pas ! Il faut l’activer, ça c’est la Confirmation. Et puis ensuite il faut l’utiliser, c’est encore autre chose ! Si vous ne l’utilisez pas, ça ne sert à rien.

…Et puis il faut le recharger aussi, de temps en temps ! Exactement comme cet appareil-là. C’est ce que vous êtes venus faire ce soir.

L’Esprit Saint, ça se recharge à coup de sacrements, à coup d’Eucharistie reçue par exemple. On vient se recharger dans ce repas.

Autrement dit, nous avons tout ce qu’il faut pour avoir la bonne dose de foi, de confiance. Et il ne sert à rien de crier, crier vers le Ciel, comme le disait Habacuc dans la première lecture. C’est facile de crier vers le ciel. Bon, ça soulage, des fois, d’accord ! Mais ça ne suffit pas. C’est pas ça, la Foi.

Faire le bien autour de soi, rendre service, passer plus loin, continuer la chaîne d’amour, ça c’est ce que Dieu nous suggère.

Ma manière de le faire, comme tous mes confrères, c’est d’avoir donné ma vie pour vous. Mais je ne vais pas vous demander, à vous, de donner votre vie pour moi, vous voyez bien que ce serait absurde, la réciproque !

Je vous demande de continuer la chaîne. Rendez service autour de vous exactement comme les jeunes d’Intervalle nous rendent un magnifique service ce soir ! [Intervalle est le chœur qui chantait ce soir-là] Rendez service autour de vous, à la communauté, à d’autres, faites passer ! Continuez la chaîne !

Et en ce mois extraordinaire de la Mission, auquel nous invite le pape François, ce mois qui a commencé mardi passé, c’est exactement ce qu’il nous invite à faire.

Être missionnaire, c’est se souvenir qu’être Chrétien ça ne s’arrête pas à la porte de cette église, au contraire, ça commence dehors ! ça commence lorsque nous rentrons ce soir, dans nos familles, dans nos villages. Etre missionnaire de la joie de l’Evangile c’est continuer, continuer la chaîne d’amour, faire passer, rendre service plus loin.

Et lorsque la personne vous dira :

–      Comment est-ce que je peux te rendre ça ?

Vous lui direz :

–      Fais passer ! Continue la chaîne, passe plus loin, ne me rends rien, à moi ! Continue ! Sinon, ça va s’arrêter si on commence le circuit fermé…

Et ça fonctionne aussi, bien sûr, avec les marques de politesse que nous avons reçues de la part de nos ancêtres.

Plutôt que de critiquer, comme je l’ai fait tout à l’heure, le « A+ », faisons passer plus loin, dans notre époque, ce que nous avons si bien reçu des précédentes.

Et plutôt que de dire : « Serviteur, Madame ! » qui serait un peu vieillot aujourd’hui, lorsqu’on nous remercie de quelque chose que nous avons fait, répondons simplement : « Service ! »

Alors Chers Amis, si vous passez plus loin la chaîne d’amour que vous recevez ce soir dans l’Eucharistie, nous aurons réussi : nous serons tous au service de ce Dieu qui nous envoie en mission !

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Bex, samedi 5 octobre 2019, 18.00

Aigle, dimanche 6 octobre 2019, 10.00

La Luette, dimanche 6 octobre 2019, 18.30 (version enregistrée)

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