Jésus et l’Oncle Picsou

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Homélie pour le 25e dimanche TO, année C

Amos 8,4-7 / Psaume 112(113) / 1Timothée 2,1-8 / Luc 16, 1-13

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Vous ne le savez peut-être pas mais je partage en tout cas un point commun avec Monseigneur Morerod, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Et ce point commun va vous surprendre : comme lui, j’aime les bandes dessinées. Il en a bien davantage que moi… J’aime aussi les livres plus sérieux, naturellement ! Mais je continue d’apprécier les bandes dessinées.

Et tout petit, je me souviens d’avoir lu régulièrement le journal de Spirou, puis les Picsou Magazines. Ça évoque peut-être des souvenirs… en tout cas à certains sourires il me semble que c’est le cas…

Le fameux oncle Picsou, celui qui nage toujours dans les lingots et dans les pièces d’or… je n’aimais pas beaucoup ce personnage, je ne l’ai jamais beaucoup aimé. Je trouvais qu’il avait trop de pièces d’or. Et puis on voyait qu’il n’était pas heureux – il ne sourit jamais – et que plus il possédait moins il était heureux, plus il était inquiet…

Et il y a quelques années, au hasard d’une discussion avec un enfant, cet enfant m’expliqua que Picsou, c’était un voleur. D’où son nom. Pique-sous.

Ça ne m’avait jamais frappé ! J’ai alors essayé tout de même de défendre un peu le scénariste de la bande dessinée en expliquant que l’oncle Picsou avait peut-être quand même gagné une partie de cet argent, par son travail, et que c’était respectable, c’était noble, l’argent gagné par le travail.

–   Non, me dit l’enfant, pas si on en a trop !

Devant ma surprise, il continua :

–   Tu vois, Picsou, il a beaucoup trop d’argent pour lui. Et comme il y a des personnes qui n’en ont pas, et que Picsou le sait, alors c’est un voleur.

J’essayais de comprendre la logique de cet enfant, et comme il voyait que je ne le suivais pas encore tout à fait, il continua :

–   Mais si, c’est un voleur. Il sait que d’autres ont besoin d’argent, lui il en a beaucoup trop et il ne le donne pas. C’est un voleur !

S’il ne savait pas qu’il y a des pauvres, ce serait un gentil. Mais comme il sait qu’il y a des gens qui ont besoin de ses sous, et qu’il ne les donne pas, c’est un méchant, c’est un voleur. Son argent n’est pas à lui, il devrait le partager.

Je ne peux m’empêcher de trouver le raisonnement de cet enfant assez intéressant…

Bien sûr, il le dit avec ses mots d’enfants. Il n’a pas encore appris qu’on ne juge jamais la personne elle-même, même si on peut juger ses actes.

Il n’a pas appris tous ces raisonnements de grandes personnes qui font la balance entre un acte qui peut-être moralement discutable mais qui peut trouver sa source dans telle ou telle bonne raison. Il n’a pas lu les livres de morale, d’éthique que se farcissent les théologiens comme moi.

Et pourtant cet enfant raisonne avec son cœur d’enfant. Et le Christ nous demande justement de redevenir comme des enfants si nous voulons un jour entrer dans le Royaume de Dieu.

Dans la première lecture nous lisions l’histoire du prophète Amos. C’est un homme pauvre, c’est un agriculteur. Il raisonne lui aussi avec des mots très simples, un peu comme des mots d’enfant.

Et pourtant, le prophète Amos a pleinement raison quand il fustige ceux qui écrasent le pauvre, déjà à son époque, en magouillant pour avoir toujours plus.

« Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment » disait la première lecture. Ça me rappelle vaguement le cheval dans les lasagnes il y a quelques années ! Il y a de grandes entreprises et de grands groupes qui vendraient n’importe quoi pourvu que vous continuiez à le manger !

Les grands groupes qui fusionnent pour mieux nous empoisonner au maïs transgénique, ou avec d’autres choses… on est pile dans le livre d’Amos ! Si vous allez voir l’entier de ce petit livre de l’Ancien Testament, vous verrez, c’est flagrant ! D’autant que tout cela, aujourd’hui encore pour ces grands groupes, n’a qu’un seul but : faire du fric. Piquer des sous, toujours plus.

L’oncle de Donald est très moderne, finalement.

Et Jésus, dans l’Evangile, nous rappelait qu’on ne peut pas servir deux maîtres, parce qu’alors on détestera le premier et on aimera le second, ou l’inverse. Ainsi, dit-il dans ce texte que nous venons de réentendre, on ne peut pas servir à la fois Dieu et l’argent. Sous-entendu, si tu sers l’argent, tu ne sers plus Dieu.

Saint Maurice et ses compagnons l’avaient parfaitement bien compris. Saint Nicolas-de-Flüe que nous célébrerons cette semaine, mercredi, l’avait parfaitement compris lui aussi : on doit tout donner si l’on entend servir Dieu. Jusqu’à notre propre vie, c’est ce qu’a fait Saint Maurice, c’est ce qu’ont fait ses compagnons. Ils avaient compris qu’on ne peut pas à la fois servir Dieu et le riche empereur de Rome.

Mais bien sûr, vous allez me dire – et vous aurez raison : c’est facile de critiquer l’argent quand on en a, mais c’est bien utile l’argent !

Mais oui, bien sûr. Jésus ne condamne pas l’argent !

Il demande de ne pas le servir, de ne pas devenir serviteur de l’argent, de ne pas devenir esclave de l’argent, c’est tout à fait différent ! Mais il ne condamne pas l’argent, en aucun cas.

Personnellement, mon argent me sert à vivre, et à faire le bien autour de moi, comme vous le faites également. Pour ma part, je ne garde rien, je ne capitalise rien. Ce qui est en trop, je le donne à la fin du mois à ceux qui en ont besoin. C’est très simple. Et je vous assure qu’on vit mieux.

Ce n’est pas pour cela que je méprise l’argent, pas du tout. Tout travail mérite son salaire et c’est noble. Mais je me dis, comme l’enfant de tout à l’heure, que ce qui est en trop, si je le gardais, je le volerais en quelque sorte aux personnes qui en ont besoin. Alors que moi, je n’en ai pas besoin, c’est en trop.

Jésus ne critique pas l’argent. Il demande même, quelques versets plus haut, qu’on s’en serve, justement. Pas qu’on soit à son service mais qu’on s’en serve, voyez la différence. Se servir de l’argent ou servir l’argent, il y a une sacrée nuance !

Et c’est ce que Jésus essaie de nous apprendre par l’Evangile de ce soir…

J’ai essayé d’expliquer cela au petit bonhomme qui m’avait dit que Picsou était un voleur… mais comme je m’embrouillais un peu il m’a dit : « Ouais, mais de toutes façons, Jésus c’est le roi des bons types ! »

Et puis il m’a encore demandé :

–   Dans toutes tes bandes dessinées que tu as, à la maison, est-ce que tu as une histoire de Picsou avec Jésus ?

Comme je n’en avais pas, il m’a dit encore quelque chose que j’aimerais vous laisser, parce que cette chose correspond exactement à la deuxième lecture, la lettre de Paul à Timothée :

–   C’est pas grave, m’a-t-il dit. Mais tu sais, quand j’ai dit que Picsou est un voleur, c’est vrai que c’est un peu méchant de ma part. Par contre, ce qu’on pourrait faire, c’est prier pour lui, tu serais d’accord ? Comme ça peut-être qu’il comprendra un jour, peut-être que Jésus viendra dans son cœur !

J’ai prié avec ce Petit Prince qui avait compris l’Evangile bien mieux que bien des personnes que je connais… qui avait si bien compris les hommes, Jésus, l’argent…

Et je vous invite à faire de même, à prier pour ceux qui – comme Picsou – ont trop. Priez pour eux, plutôt que de les critiquer, afin que Dieu touche leur cœur, un jour.

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Les Diablerets, samedi 21 septembre 2019, 18.00

Euseigne, dimanche 22 septembre 2019, 18.30 (version enregistrée)

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