Lazare fait bien les choses…

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Homélie pour le 5e dimanche Carême, A

Ezékiel 37,12-34 / Psaume 129 / Romains 8,8-11 / Jean 11,1-45

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Depuis plusieurs jours, nous sommes confinés chez nous, et si nous ouvrons les fenêtres c’est le silence qui nous frappe le plus, particulièrement si nous habitons en ville, que ce soit Genève, Lausanne, la Chaux-de-Fonds, que sais-je ? C’est le silence qui nous frappe.

Un silence inhabituel règne dans les rues. Un silence de mort, me disait un ami au téléphone cette semaine.

Pour l’instant, oui, le CoVid-19 sème la mort, physique, sociale, économique. Mais nous savons bien que tout reprendra vie, autour de nous, que tout ressuscitera… Même si c’est difficile de le croire quand tout semble mort.

Or nous avons ce matin comme Evangile, nous venons de le réentendre, cet épisode extraordinaire de la résurrection de Lazare. Une mort et une résurrection. Et d’ailleurs le texte commençait ainsi, vous l’avez entendu : « En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade… »

Voilà qui colle singulièrement à ce que nous sommes en train de vivre, ne trouvez-vous pas, Chers Amis ?

Dans notre temps, il y a beaucoup de personnes malades, et même mourantes.

Il y en a tant que nous commençons, Chacune, Chacun, à en connaître dans notre entourage direct, forcément. Et même parmi nos amis les plus proches.

Quand deux de mes amis m’ont annoncé il y a deux semaines qu’ils étaient atteints par cette saleté de virus ça m’a fait un grand froid dans le dos.

Tout à coup, la maladie n’était plus seulement à la télévision, sur mon écran, dans mes préoccupations, mais elle s’invitait dans mon cœur. Elle venait toucher les habitants de mon cœur, de proches amis. Dont j’avais célébré le mariage jadis.

Ça change tout et à la fois ça ne change rien !

Ça ne change rien parce que ces deux amis-là ne sont pas plus dignes, humainement, que chacune, chacun de vous, que les milliers d’autres personnes.

Ça change tout, parce que si ceux-là venaient à mourir, mon cœur serait profondément atteint.

Or dans notre Evangile, le malade n’est pas n’importe qui, c’est un ami proche de Jésus, frère de Marthe et de Marie. C’est Lazare !

Pour Jésus également, ça change tout et ça ne change rien.

Ça change tout parce que c’est un proche ami, Lazare, qui est malade.

Ça ne change rien parce que Jésus sait que cette maladie ne conduit pas à la mort.

Et du coup, vous l’avez entendu, il reste deux jours de plus à l’endroit où il se trouvait avec ses disciples…

Nous qui connaissons la suite de l’histoire – nous venons de la ré-entendre : Lazare va effectivement mourir ! – on a envie de dire à Jésus : « Dis donc… sur ce coup-là tu t’es planté, hein ! ‘Cette maladie ne conduit pas à la mort’, ah bah si, de fait ! »

Mais Jésus ne parle pas de la mort du corps quand il dit « cette maladie ne conduit pas à la mort », il parlait de la mort de l’âme, c’est autre chose.

Notre corps est mortel, Chers Amis. Comme le corps de Lazare était mortel lui aussi.

C’est même l’une des rares choses que nous possédons TOUS en commun. Vous et moi, qui que nous soyons, nous allons tous passer par la mort un jour ou l’autre, c’est absolument certain. Mais si nous croyons au Christ, alors nous avons aussi la certitude que notre âme, elle, survivra à la mort de notre corps. Et qu’un jour, avec Jésus, nous ressusciterons tous pour le Royaume.

Et c’est ce que Jésus veut montrer, je crois, avec la résurrection de Lazare. Probablement que c’est même pour cela qu’il attend deux jours. Pour être certain que la mort physique va bien faire son travail – notre sœur la mort comme disait Saint François d’Assise.

Il faut l’apprivoiser, cette sœur-là, Chers Amis… Même si elle peut nous faire peur. D’accord, ce n’est pas simple de se dire qu’un jour il va falloir tout laisser ici-bas. Mais si nous avons la foi, si nous nous imaginons ne serait-ce qu’un seul instant ce qui nous attend auprès de Dieu, la mort ne devrait pas nous faire peur, Chers Amis.

Elle est une composante de nos vies. Une nécessité, même.

Nous la rencontrerons un jour, forcément.

Alors je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut forcer cette rencontre, qu’il faut précipiter sa venue, non, ça serait grave de vouloir se dérober à la vocation que Dieu nous confie pendant le temps de notre vie sur cette terre.

Mais je crois qu’il nous faut arrêter de nous inquiéter, de nous angoisser face à la mort. De nous préoccuper. Le verbe dit très bien ce qu’il dénonce, d’ailleurs : « pré-occuper », c’est s’occuper en avance de quelque chose. La mort viendra, elle viendra d’elle-même quand elle le voudra. Demain ou dans dix ans. Elle viendra. Mais elle n’est qu’un élément du chemin, un simple passage à travers lequel nous poursuivons notre vie.

Ce jour-là, notre âme continuera de vivre et elle rejoindra la lumière. Et un jour, tous ensemble, nous ressusciterons.

C’est ce que Jésus va démontrer avec Lazare, pour expliquer qu’il est le maître de la vie. Jésus essaie, d’ailleurs, de montrer tout cela aux disciples, de le leur faire comprendre… mais ils ne comprennent pas.

On connaît la suite. Marthe, d’abord, qui à l’arrivée de Jésus et des disciples leur dit que Lazare est mort depuis déjà 4 jours.

La question de Jésus est toute simple et vertigineuse à la fois, Chers Amis : « Crois-tu cela, Marthe ? »… « Crois-tu que celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ? Que quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela, Marthe ? »

Et Marthe répond par l’affirmative. Et c’est à nous que Jésus repose la question, ce matin, en nous redisant qu’il est la Résurrection et la vie et que si nous croyons en lui – même si nous traversons la mort – nous vivrons, nous ne mourrons jamais vraiment.

Le croyons-nous, Chers Amis ? Nous avons besoin de raffermir cette foi, particulièrement en ces temps d’épidémie.  Nous avons besoin de nous redire les uns les autres que – oui ! – nous croyons à la vie éternelle, nous croyons que le Christ est venu mourir pour nous, pour que nous vivions ensuite avec lui.

Ça ne se fait pas sans douleur. Avant le dimanche de Pâques, il y eut la journée du vendredi saint et la souffrance sur la croix.

C’est pareil pour nous, avant les retrouvailles avec celles et ceux que le Covid-19 emporte impitoyablement en ce moment, il y a le deuil, la souffrance, la séparation, augmentée de l’insoutenable fait de ne pas pouvoir organiser des hommages publics pour nos défunts.

Mais il y aura la joie, la lumière, au bout de ce tunnel, au bout de ce chemin, nous retrouverons les rires des enfants qui reviendront dans nos rues.

Pour l’instant, elles semblent mortes, ces rues. Comme Lazare semblait mort au tombeau.

Mais les apparences sont trompeuses. Même s’il nous semble que tout est mort autour de nous, cette épidémie survient précisément au passage de l’hiver vers le printemps. Comme un signe de plus qui voudrait nous montrer que rien ne meurt jamais vraiment, que tout ressuscite un jour après la froideur de l’hiver.

Le cycle des saisons nous en parle, Chers Amis ! Voyez un arbre en hiver : il vous semble tout à fait mort, tout à fait sec, tout à fait froid… mais nous savons bien qu’une fois le printemps revenu il refleurira, et qu’une fois l’été revenu nous pourrons à nouveau déguster ses fruits.

Il en va de même pour nous, Chers Amis. Notre mort n’est que saisonnière. Elle débouche sur le printemps de Dieu, sur l’été de la vie éternelle.

Et cela, les prophètes l’annonçaient concernant notre Dieu. Ezékiel, dans notre première lecture : « Je mettrai en vous mon Esprit et vous vivrez… / je vais ouvrir vos tombeaux, je l’ai dit et je le ferai… »

C’est à nous, ce matin, que ces paroles s’adressent, Chers Amis !

Qu’avons-nous à nous angoisser de la mort ? Avec Jésus, nous vivrons.

N’ayons pas peur, le pape François nous le disait vendredi soir dans sa veillée.

Quand le psalmiste dit qu’il crie depuis les profondeurs, qu’il espère le Seigneur, qu’il attend sa parole, mais c’est bien de cette parole-là dont il s’agit ! « Je l’ai dit, je le ferai, je vais ouvrir vos tombeaux… »

Des profondeurs de nos confinements, nous espérons, nous croyons que cette parole est vraie, Chers Amis.

Et comme nous sommes humains et qu’il reste toujours une petite part de doute, Jésus est venu nous montrer, avec Lazare, que rien n’est impossible à Dieu.

Lazare ressuscite afin que le monde croie.

Et dans cette attente, nous devons rester chez nous, certes, patienter, mais sans crainte, Chers Amis.

C’est l’occasion de méditer, de réfléchir pour ressortir meilleurs de cet épisode que nous traversons.

Est-ce un hasard si ce virus arrive maintenant, en un temps où précisément notre monde courait à sa perte, s’éloignait de tant de valeurs ?

Le mal profite de nos faiblesses tout comme ce virus attaque plus durement les plus faibles d’entre nous.

Mais de chaque situation mauvaise, Dieu sait tirer de la lumière si nous croyons en lui.

Comme le rappelait Paul aux Romains, dans notre deuxième lecture : « nous ne sommes pas sous l’emprise de la chair », Chers Amis, « nous sommes sous celle de l’Esprit » ! C’est ce même Esprit, Chers Amis, que Dieu a mis en nous et qui nous offre la vie si nous croyons.

Est-ce un hasard, Chers Amis, si ce virus arrive à point nommé ? Je ne crois pas.

Et quand bien même, comme auraient pu le dire les spectateurs du miracle de la résurrection de Lazare – si vous me passez cette pirouette pour terminer… je dirais que parfois, Lazare fait bien les choses !

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Cure de Bex, dimanche 29 mars 2020, 10.00

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2 Responses

  1. Marc Bourgeois

    Cher Vincent, d’abord merci pour tout ce que tu nous apporte !
    Une question à propos de Lazare : Pourquoi Jésus pleure.t-il ? puisqu’il sait qu’il va le réveiller ou le ressusciter.
    Est-ce parce qu’il faut pleurer avec ceux qui pleurent ?
    Bonne semaine sainte qui approche dans l’intimité de la première résurrection, car personne n’a rien vu, pas de feu nouveau, pas de messe, pas procession, pas de quête, pas d’apéro RIEN. Personne n’était là quand ça s’est passé, seulement au lendemain quelques femmes…. ça me plait cette idée de simplement se chuchoter: « Christ est ressuscité ! » faire passer la Bonne Nouvelle au monde entier comme un trésor à partager.
    salut !

    • Vincent Lafargue

      Cher Marc,
      Merci de ton commentaire, de ta question et de ta lecture de cette Pâque 2020 qui sera si particulière… mais si semblable à celle du début, comme tu le relèves très bien !
      Pourquoi Jésus a-t-il pleuré ? Pour la même raison qu’il a hurlé sur la croix « Père pourquoi m’as-tu abandonné ? » alors qu’il savait qu’il triompherait de la mort. Parce qu’il est 100% humain tout en étant 100% Dieu. Il éprouve donc le chagrin, il est pris aux entrailles comme chacune, chacun de nous, tout en étant omniscient, certes. On doit tenir les deux ensemble.
      Prends bien soin de toi !
      Amitiés,
      Vincent

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