La vigne à Bernard

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Photo DR : www.diapo.ch

 

Homélie pour le 5e dimanche TO, année C

 

Isaïe 6,1-2a ; 3-8 / Psaume 137 / 1Corinthiens 15,1-11 / Luc 5, 1-11

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Mes Chers Amis,

L’Evangile de ce soir nous parle de pêche, de lac, de poisson… C’est sûr que ça parle pas tellement aux gens du Valais où j’habite… Et ici, à Genève, vu le luxe des bateaux qui sont dans la rade, la pêche va bientôt devenir un sport qui ne se pratique plus qu’en boîte de nuit.

Alors essayons de transposer – c’est toujours intéressant quand on essaie de vivre la scène de la Bible aujourd’hui – essayons de transposer cette scène dans une vigne, une vigne de chez nous, de par ici ou du Valais, vous allez voir c’est tout de suite plus parlant.

Il y a là un brave vigneron, Bernard, appelons-le Bernard. Ça fait trois ans qu’il essaie de faire un grand vin.

Et Dieu sait si c’est difficile. Il faut ramasser certaines grappes et pas d’autres, au bon moment, il faut entreposer correctement, laisser fermenter juste ce qu’il faut mais pas trop, la température est essentielle… bref vous savez tout cela, si vous connaissez des vignerons.

Et trois ans de suite, rien. Ou si peu. Quelques bouteilles d’une piquette tout juste bonne à faire tourner la sauce. Un breuvage qui rappelle furieusement le produit à laver les vitres, vous savez, comment ça s’appelle déjà ? Ah oui, le vin de Neuchâtel.

…Non je plaisante, s’il y a des Neuchâtelois, je plaisante !

Lors de la vendange, la quatrième année, un peu découragé tout de même, il voit arriver un homme, complet-cravate-attaché-case, genre cadre de banque, vous voyez.

Il est arrivé quelques heures plus tôt dans un hélicoptère qui l’a déposé tout près de la vigne. Et tout le monde le regarde un peu bizarrement, cet homme-là.

Il arrive et il choque notre brave Bernard, le vigneron, parce qu’il lui dit, en le prenant de très haut: « Bonjour mon brave ! Vous devriez plutôt aller un peu plus loin, prendre ces grappes, là-bas, que vous avez laissées de côté, vous verrez ça marchera beaucoup mieux. »

Alors je sais pas comment vous, vous réagiriez… mais moi, si j’étais Bernard, j’aurais juste envie de lui mettre deux claques à ce brave monsieur en complet-veston qui vient m’apprendre mon métier.

Bernard le regarde, il hésite, en bon Valaisan, entre lui crever ses pneus et lui offrir un verre de Fendant… Et puis finalement il lui dit : « Ecoute mon gars, tu nous sors d’où avec ton beau costume et ton hélico ? Tu veux m’apprendre mon métier, à moi ? Moi je suis vigneron. Ça fait des années qu’on cultive la vigne ici. Mon père le faisait, mon grand-père le faisait aussi. Toi tu bosses sur des ordinateurs, sur des chiffres et tu veux venir m’apprendre comment on fait du vin ? Regardez-voir l’artiste, ici ! » Et tout le monde rit, dans la vigne.

Et l’homme au veston lui redit : « Va un peu plus loin, là-bas… Recommence avec les grappes que tu as laissées. Tu verras… »

Bernard s’appelle Pierre, dans notre évangile de ce soir.

Pierre est pêcheur de poisson. Pêcheur avec un circonflexe… ils sont pas si inutiles, ces accents, d’ailleurs… Il est pêcheur et c’est toute sa vie. Celle de son père, celle de son grand-père. Et l’homme au veston, lui, s’appelle Jésus. Il est charpentier. C’est pas tout à fait le même métier. Son père aussi est charpentier. C’est aussi éloigné de la pêche que le business financier est éloigné de la vigne.

Et l’étonnant c’est que justement Pierre va obéir au charpentier. Il va repartir un peu plus loin. Et essayer une nouvelle fois de lancer les filets.

C’est exactement ce que dit Jésus à Pierre : « Lance les filets ! » Il ne demande pas à Pierre de ramener du poisson… Lance les filets, sous-entendu : « Le reste, je m’en occupe ! »

Pierre va donc obéir à Jésus. Vous me direz, Jésus n’est pas n’importe qui : on nous dit juste avant qu’il était assis dans une barque et qu’il enseignait les foules. C’est donc un personnage important, déjà, dans les yeux de Pierre.

Vous pensez que ça l’a rassuré ? Revenons à notre histoire de vigne, pour vérifier.

Le banquier qui vient de débarquer dans la vigne à Bernard, eh bien Bernard l’avait vu au téléjournal la veille au soir, présenter les résultats de la finance internationale, en milliards, devant la foule de ses actionnaires réunis en assemblée générale à Zürich. Vous croyez que ça va rassurer Bernard, ça ??? Pas sûr, hein… De quoi il se mêle, ce gars ?

Seulement on connaît la suite de l’histoire, nous… Pierre repart au large, et là miracle.

Bernard, dans sa vigne, va accepter d’aller un peu plus loin, de prendre les grappes, là-bas, qu’il avait laissées, et d’essayer de faire du bon vin avec ce raisin-là. Et miracle ! 252 bouteilles de nectar absolu, cette année-là ! Incroyable ! Impossible !

Et Pierre a peur devant le nombre de poissons. Et Bernard a peur devant toutes ces bouteilles. Parce que c’est pas humain ! C’est bizarre !

Le personnage en question, s’il est capable d’un tel miracle, c’est que c’est un Dieu. Peut-être Dieu, tout court, d’ailleurs !

Et là tous les défauts de notre brave vigneron lui remontent. Lui, le brave Bernard. C’est vrai qu’il est pas allé tous les dimanches à la messe. Il s’est plus confessé depuis… depuis… je sais plus, d’ailleurs !

Et puis il y a tout le reste. Toutes ces petites choses de nos vies qui font que nous ne sommes pas des êtres parfaits et qu’on a un peu peur, des fois, devant notre Dieu.

Bernard se dit : « Nom de nom, le gars ici c’est Dieu ! Mais qu’est-ce que je vais lui dire ? Il est sûrement venu pour me juger. Peut-être pour le Jugement Dernier ! » Il a peur !

Pendant des siècles, l’Eglise nous a enseigné à avoir peur de Dieu… c’est peut-être l’une des plus belles bêtises qu’on nous a enseignées, l’une des plus énormes ! Et c’est pas facile de s’en sortir !

C’est là que les autres lectures d’aujourd’hui se répondent.

Isaïe, dans la première lecture, dans le Temple, vous l’avez entendu, quand il comprend qu’il est devant le Seigneur, il dit : « Malheur à moi ! Je suis perdu, je suis un homme aux lèvres impures ! » Il a peur.

Paul, dans sa lettre, dans la deuxième lecture, dit : « Moi, je suis le plus petit des Apôtres, je suis pas digne d’être appelé Apôtre puisque j’ai persécuté l’Eglise, puisque j’ai fait du mal… »

Et Pierre, dans l’Evangile : « Seigneur, éloigne-toi de moi, je suis un homme pécheur. » …avec un accent aigu cette fois-ci.

Nous sommes comme Pierre, chers Amis… Bien sûr que, des fois nous faisons le mal que nous ne voudrions pas faire, et que nous n’arrivons pas toujours à faire le bien que nous voudrions faire.

Nous sommes tous pécheurs, dans ce sens-là, bien sûr ! C’est humain !

Faut-il pour autant avoir peur de Dieu ? Ce serait absurde ! Notre Dieu est Amour et Miséricorde, comment en sommes-nous venus à avoir peur de lui ? La suite des lectures nous le disait très bien, en plus, mais pour ça il faut ouvrir la Bible !

Dieu disait à Isaïe : « Ceci a touché tes lèvres, maintenant ta faute est enlevée, pardonnée. »

Dieu disait à Paul : « Pourquoi me persécutes-tu ? C’est lorsque tu es faible qu’alors tu es fort. Ce que tu es, c’est par ma grâce. »

Et Jésus disait à Pierre : « N’aie pas peur, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »

Et l’homme au veston et à l’hélico dit à Bernard: « Continue ton métier, mon brave vigneron. Il est beau, ton métier. Bien sûr que tu ne fais pas tout comme tu voudrais, quelle importance… C’est comme ça que tu sers notre Dieu, par le fruit de la vigne. Tu n’es pas à la messe tous les dimanches mais ton vin s’y trouve peut-être, va savoir…»

Et en le raccompagnant à son hélicoptère, Bernard dit à l’homme au veston « Au fait, je connais même pas ton nom, l’ami… »

Et l’homme le regarde et lui dit : « J’ai un vieux nom qui ne signifierait pas grand chose pour toi, peut-être. Mais dans l’Eglise où tu vas prier, de temps en temps, on parle souvent de moi… Retourne à ta vigne, vigneron. Et n’aies plus peur, désormais. Tu sais qu’avec moi, tu es capable de grandes choses. »

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Genève, St Nicolas-de-Flüe, 6 février 2016, 17.00

et, dans une version légèrement différente :

Flanthey, samedi 9 février 2013, 17.00

Lens, dimanche 10 février 2013, 9.30

Montana-Village, dimanche 10 février 2013, 11.00

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3 Responses

  1. Hermine Pralong.

    C’est vrai cher Vincent que dans ma jeunesse , on nous enseignait à avoir peur de Dieu, mais c’est déjà de l’ancien temps dirai-je. J’ai appris depuis que Dieu est un ami, et que même si on lui lache la main parfois, Lui à toujours les bras ouverts pour nous y accueillir. Merci de toujours nous aider à Le rejoindre.

  2. FABRIS Josiane

    Cher Vincent, comme tout les dimanches c’est un délice d’écouter tes homélies.Elles sont de merveilleuses catéchèses,les images parlent, et n’ayons pas peur de notre Dieu mais faisons lui un entière confiance Il juge pas Il pardonne. Bon dimanche et bonne entrée en Carême.

  3. Bernadette

    Lâcher-prise et confiance, voilà les clefs. Merci de nous le rappeler de cette façon si imagée.

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