Le curé est un demeuré

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Homélie pour le 5e dimanche de Pâques B

Actes 9,26-31 / Psaume 21 / 1 Jean 3,18-24 / Jean 15,1-8

 

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Chers Amis,

Dans chacune de mes trois paroisses, ici, à Hérémence, en-haut à Evolène, en-bas à Vex, le discours que j’entends ces derniers temps est toujours le même. On vient vers moi et on me dit :

– Vous avez beaucoup, hein… Il faut vous reposer, Monsieur le Curé. Nous on tient à vous.

Et quelques secondes plus tard, la phrase suivante, c’est :

– Alors au fait je suis venu vous voir parce que mon petit-fils va être baptisé. Alors on a déjà la date… est-ce que vous êtes libre ?

Il y a une légère déception quand je réponds que je ne prends plus ni baptême ni mariage avant le mois de novembre… non pas parce que je ne le veux pas mais tout simplement parce que tous mes dimanches et tous mes samedis – jusqu’à novembre – sont occupés par des baptêmes et des mariages… 18 mariages et 21 baptêmes dont un tout à l’heure et un hier soir d’ailleurs…

Alors là, la réponse est toujours la même :

Ah là là, ils vous demandent beaucoup les autres, hein…

Alors je souris et je dis : Oui… mais pas que les autres, en fait

– Ah, bien sûr… Faudra quand même dire aux gens des deux autres paroisses qu’on a besoin de vous, nous… Mais pour le baptême de ma petite-fille, ça jouerait cet été ?

Alors on discute. Et puis on trouve une date, en général. On s’arrange toujours. J’en suis à trois baptêmes par week-end, y a pas de raisons que ça s’arrête… On va se mettre à grouper un peu, d’ailleurs. Mais c’est ma joie de les célébrer, parce que c’est ma joie de tenir mes promesses au Seigneur, la promesse que je lui ai faite de vous servir, comme le disait le psaume.

Seulement pour que je puisse vous servir, pour que je puisse vous donner les sacrements, il faut que je puisse être relié à Dieu. Et pour que je sois relié à Dieu, véritablement, il me faut des temps de prière.

– Ah oui, me disait une dameC’est vrai que vous, vous devez prier !

…Vous aussi, hein !

Enfin c’est pas un devoir, c’est une joie de prier ! C’est pour cela que j’essaie tout de même de me laisser un peu de temps dans mes journées pour prier un peu, plusieurs fois par jour, pour prendre du temps en silence avec mon Dieu. Que ce soit en contemplant les montagnes, en marchant un peu, ou ici à l’église, devant le tabernacle, ou dans le silence de ma chambre. C’est ma nourriture à moi, la prière. Et je dois prendre le temps de demeurer en Dieu. De développer des racines qui plongent vers lui, qui demeurent en lui pour que je puisse porter du fruit et vous offrir ce fruit.

C’est exactement ce que disait l’Evangile d’aujourd’hui, qui parlait de la vigne. C’est pareil. Un plan de vigne, si vous l’arrachez et que vous le plantez ailleurs trois fois par semaine, il va donner une piquette que même mon confrère le curé de Neuchâtel n’oserait pas servir à ses paroissiens. (Je fais un petit clin-d’oeil à mon confrère Vincent – il s’appelle aussi Vincent, le curé de Neuchâtel).

Tout sarment doit être planté dans sa vigne, et non être sans arrêt arraché pour aller ailleurs.

Vous êtes les sarments, disait Jésus dans l’Evangile, et je suis la vigne. Le sarment ne peut pas porter du fruit s’il ne demeure dans la vigne.

Un curé doit demeurer en Dieu, souvent, dans ses journées. Je dois demeurer…

Au fond, un curé, c’est un demeuré, dans l’idéal.

Et il faut savoir demeurer en Dieu et en même temps répondre aux nombreuses demandes qui me sont faites. Et je me vois mal répondre à quelqu’un : « Repassez plus tard, je suis en train de prier… », ça serait mal compris !

Comme je me vois mal répondre à quelqu’un : « Non, je ne baptise plus, c’est fini, je n’ai plus le temps… » Ce serait très mal compris !

Quel sens ça aurait, si je devenais un de ces curés plus occupés à signer des listes de comptes qu’à visiter les gens ? Plus occupés à imaginer la pastorale plutôt qu’à la vivre… Plus occupés à réformer un conseil de communauté plutôt qu’à célébrer le sacrement du pardon… qu’est-ce que ce serait si j’étais plus occupé à vendre un terrain plutôt qu’à offrir un temps d’écoute à qui en a besoin ?

Je prêcherai une chose et dans ma vie j’accomplirais tout le contraire, ça n’irait pas !

C’est la deuxième lecture qui disait ça : il s’agit d’aimer en vérité, par des actes, non pas seulement par des paroles et des beaux discours, comme je suis en train d’en faire…

Ce n’est pas tout de dire que c’est ma joie de vous servir. Il faut le faire ! Et j’essaie… avec mes pauvretés.

Alors bien sûr que je vais les célébrer, ces baptêmes, avec grande joie ! Et ces mariages, aussi, et le reste aussi ! Bien sûr que je vais prendre du temps pour aller visiter les gens. Ça servirait à quoi d’être curé, autrement ? C’est vrai que je fais un bon millier de kilomètres par mois dans la vallée, c’est vrai… Mais dans des paysages comme nous avons, c’est facile ! C’est un temps de prière ! Et puis pour servir des gens comme vous, c’est une joie !

Si on veut suivre le Christ, il faut demeurer en lui, et il faut aussi prendre son bâton de pèlerin. C’est Saul et Barnabé qui nous le disaient dans la première lecture.

Les premiers Chrétiens, vous savez, n’étaient pas bien différents de vous ! Ceux de Jérusalem n’aimaient pas aller à la messe à Césarée, et ceux de Césarée n’aimaient pas aller à la messe à Antioche. Comme ceux d’Evolène ne viennent pas à la messe ici et ceux de Vex ne montent pas à Evolène. On n’est pas si différents !

Ce sont les Apôtres qui se déplacent, puis leurs successeurs les évêques, et leurs envoyés, les prêtres.

Je vais donc continuer à me déplacer ! Et je vais donc continuer à demeurer ! Il faut tenir les deux. Demeurer en Dieu, prendre du temps pour prier, pour lui parler de vous, plusieurs fois par jour.

Un prêtre qui ne prie pas me fait tout autant souci qu’un prêtre qui ne serre pas les mains.

Alors si vous avez de la peine à m’atteindre, une fois ou l’autre, à fixer un rendez-vous, si vous êtes surpris parce que mes prochaines dates de baptême sont en novembre, dites-vous que c’est simplement parce que votre curé est un demeuré. Il est en train de demeurer en Dieu, de prendre du temps pour se nourrir dans la prière, histoire de porter du fruit, ensuite, pour vous.

Et puis vous aussi, essayez de demeurer en Dieu, de temps en temps, dans vos folles journées.

Essayez de prendre quelques instants de silence, comme nous allons en prendre dans quelques secondes, essayez de prendre des temps d’émerveillement devant la beauté de nos sommets, essayez de vous agenouiller parfois devant Dieu… ça aide, ensuite, à prendre du temps pour les autres et à s’agenouiller devant la terre sacrée que représente notre prochain.

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Vex, samedi 2 mai 2015, 19.00

Evolène, dimanche 3 mai 2015, 9.00

Hérémence, dimanche 3 mai 2015, 10.30 (version enregistrée)

 

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  1. marc

    quelle église vivante ! on baptise encore ! Vraiment ta fatigue vaut la peine, il y a tellement d’endroits, de pays entiers où l’on ne baptise plus, on a tous des cas dans nos famille, et la prière, oui la prière, l’administration des sacrements et l’Eucharistie la prière parfaite, se tourner vers Notre Père, faire oraison, égrener un chapelet, les petits Sugus d’un enfant de Dieu qui se sait aimé. Bon courage pour la suite!

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