Humilité… absente de Paris au Nigéria

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Photo DR : guillaumedoucere.canalblog.com

Homélie pour le Baptême du Seigneur, année B

Isaïe 55,1-11 / Cantique Isaïe 12 / 1Jean 5,1-9 / Matthieu 1, 7-11

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Chers Amis,

20 morts sont tombés en France et nous avons tous – tous – regardé cela à la télévision, écouté cela à la radio, lu cela dans les journaux, voire consulté cela sur Internet. Je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un parmi vous à qui je l’apprenne, ce matin.

Ces morts-là sont terribles, évidemment.

Mais dans le même temps, le même jour – mercredi – il y a eu 2’000 morts au Nigéria, assassinés par la secte Boko Haram a rasé le village de Baga. Pour les mêmes raisons imbéciles qui font massacrer au nom de Dieu.

D’un côté 20 morts qui nous touchent, à juste titre, qui soulèvent une indignation mondiale jusqu’au rassemblement qui aura lieu à Paris tout à l’heure, de l’autre côté 2’000 morts – 100 fois plus – dont quasiment personne ne vous a parlé.

Il y a un point commun pourtant entre ces deux crimes. L’extraordinaire manque d’humilité de ces fous de Dieu, de ces monstres qui tuent au nom de Dieu.

Je m’interroge avec vous, Cher Amis… Comment peut-on s’octroyer la mission de tuer au nom de Dieu ? Quel incroyable renversement des valeurs, quel manque flagrant d’humilité !

Alors attention, chers Amis, ne nous voilons pas la face, ne nous drapons pas dans le voile blanc de l’innocence : des gens qui se disent Chrétiens ont aussi tué au nom de Dieu, il n’y a pas si longtemps. Il n’est pas nécessaire de remonter aux croisades, ce que l’on fait toujours quand on parle de ces hérésies-là, il suffit de revenir quelques décennies en arrière au Rwanda – ce sont des Chrétiens qui ont tué au nom de Dieu, là-bas – ou, dans notre Europe dite civilisée, il suffit de remonter quelques années, en Irlande, pour trouver des gens qui ont tué d’autres personnes au nom du Dieu des Chrétiens.

A chaque fois, vous avez remarqué, c’est le même diagnostic : on dit qu’ils sont fous… Mais je m’interroge, chers Amis : est-ce qu’ils ont tué parce qu’ils étaient fous, ou est-ce nous qui les déclarons fous parce qu’ils ont tué ?

Au fond, ça nous arrange bien de les déclarer fous, ça nous évite de regarder en face les motivations qu’ils pouvaient avoir – légitimes ou non – cela nous évite de regarder en face de notre monde actuel, et notamment le formidable orgueil de l’humain face à ses dieux, quels que soient leurs noms.

Ces gens se sont crus des messagers de Dieu, ils ont oublié l’humilité que nous devons tous avoir face à Dieu, quel que soit le nom qu’on lui donne.

Devant Dieu, ce que vous êtes venus faire ce matin, d’ailleurs, on s’incline, on s’agenouille devant le mystère, mais on ne s’octroie pas une mission divine, non. Ça c’est de l’orgueil.

Et comme Dieu habite dans le visage de tout être humain, on s’incline devant nos frères et soeurs en humanité, on s’agenouille devant le mystère qui habite le coeur de nos prochains.

Cette humilité est le véritable enjeu de cette semaine. Pas la liberté, comme on vous l’a fait croire. L’humilité. C’est la posture nécessaire du croyant qu’il soit Chrétien, Musulman, Bouddhiste, Hindouiste, Juif, peu importe. Cette humilité qui nous empêche de nous croire supérieurs aux autres. L’humilité qui nous est rappelée par tous les textes de ce matin…

Le baptême du Seigneur, d’abord, dont nous venons de réentendre la version écrite par Marc. Les paroles de Jean le Baptiste sont splendides : « Voici venir celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. » …si ça, ce n’est pas de l’humilité…

…Je ne suis pas digne de détacher ses chaussures, voilà la posture de Jean-Baptiste face à son Dieu.

Que ce serait-il passé si, devant leurs victimes encore vivantes, les assassins de cette semaine, à Paris ou au Nigéria, s’étaient aperçu qu’ils avaient devant eux Dieu, dans chacun de ces visages terrorisés, et que ce Dieu-là, ils n’étaient même pas dignes d’en défaire les sandales ?

Que ce serait-il passé si, devant ce policier à terre, son agresseur pris d’un élan d’humilité lui avait tendu la main pour le relever, plutôt que de lui loger une balle dans la tête ?

Que ce serait-il passé si l’humilité les avait gagnés ? Eh bien il n’y aurait pas eu 2000 morts au Nigéria. Et pas non plus 20 à Paris d’ailleurs.

L’humilité, chers Amis… Isaïe, le prophète, en parlait lui aussi dans la première lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, disait le Seigneur par la bouche du prophète, vos chemins ne sont pas mes chemins. » Une manière de dire : « Vous n’êtes pas Dieu. Pour suivre Dieu, il y a un chemin d’humilité.« 

Et Isaïe avait aussi ces mots qui auraient bien servi devant la barbarie de ces derniers jours : « Que le méchant abandonne son chemin ! »

Que chacun retourne à sa place, autrement dit. A notre vraie place de petits êtres humains, humbles devant nos frères et soeurs en humanité.

Enfin, la deuxième lecture, la lettre de Jean, ne disait pas autre chose lorsqu’elle proclamait que celui qui rend le vrai témoignage – un mot en grec qui se dit « martyr » – celui qui rend le vrai témoignage ce n’est pas nous, c’est l’Esprit en nous, l’Esprit de notre baptême qui rend témoignage à Dieu. Il serait bon de le laisser parler de temps en temps.

Vous voyez, chers Amis, là où le mot « orgueil » semble inscrit en lettres rouge sang sur les 2’020 morts de cette semaine, et sur certaines des réactions qui ont suivi, aussi, d’ailleurs… le mot « humilité », lui, semble inscrit en lettres roses, plus discrètes bien sûr, comme en filigrane de nos textes de ce week-end.

Mais Dieu signe d’une autre manière ces trois textes, d’une manière plus étonnante encore : le prophète Isaïe nous parlait du Dieu Père – dont les pensées ne sont pas nos pensées – la deuxième lecture nous parlait du Dieu Esprit qui est en nous par le baptême, et l’Evangile parlait du Fils, baptisé dans le Jourdain.

Père, Fils, Esprit, Dieu signe les textes que nous avons entendus de sa propre main, et il y inscrit en lettres d’amour le mot « humilité ».

Peut-être avec un crayon de caricaturiste, allez savoir…

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Euseigne, samedi 10 janvier 2015, 18.00

Les Haudères, samedi 10 janvier 2015, 19.30

Hérémence, dimanche 11 janvier 2015, 9.00

Evolène, dimanche 11 janvier 2015, 10.30 (version enregistrée)

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  1. Marc-Antoine MOIX

    Parfaitement résumé. Dire qu’avec ce seul mot, mis en application bien sûr, l’on pourrait amener la paix dans le monde… et dans toutes les familles aussi d’ailleurs.

    Merci pour vos homélies.

    Marc-Antoine

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