La veuve et l’amende

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Photo DR : www.sudouest.fr
 

Homélie pour le 32e dimanche du temps ordinaire, année B

1 Rois 17,10-16 / Psaume 145 / Hébreux 9,24-28 / Marc 12,38-44

Chers Amis,

J’ai pris une contravention, cette semaine. 40.- pour stationnement interdit.

Faut dire que, devant le Prieuré de Lens, ils refont le bitume. En réalité, ils le refont depuis la fin août, mais le chantier n’a pas bougé d’un millimètre pendant deux mois, et allez savoir pourquoi, ils ont attendu la pire semaine au point de vue météo pour se dire qu’il faudrait peut-être goudronner avant la neige !

L’autre jour la route était barrée. Plus aucune place de parc dans la rue… Et comme je n’ai pas encore eu le temps de tout explorer, je ne savais pas que je pouvais faire le détour en contournant tout le village pour aller me parquer au cimetière. Par ailleurs, évidemment, j’avais 1000 choses à faire, j’étais un peu pressé. J’ai donc laissé ma voiture derrière une autre qui avait fait comme moi, le long d’une maison.

Deux heures plus tard, quand je suis ressorti, deux dames discutaient devant ma voiture. Elles en étaient à dire qu’elles avaient bien rigolé avec les policiers quand il étaient venus mettre l’amende à cette voiture, là.

Quand elles ont vu que c’était ma voiture, elles ont été outrées. « En plus c’est vous, Mr le Vicaire ! Ah ben bravo ! Vous verrez ce qu’il y a sur votre pare-brise… » Et elles ont ri.

Sur le moment, j’ai pas beaucoup aimé.

J’ai repensé au titre du journal des paroisses, le Clins-Dieu, en septembre, « Bienvenue Messieurs les Vicaires ! », et je me suis dit que c’était une singulière manière de nous souhaiter la bienvenue dans le secteur. Sachant que mon confrère Rémy avait lui aussi pris une contravention à cause du même chantier quelques semaines plus tôt…

Alors que sur nos pare-brise, c’est bien marqué qu’il s’agit d’un prêtre, qu’on se gare parfois en urgence.

[rire] : Y a un policier qui n’aime pas les prêtres, dans le coin, ou quoi ?

Je ruminais encore en rentrant travailler à mon bureau, vers minuit, ce soir-là.

J’étais en colère. Non pas pour moi – un moment d’amour-propre blessé est si vite passé, d’autant que j’étais effectivement mal garé, la loi est la même pour tous ! – mais j’étais en colère parce que voyez-vous, je ne garde pas d’argent à la fin du mois, personnellement. Je donne ce qui me reste à des personnes dans le besoin, à droite à gauche.

Et là je me disais « Voilà 40.- que je vais bêtement dépenser en payant cette amende alors qu’ils auraient pu servir à quelqu’un. »

Et puis minuit a sonné. Je ne voulais pas me coucher là-dessus. Alors je me suis dit que ce serait peut-être le moment de lire les textes du dimanche à venir, comme ça, ça me changerait les idées… Loin, l’argent !

…Et je tombe sur l’Evangile, avec la veuve, qui met ses deux piécettes, tout ce qu’elle avait… et sur les Pharisiens qui rechignent à donner un peu de leur superflu.

…Et je tombe sur le livre des Rois, avec le prophète Elie, lui aussi aux prises avec une veuve qui donne tout ce qu’elle a pour le nourrir…

…Et je tombe sur la lettre aux Hébreux, avec le Christ qui est allé jusqu’à donner son sang pour moi, toute sa vie…

…Et je tombe sur le psaume : « Heureux qui s’appuie sur Dieu… il fait justice aux opprimés, il aime les justes. »

Faut avouer que mes 40.- d’amende étaient justes… mérités. J’aurais pu chercher une place ailleurs.

Faut avouer que ces 40.- représentent du superflu, pour moi.

Faut avouer que ma situation, dans la rue, était un peu comique et que ces braves paroissiennes étaient dans leur bon droit d’en rigoler.

Faut avouer que tout ceci est un peu ridicule, face à quelqu’un qui donne sa vie, face à une veuve qui donne tout ce qu’elle a… J’ai souri, et je me suis endormi plus paisiblement, en demandant au Seigneur de veiller sur ce policier qui n’aimait pas les prêtres, et sur mes deux sympathiques et rieuses paroissiennes!

Restait juste le petit goût amer des 40.- que je ne pourrai donner à qui en aurait besoin à la fin de ce mois, parce que par ma faute ils auront été dépensés pour payer cette amende.

Et cette nuit-là, figurez-vous, j’ai rêvé. Dieu s’adresse souvent à l’être humain par les rêves, dans la Bible. J’entendais le rire de ces dames, et puis je voyais un policier sans visage qui me disait : ne fais pas attention, laisse rire… et va payer ceci, tu auras de quoi donner à la fin du mois, tu verras.

Au petit matin, j’ai renoncé à téléphoner pour faire opposition et j’ai mis de côté, sur mon bureau, les 40.- pour payer cette amende, apaisé.

L’après-midi même, je croise une amie. « Tiens, tu peux me dire une messe à telle intention ? » – « Volontiers. » Elle me tend 50.-

« Excuse-moi mais je n’ai pas de monnaie, lui dis-je. Il y a beaucoup trop pour une messe, là. C’est 10.- normalement. »

Et là j’ai cru que je prenais la foudre sur la tête :

« Eh ben tu utiliseras les 40.- restants pour aider quelqu’un ce mois-ci, me dit-elle. Tu trouveras sûrement… »

40.- !!! Le montant de mon amende, exactement. Que je venais de décider de payer.

J’ai dû faire une tête vraiment bizarre parce qu’elle m’a regardé et m’a dit : « Tu vas bien, Vincent ? » J’ai souri… « Oui, oui, t’inquiète. Tu sais depuis que je suis sur le Haut-Plateau, je suis au Paradis, alors des fois j’ai l’air un peu de planer… »

Et Dieu m’en est témoin, chers Amis, je vous jure que c’est vrai, à chaque fois que je me décide à donner un peu de mon superflu, je le retrouve par un autre biais, et souvent exactement la même somme. Par un don, comme ça. Dieu m’aide à aider autour de moi, c’est impressionnant.

Alors en relisant ces pages de la Bible qui nous sont proposées aujourd’hui, je me suis dit que j’allais vous raconter cette aventure, même si je ne suis pas bien fier de ma réaction première.

Et puis je me suis dit aussi que j’apporterai une bouteille à ceux qui goudronnent la rue, quand ce sera fini. Pour les remercier de m’avoir donné l’occasion de vivre une page d’évangile.

Et puis, non. Je me suis dit que je leur apporterai la bouteille dès que je les verrai, prochainement. Parce qu’au train où ils avancent, si j’attends qu’ils aient fini c’est mon successeur qui leur apportera la bouteille dans quelques années…

Allez j’arrête… voilà que je repars dans de vilaines pensées !

Et puis je me suis dit que j’allais vous dire cela aussi, ce matin, en conclusion :

Donnez, chers Amis. Donnez autour de vous… Vous ne le regretterez jamais. Donnez de votre superflu, mais de votre nécessaire aussi, si on vous le demande. N’hésitez jamais. Dieu nous le rend. C’est une certitude que je vis tous les jours.

Et puis… si vous connaissez un policier qui se baladait mercredi dernier autour du Prieuré à Lens, faites-lui un sourire de ma part !

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Chermignon d’en Haut, 10 novembre 2012, 18.30

Lens, 11 novembre 2012, 9.30

Montana-Village, 11 novembre 2012, 11.00

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