Gestes prophétiques de notre temps

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Photo réutilisable librement : Flickr – Capisc

 

Homélie pour le 26e dimanche TO, année C

Amos 6, 1a.4-7 / Psaume 145 / 1Timothée 6,11-16 / Luc 16, 19-31

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

J’aimerais quelques instants vous ramener en arrière, dans le temps. Je vous ramène 40 ans exactement en arrière. Pour certains d’entre nous c’est bien difficile – [à la servante d’autel :] Maya tu n’étais pas née, moi je n’étais pas bien vieux, j’avais 4 ans il y a 40 ans.

Je vous ramène précisément 40 ans en arrière jusqu’à la période qui va du 17 octobre 79 au 10 décembre de cette même année 79. Peut-être que certains d’entre vous qui sont jeunes depuis plus longtemps que les autres se souviennent de cette période dont je vais vous parler.

Peu avant ce 17 octobre 1979, une lettre part de Stockholm, en Suède. Cette lettre est adressée à une certaine Madame Agnès. Agnès Gonxhe Bojaxhiu pour être précis. La lettre traverse l’Europe, elle se rend en l’Asie par l’avion qui l’emmène jusqu’en Inde.

Elle contient un message très important qui provient de l’académie Nobel.

C’est un prix Nobel, le prix Nobel de la paix.

Prix Nobel décerné cette année-là à cette femme prénommée Agnès.

En Inde, les postes l’acheminent jusqu’à la ville de Calcutta. Jusqu’à une certaine rue. Un certain hôpital. Et le facteur la remet, cette lettre, à une petite dame en sari bleu et blanc. Agnès Gonxhe Bojaxhiu, c’est son nom de baptême, mais le facteur l’appelle Mère. Et c’est ainsi que nous la connaissons, sous son nom de religieuse, Mère Teresa de Calcutta.

Elle ouvre la lettre et elle découvre, un peu étonnée, cette distinction qu’on lui décerne au nom de son œuvre auprès des plus pauvres, des plus déshérités de ce monde.

Plus tard elle dira qu’elle a longuement hésité mais qu’elle l’a finalement accepté, ce prix Nobel, au nom de tous ceux qui souffrent, qui meurent. En fait, elle refuse ce prix pour elle-même, mais elle l’accepte pour eux, dira-t-elle. La remise est prévue le 10 décembre de la même année 79, à Stockholm, en Suède.

Et entre deux, entre ces deux dates, il se passa quelque chose qui est peu connu, peu raconté. Peut-être parce que les médias ont honte de nous le dire ou sentent confusément que la petite dame de Calcutta a accompli un geste véritablement humain, très éloigné du blin-bling des premières pages des journaux mais tellement proche de l’Evangile. Un geste qui lui ressemble, au fond.

Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire ?

Elle écrit pour accepter ce prix, je l’ai dit, non pas pour elle mais pour les plus démunis. Et en toute logique, puisque ce prix n’est pas pour elle mais pour eux, elle exige dans sa lettre que le banquet qui était prévu pour elle le 10 décembre – pour elle et les grands de ce monde – que ce banquet soit annulé, et qu’on donne aux pauvres l’argent qu’on aurait utilisé pour acheter des petits fours, du champagne, du caviar, du foie gras, etc.

Permettez-moi de vous relire le début de l’Evangile que nous venons de ré-entendre : « Le pauvre aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c’était plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies. »

Frères et Soeurs, peu de gens – je le crois – ont compris et appliqué cet Evangile comme l’a fait Sainte Mère Teresa puisqu’elle l’est, elle a été canonisée il y a trois ans vous le savez, à cette même période, le 4 septembre 2016, par notre pape François.

Alors bien sûr, vous allez me dire que nous ne sommes pas tous des saintes et des saints, même si nous avons tous vocation à le devenir, que nous ne pouvons pas tous agir comme Mère Teresa.

Je vous répondrai que nous appliquons l’Evangile à notre portée, chez nous, à notre porte à nous avec nos pauvres à nous, et c’est déjà pas si mal quand nous pouvons le faire parce que ce n’est pas simple d’arriver nous-mêmes, parfois, à joindre les deux bouts, à payer toutes nos factures…

Mais s’agit-il bien de cela dans cet Evangile ?

S’agissait-il bien de cela ce 10 décembre 1979 ?

Pas sûr.

Vous savez, ce qui se dégage d’une parabole, c’est souvent ce qu’elle met en lumière dans son entier et par sa pointe et par sa finale.

Que dit Jésus dans cette parabole ? L’homme riche, mort, dans la tourmente du Shéol, vient demander à Abraham d’avertir ses frères ici sur terre, de les avertir de ne pas garder tout pour eux comme il l’avait fait, lui. Il demande à Abraham d’ouvrir les yeux des gens qui sont sur terre par un geste prophétique.

Et Jésus lui répond qu’il y a déjà des gens qui s’en chargent. Moïse, les prophètes, les prêtres, les religieuses, les saintes, les saints de notre temps, tous ces serviteurs de Dieu qui sont là, parmi nous, Frères et Soeurs.

Qu’a fait Mère Teresa ce 10 décembre 79 ? Elle a posé un geste de prophète, un geste d’avertissement, un geste d’exemple.

Ce n’est pas SON argent qu’elle a donné. C’est l’argent superflu qui servait à lui rendre un honneur qu’elle refusait pour elle-même. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Mère Teresa se savait riche de beaucoup de choses et elle en faisait don aux pauvres bien sûr. Mais ce n’était pas forcément de l’argent, c’était du temps, c’était de la tendresse, c’était de l’affection, de la vivacité, de la prévenance, des soins… des gestes prophétiques.

Et Jésus nous avertit : il peut bien nous envoyer le plus grand des saints, le plus grand des miracles, si nous ne faisons même pas crédit à la parole des prophètes de ce monde, un miracle ne nous rendra pas la vue.

Alors Frères et Sœurs, saurons-nous, nous aussi, nous dépouiller de nos vraies richesses, de ce que nous avons de grand, de noble, de beau, pour en faire profiter nos frères et nos sœurs plus pauvres, conscients que la grâce de Dieu nous suffit amplement ?

Amos, lui aussi prophète de son temps, dans la première lecture le disait très bien : « Malheur à ceux qui se vautrent sur des lits d’ivoire… »

Je ne pense pas que ce soit votre cas ! Je n’ai jamais vu un lit d’ivoire, pour ma part.

Et Paul, dans notre deuxième lecture, ne s’adresse pas seulement aux religieux lorsqu’il dit : « Toi, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance, la douceur. » il nous le demande à tous, Frères et Sœurs. Nous avons tous à rechercher cette attention au plus petit de ses frères.

Je crois que c’est cela qui est important aujourd’hui. C’est à cela que Jésus nous appelle, ce dimanche. Et si, tout comme moi, vous n’êtes pas des saints, je crois que Jésus nous invite à écouter celles et ceux qui le sont, à reconnaître leurs gestes prophétiques dans notre temps, lorsqu’ils en posent, et à nous laisser interroger par ces gestes et par ces personnes.

MERCI Seigneur de nous ouvrir les yeux au travers de ces personnes que tu places sur nos chemins de vie et qui posent des gestes prophétiques. Aide-nous à les suivre à notre niveau, avec nos moyens, mais avec leur enthousiasme et leur Foi.

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Aigle, dimanche 28 septembre 2019, 10.00 (version enregistrée)

Euseigne, dimanche 28 septembre 2019, 18.30

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