L’anneau de Qohélet

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Homélie pour le 18e dimanche TO, année C

Qohélet 1,2; 2,21-23 / Psaume 89 / Colossiens 3, 1-5.9-11 / Luc 12, 13-21

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Nous avons entendu en première lecture le livre du Qohélet. C’est un livre biblique qu’on lit rarement dans nos assemblées. Le Qohélet est aussi appelé « L’Ecclésiaste » dans certaines de nos Bibles.

Et tout ce petit livre est constellé d’un refrain qui revient sans cesse et que nous avons entendu dans notre extrait de ce matin : « Vanité des vanités, tout est vanité. »

Dans notre langue française, ce refrain peut paraître bien péjoratif, bien pessimiste. Mais nous allons voir dans quelques instants qu’avec Qohélet, il faut certainement entendre ce refrain d’une manière toute différente…

Laissons cela pour l’instant, et permettez-moi de commencer, une fois n’est pas coutume, par vous raconter une petite histoire légendaire.

C’est un prince très riche qui vient trouver un grand Sage.

Ce prince est déjà intéressé davantage par les réalités d’en-haut, comme nous le disait Paul dans la seconde lecture, plutôt que par le terre-à-terre. Il vient donc trouver ce Sage car il a une demande à lui faire.

–      Maître, dit-il, combien devrais-je te donner pour que tu me révèles le secret du bonheur ?

–      Le secret du bonheur ? demanda le Sage, un peu étonné.

–      Oui, reprit le riche prince. Sûrement qu’au travers de tes voyages, et grâce à ta sagesse, toi, tu l’as trouvé, le secret du bonheur !

–      Trouvé ? Je n’en sais trop rien, reprit le Sage. Et quand bien même, il n’est pas à vendre !

–      Pas même pour une montagne de pièces d’or ? reprit le prince…

Le Sage fit un instant de silence, regarda le prince dans les yeux, lui et tout l’or qu’il avait apporté, et finit par lui dire :

–      Que cherches-tu exactement ? Le secret du bonheur, ça ne veut rien dire ! Que cherches-tu ?

Le prince, pris au dépourvu, réfléchit un instant, puis il dit :

–      Je crois que je cherche ce qui pourrait m’aider à surmonter le plus grand des malheurs le jour où il arrivera… Et puis aussi ce qui pourrait m’aider à profiter pleinement du plus grand des bonheurs, lorsqu’il arrivera.

–      Ah c’est autre chose ! répondit le Sage. En ce cas je peux te donner ceci.

Il avait pris dans sa poche une petite bourse de velours dans laquelle se trouvait une bague. C’était un anneau tout simple, pas tape-à-l’œil, sans pierre, une simple bague.

Le prince regardait cet anneau comme une bague magique qui allait certainement lui révéler le secret du bonheur.

–      Oh je donnerais tout ce que j’ai pour cette bague ! dit-il.

–      Je te la donne, dit le Sage. Elle n’est pas à vendre. Je te la donne à une condition : tu vas la porter toute ta vie, mais tu n’auras jamais le droit de regarder ce qui est gravé à l’intérieur. Sauf en deux occasions : le jour où tu rencontres ce que tu m’as dit être le plus grand des malheurs. Alors tu regarderas pour que ce malheur s’apaise. Ou alors le jour où tu rencontreras ce que tu prévois comme le plus grand des bonheurs. Et ce jour-là, tu regarderas et tu pourras en profiter davantage grâce à ce qui est écrit à l’intérieur.

Le riche prince remercia le sage, mis l’anneau à son doigt et vécut toute sa vie avec cet anneau sans jamais oser regarder ce qu’il y avait d’écrit à l’intérieur.

Bien sûr, il traversa de nombreux deuils, des moments difficiles, mais il se disait qu’il y a toujours plus malheureux que lui et qu’il y aura certainement plus grave encore dans sa vie.

Bien sûr, il rencontra des bonheurs magnifiques, mais il espérait qu’il y ait toujours mieux, qu’un jour un bonheur plus grand encore lui arriverait. Et là non plus, il n’osait pas regarder.

Jusqu’au jour où il fut confronté à la mort. La sienne.

Il la vit arriver, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Il était acculé au bord d’une falaise et il voyait l’armée ennemie qui se précipitait sur lui. Dans quelques instants, il serait précipité du haut de la falaise. Et là, il se décida à enlever son anneau et à regarder ce qui était écrit à l’intérieur.

Il était gravé : « Ça aussi, ça passera. »

…Ça aussi, ça passera.

Vous voyez Chers Amis, nous sommes pèlerins sur cette planète. Nous n’emportons rien avec nous, nous le savons, aucune de nos richesses matérielles ! Tout au plus pouvons-nous espérer que subsiste l’amour que nous aurons transmis, laissé autour de nous.

Mais les richesses, les terres, même les vignes (!) tout cela passe et rien de tout cela ne nous suit là-haut.

Jésus le disait à sa façon dans l’évangile : « Tu veux amasser cette fortune, tu veux construire plus grand encore, mais tu es fou ! Peut-être que cette nuit même on te redemandera ta vie. »

Personne ne connaît le jour ni l’heure du grand voyage, la seule certitude que nous avons c’est que nous y passerons tous, vous comme moi. Aussi est-il plus sage de ne pas chercher à capitaliser, à l’inverse de ce que nous suggèrent les banquiers.

Nous avons à profiter pleinement de ce que nous avons et du jour présent. Profiter de nos amis, de nos familles, des êtres que nous aimons. Profiter aussi de nous réconcilier avec ceux que nous n’aimons pas assez quand il en est encore temps.

Profiter du moment présent, c’est une vieille sagesse… Mais c’est aussi ce que signifie le refrain du Qohélet ! « Vanité des vanités, tout est vanité. »

Car si l’on fait un peu d’hébreu, le mot que l’on a malheureusement traduit par « vanité » – HaVeL – c’est un mot qui, en réalité, signifie « vapeur, buée ». « Vapeur de vapeur, tout est vapeur… », voilà comment il faudrait traduire plus justement ce refrain du Qohélet.

Et ce n’est pas pessimiste du tout !

Qohélet, durant tout son livre et à travers ce refrain, vient nous dire : « Tout passe ! Exactement comme la vapeur que tu vois apparaître un moment et qui s’en va ensuite. Alors profite ! profite lorsque tu vois la vapeur ! Profite du moment présent ! Profite de ce que tu as, parce que ça aussi, ça passera… »

Demandons à Dieu de nous ouvrir les yeux sur ce que nous avons, sur l’aujourd’hui de nos vies, avant que nous n’ayons à repartir de ce monde qu’il nous a confié.

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Vex, samedi 3 août 2019, 18.30

Hérémence, dimanche 4 août 2019, 9.00

Evolène, dimanche 4 août 2019, 10.30 (version enregistrée)

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