Je m’en sortirai tout seul !

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Photo DR : sharetrip.eu

Homélie pour la Solennité de l’Immaculée Conception

Genèse 3,9-20 / Psaume 97 / Ephésiens 1,3-12 / Luc 1, 26-38

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Laisse, je m’en sortirai tout seul !

N’avez-vous jamais prononcé cette phrase, chers Amis ?

« Laisse ! Je m’en sortirai tout seul ! / toute seule ! » « Je ferai même » comme on dit chez nous… « Tu veux de l’aide ? – Non, non tout va bien… »

Et souvent, quand quelqu’un nous propose de l’aide c’est qu’il voit bien qu’on est débordé, pourtant. Et nous de répondre : « Non, non, t’inquiète, tout va bien ! » « Je gère… » comme disent les jeunes.

Cette incroyable incapacité que nous avons à recevoir de l’aide, elle est très profondément ancrée, vous savez, dans la pâte humaine dont nous sommes pétris. Ça fait partie de notre humanité. Et depuis la nuit des temps, nous voulons montrer aux autres que nous pouvons nous en sortir sans eux.

Et à fortiori, nous voulons aussi le montrer à Dieu. Je peux reprendre les phrases que je viens de vous dire et les décliner différemment, je pense qu’elles vous parleront tout autant :

« La confession ? Pas besoin du prêtre, moi je m’arrange directement avec Dieu ! »

« La messe ? Pas besoin d’y aller pour être chrétien ! Moi, je suis chrétien dans ma vie ! »

C’est la même idée. Sauf que là, c’est de Dieu dont on veut se passer. Mais c’est la même idée. Et ce vice qu’on appelle l’orgueil vient de loin, de très très loin.

C’est notre première lecture – la Genèse, les premières pages de la Bible – qui nous le rappelait, en nous contant l’histoire d’Adam et Eve et du péché des origines. Qui n’a rien de sexuel, faudrait peut-être le rappeler de temps en temps : le péché originel, c’est l’orgueil, chers Amis.

Et si vous avez bien écouté la première lecture, ce n’est que trop évident. Adam et Eve veulent s’en sortir sans Dieu. Et même pire, ils veulent prendre sa place. Puisque le serpent leur dit : « Il a la connaissance, mais si vous mangez de ce fruit, vous serez comme des dieux. »

Quand nous souhaitons contrôler les débuts de la vie ou abréger la fin de vie à notre guise, nous ne faisons pas autre chose, nous cherchons à prendre la place de Dieu.

Le péché des origines, c’est cela, chers Amis, c’est l’orgueil.

Alors c’est vrai que le monde ne nous aide pas tellement à comprendre cela. Parce qu’il y a toute une série d’expressions qui ont des connotations tout autres – à commencer par « croquer la pomme ».

Et pourtant c’est l’orgueil, le péché des origines. Le « capitaine des capitaux » comme le dit le théologien Pascal Ide. Très joli, comme expression : c’est celui qui entraîne bien d’autres péchés à sa suite.

Et nous l’avons TOUTES ET TOUS, celui-là. Ça fait partie de notre humanité.

Bien sûr, nous en sommes lavés par le baptême. Mais comme dit le catéchisme de l’Eglise catholique, les conséquences demeurent en nous.

Exactement comme quand on se lave les mains : elles sont propres ! Mais elles restent tout à fait capables de se salir, et il nous faut nous les relaver régulièrement. C’est la même chose pour l’orgueil.

L’orgueil est présent tous les jours, dans notre vie. Même chez les plus spirituels, même chez les plus purs d’entre nous. C’est comme ça, on est fabriqués ainsi.

C’est tous les jours que nous refusons une aide qu’on nous propose, ou que nous nous disons que, de cela nous allons nous en sortir tout seul, ou encore que nous prenons la place de Dieu, parfois très insidieusement. Par exemple en voulant enlever la paille de l’oeil de quelqu’un alors que nous n’avons pas vu notre poutre dans notre propre regard. C’est de l’orgueil !

Marie, la toute pure, l’humilité incarnée, n’a pas reçu cette composante de notre humanité au début de sa vie. C’est ce dogme que nous célébrons aujourd’hui. Marie née, conçue sans péché, et notamment sans le péché des origines qu’est l’orgueil. C’est cela, l’Immaculée Conception, pas autre chose !

Je ne cesse de le rappeler depuis que je me suis aperçu que même des catéchistes de métier étaient persuadées que l’Immaculée Conception, c’était celle de Jésus par Marie et l’Esprit Saint.

Non ! Rien à voir ! Ça, c’est la conception virginale de Jésus, c’est tout autre chose.

L’Immaculée, c’est bien la conception de la petite Marie par ses parents, Anne et Joachim, et cela sans le péché, et notamment sans le péché des origines qu’est l’orgueil. Marie a été préservée du péché, comme future demeure du Fils de Dieu, voilà le sens de ce que nous célébrons aujourd’hui.

Elle a été choisie dès avant sa naissance, pour être celle qui enfanterait le Christ.

Alors vous vous dites sûrement, du coup, dans une petite pointe de jalousie : « Elle en a, de la chance ! C’est pas à moi que ça arriverait… » Et pourtant si ! La deuxième lecture, la lettre aux Ephésiens, nous le disait très bien, chers Amis : « Dieu nous a choisis – chacune, chacun de nous, en Jésus – avant la création du monde… » (c’est un tout petit peu avant notre naissance, quand même, hein !) Il nous a choisis dès avant la création du monde pour que nous vivions dans l’amour.

Et nous, bêtement, nous vivons dans la jalousie.

Parce que l’orgueil, chers Amis, c’est aussi ce qui provoque la jalousie. C’est évident dans l’épisode d’Adam et Eve : ils sont jaloux de ce que Dieu possède quelque chose que eux n’ont pas. La connaissance, d’après le serpent. Et ils veulent cette connaissance pour eux aussi. C’est la fameuse pomme, pas autre chose.

Et c’est exactement le mécanisme de nos publicités, vous avez remarqué ? Elles nous persuadent que nous devons absolument avoir cet objet que nous n’avons pas. Et que d’autres possèdent.

Alors je ne vous raconte pas les catalogues de Noël ! C’est exactement le même mécanisme qu’ils distillent dans la tête de nos enfants, celui du serpent – c’est la même chose : « Regarde ce que d’autres vont avoir et que tu n’as pas ! » C’est ça…

La réponse à cela – la seule réponse possible à cela – c’est d’être heureux de ce que l’on a. Et de cesser d’envier la pelouse du voisin dont l’herbe est forcément plus verte.

Etre heureux avec ce que l’on a. S’émerveiller de ce qui nous entoure plutôt que de jalouser ce qui ne nous appartient pas.

C’est notre nécessaire attitude vis-à-vis de la Création, par exemple. Plutôt que de s’approprier la terre, de prendre le pouvoir sur la planète, s’émerveiller de ce qui nous entoure et protéger la nature.

C’est aussi la nécessaire attitude dans le couple. Et je le dis d’autant plus volontiers à tous les couples qui sont parmi vous, en ce 8 décembre : c’est la nécessaire attitude dans le couple. S’émerveiller, jour après jour, de la présence de l’autre, de la personne qui vit avec nous, que Dieu nous a confiée dans le sacrement du mariage.

Sans ça, automatiquement, l’orgueil qui est en nous revient… Et nous regardons la compagne de l’autre, ou un visage qui passe, dans la rue, et nous sommes tentés de connaître ce qui ne nous appartient pas, de mettre la main dessus.

Le serpent, chers Amis, n’est jamais bien loin de nos bonheurs.

Marie, elle, s’émerveille. Elle s’émerveille du fait que rien n’est impossible à Dieu, comme le disait l’Evangile.

Le Seigneur a fait pour nous tant de merveilles, c’est aussi le psaume qui nous le rappelait.

Alors pourquoi sommes-nous si lents à les contempler ? Pourquoi vouloir toujours les posséder ?

Soyons comme Marie, émerveillons-nous, simplement. La vie est tellement plus simple quand on se contente de ce que l’on a.

Alors, en cette fête de l’Immaculée, chers Amis, que notre regard se fasse émerveillement. Sur la nature, si belle autour de nous, sur les belles choses de nos vies, sur les gens que Dieu nous confie, conjoint, enfants, si l’on est marié, ou paroissiens pour le prêtre que je suis. Je m’émerveille de vous voir nombreux, ce matin… je m’émerveille de chacun de vos visages !

Et puis, en ce début d’année de la miséricorde, puisque l’année sainte commence aujourd’hui, planifions dès aujourd’hui dans notre agenda, notre prochain rendez-vous avec un prêtre pour vivre le sacrement de réconciliation. Quelle belle manière ce sera pour nous de montrer à Dieu que, non, non, décidément, non, nous ne pouvons pas nous en sortir tout seuls, sans Lui. Nous avons besoin de Lui, de sa grâce qui nous guérit.

Et très concrètement, chers Amis, la prochaine fois que quelqu’un nous dit « Je peux t’aider ? » – ça risque de vous arriver, notamment en préparant des repas de fête – luttons contre le serpent qui, en nous, voudrait répondre tout de suite « Non, non. Tout va bien ».

Et laissons-nous aider avec le sourire, en nous émerveillant de la personne qui propose son aide, de cet autre qui est peut-être bien le visage de Dieu dans notre journée.

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Evolène, mardi 8 décembre 2015, 10.30 (version enregistrée)

Martigny-Bourg, mardi 8 décembre, 17.00, messe des Equipes Notre-Dame

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  1. Monique Vuignier

    Ce n’est pas en lien direct avec l’homélie… mais…
    Ma mère nous racontait, durant notre enfance, l’histoire de cet homme qui ne mettait pas les pieds à l’église. Il était bien entendu critiqué par toute la communauté. Tant et si bien que le curé est venu le trouver. Dans sa pauvre maison il n’y avait pas d’endroit pour accrocher le manteau du prêtre.
    A ce moment-là, l’homme en question a pris le manteau et l’a déposé sur un rai de lumière qui traversait la pièce. Le curé est parti édifié.
    Je pense que ma mère nous la racontait pour nous conseiller de ne pas juger hâtivement, plutôt que pour nous déconseiller d’aller à l’église 🙂
    Bonne semaine d’Avent

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